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La justice prédictive : un progrès ?

La justice prédictive : un progrès ? L’avènement de l’intelligence artificielle et des méthodes prédictives au sein du système judiciaire représente l’une des évolutions les plus marquantes et controversées de notre époque. Le XXIème siècle est marqué par le développement du numérique et des intelligences artificielles dans le système judiciaire, notamment avec l’avènement des legaltechs et l‘automatisation des décisions de justice.

La justice prédictive est un “ensemble d’instruments développés grâce à l’analyse de grande masses de données de justice qui proposent, notamment à partir d’un calcul de probabilités, de prévoir autant qu’il est possible l’issue d’un litige”.
Elle va se baser sur la prévisibilité, “qualité essentielle de la prestation juridictionnelle”.

La prévisibilité est en tout état de cause un élément indispensable à l’efficacité du système judiciaire, et c’est en cette intérêt que la justice prédictive intervient.

A l’ère de l’augmentation constante du nombre de procédures et de la disponibilité des données concernant les décisions de justice, la justice prédictive a pour objectif de simplifier la recherche et l’analyse des informations juridiques pour les protagonistes du droit.
Ce nouvel outil analysant plusieurs millions de décisions ne permet pas de prédire la décision spécifique qu’un juge prendra, mais élabore une analyse statistique basée sur un ensemble de décisions judiciaires similaires, et permettant donc d’anticiper de potentiels risques. Dès lors que le juge commence à avoir une recommandation algorithmique et qu’il n’ait pas encore pris de décision à ce stade, il aura forcément tendance à se fonder sur celle-ci.
Au-delà de l’évaluation des chances de succès ou de rejet d’une demande, cette analyse statistique va aussi permettre d’estimer le montant des indemnisations pour un préjudice spécifique. Cela permet en outre d’améliorer la stratégie à adopter lors d’un litige.
Ce nouvel outil semble de ce fait particulièrement utile tant pour les justiciables que pour les professionnels du droit.

I- Les avantages et enjeux (La justice prédictive : un progrès ?)

Une justice plus accessible (La justice prédictive : un progrès ?)

L’accessibilité est un aspect essentiel de la justice. Effectivement, l’accès au droit et à la justice est un droit fondamental prévu par la loi du 10 juillet 1991 et réformé le 18 décembre 1998. Il apparaît donc comme essentiel pour la garantie d’un système juridique stable et équilibré. Toutefois, dans le système actuel, l’accessibilité à la justice est souvent considérée comme pas assez reconnue. La justice prédictive présente diverses solutions et ouvre ainsi la voie à une justice plus équitable et accessible pour tous.

Dans un premier temps, le critère qui apparaît être le plus évident est de ce fait la possibilité de rendre la justice plus accessible grâce à des gains financiers. La justice est à l’origine entourée d’un principe de gratuité du service public de la justice, et ce par la loi du 30 décembre 1977. L’article L111-2 du code de l’organisation judiciaire énonce en effet: “Le service public de la justice concourt à l’accès au droit et assure un égal accès à la justice. Sa gratuité est assurée selon les modalités fixées par la loi et le règlement”. Et si l’accès à la justice est censé être gratuit, il fait toutefois l’objet de restrictions. Certains actes procéduraux peuvent être payants (faire appel par exemple), mais surtout, les auxiliaires de justice qui assistent les parties dans leur procès sont quant à eux loin d’être gratuits (honoraires d’avocats, experts…). Ce principe n’est alors pas absolu puisque l’engagement d’une procédure engendre différents frais de justice, qui peuvent parfois être élevés. C’est ainsi que la justice prédictive va pouvoir y remédier. Tout d’abord, dans sa capacité à déterminer s’il est opportun ou non de débuter un procès, les justiciables vont s’épargner des dépenses et des frais de procédure exorbitants sur plusieurs mois voire années. Par conséquent, les justiciables prendront logiquement la décision la plus préférable pour eux. En évitant des affaires peu susceptibles de réussir, les coûts associés aux procédures judiciaires peuvent être réduits. Cette technologie élimine donc en partie la nécessité de posséder une expertise juridique approfondie pour comprendre les chances de succès d’une affaire. Cela démocratise l’accès à l’information juridique, et permet de ce fait à n’importe quelle personne de prendre des décisions plus avisées sur la gestion de leurs contentieux.

De surcroît, le recours à l’intelligence artificielle pour prévoir l’issue d’un litige est quant à lui gratuit, ou d’un coût moindre. Il existe par exemple une intelligence artificielle, “Justice Bot”, qui est un outil informatique gratuit permettant de “simplifier l’accès à l’information juridique relative au bail de logement développé par le Laboratoire de cyberjustice en collaboration avec le Tribunal administratif du logement”.

En plus du simple accès à l’information gratuite, les intelligences peuvent aussi permettre aux individus de mieux comprendre le fonctionnement de la justice, et de simplifier les informations qui n’apparaissent pas forcément claires et compréhensibles aux yeux de tout le monde. Le vocabulaire juridique peut être parfois très complexe et sophistiqué et de ce fait qui n’est pas évident à comprendre. N’importe quel individu peut de nos jours s’autoriser à regarder les décisions rendues par les juridictions et ce de manière illimitée, mais encore faut-il les comprendre et en saisir tous les aspects. La justice prédictive ne permet pas seulement de prévoir l’issue d’un litige, mais elle va également permettre à l’individu de comprendre, grâce à l’ensemble des décisions rendues dans le passé, la potentielle issue de son litige qui pourrait être rendue par un juge.

L’accessibilité de la justice émane donc de la justice prédictive, bien plus qu’actuellement ou les individus se voient exclus du système judiciaire pour cause de complexité des affaires et du vocabulaire employé: “Régulée par d’innombrables textes de loi, la justice se révèle trop complexe pour être comprise du grand public”.

Seuls les auxiliaires de justice, professionnels du droit ou ceux qui travaillent dans des fonctions juridiques de loin ou de près peuvent réellement en saisir les nuances. En effet, selon Marianne Bressy, “les gens ont un rapport effrayé à la justice”, faute de transparence et d’accessibilité. Ces nouvelles technologies permettent d’inclure chaque individu comme acteur dans son litige et dans la justice, et ainsi d’en comprendre le sens. Cette technologie va donc apporter une transparence plus accrue du système judiciaire actuel et une démystification de ce processus juridique. Cette transparence permet d’avoir un impact plus qu’avantageux pour les citoyens. En effet, leur prise de décision sera plus libre et éclairée puisqu’ils ont un accès direct à des évaluations impartiales sur leurs cas d’espèce.

En somme, l’accessibilité de la justice permet d’être bien plus importante et considérable grâce à la justice prédictive que ce soit tant au niveau du gain de temps, financier, ou encore s’agissant de sa transparence et de sa compréhension.

La célérité des décisions de justice

(La justice prédictive : un progrès ?)

L’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme énoncent que le justiciable bénéficie du droit à ce qu’on traite son affaire dans un délai raisonnable. La notion de la célérité des décisions de justice découle de ce fait de ce principe et est ainsi considérée comme un droit de l’homme. Pourtant, ces dernières années, la durée de traitement des dossiers a largement augmentée.

Et même si la notion de “délai raisonnable” peut paraître floue, la durée de traitement des dossiers peut être considérée en France comme excessivement longue.

En 2019, le temps moyen nécessaire pour obtenir une décision de justice était de 6,2 mois devant le juge d’instance ; 9,4 mois devant le tribunal de grande instance; 14,5 mois devant le conseil de prud’hommes et de 14 mois pour la Cour d’appel.
Ces délais, plus bas il y a quelques années déjà, ne font que de s’accroître et les justiciables ne cessent de dénoncer la lenteur de la justice.

Les raisons de cette lenteur du système judiciaire sont toutefois bien identifiées et l’analyse des délais peut se décliner en fonction de plusieurs facteurs tels que: l’accroissement du contentieux, la complexification croissante des procédures (les phases de la procédure de plus en plus longue, assignation, audience, jugement), ou encore en fonction des différents acteurs de la procédure (les magistrats, les experts, le comportement dilatoire des parties et la reconnaissance ou non des faits par le ou les auteurs présumés…).

La lenteur de la justice ne fait que de révéler un manque évident de ressources matérielles et humaines dans le système judiciaire actuel. Cette lenteur semble de plus en plus préoccupante au regard des justiciables qui perdent foi en la justice française, mais également s’agissant de la qualité des décisions rendues.

La justice prédictive présente de ce fait un avantage tout particulier pour remédier à cette carence du système judiciaire actuel. Effectivement, l’analyse des décisions de jurisprudence déjà rendues est effectuée par l’intelligence artificielle de façon bien plus rapide que celle réalisée par l’intelligence humaine. Cette rapidité d’analyse présente d’un côté un avantage conséquent pour les professionnels du droit, la recherche juridique étant un des aspects les plus chronophages de leur profession. Cette étape est pour autant primordiale et peut ainsi être facilitée par cette nouvelle technologie.

Les juges notamment se voient être aidés dans leur prise de décision. L’algorithme va en effet proposer un panel de possibilités sur le dossier donné ce qui lui permettra de mieux se positionner sur l’issue d’un litige dans lequel il peine à prendre une décision.
La résolution des litiges semble de ce fait plus efficace et évidente pour les professionnels du droit qui se voient en quelque sorte soulagés de cette obligation de rendre des décisions dans un délai raisonnable.

De ce traitement plus rapide des affaires découle un avantage quantitatif, à savoir le désengorgement des tribunaux. Effectivement, le traitement des affaires étant plus rapide, cela va donc entraîner, à terme, un désengorgement des juridictions.
De plus, au-delà de la prise de décision des magistrats qui sera plus efficiente, la justice prédictive encourage les justiciables à choisir un des modes alternatifs de règlements des conflits (médiation, conciliation, transaction, arbitrage…) plutôt que de se présenter immédiatement devant le juge. Elle va donc permettre de faire gagner du temps à la fois aux juges et aux justiciables. Ce gain de temps peut apparaître comme considérable au fil des années et ce qui va de toute évidence générer un désencombrement des tribunaux.
De par sa capacité à prévoir l’issue d’un litige, la justice prédictive va permettre de déterminer s’il est opportun ou non de débuter un procès, et quelles en seront les chances de réussite.

Une égalité de traitement au profit du justiciable

(La justice prédictive : un progrès ?)

Le principe d’égalité des citoyens devant la loi figure à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 qui dispose que “la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse”, même si certaines différences de traitement peuvent être acceptées dans des situations précises. Il s’agit du principe selon lequel tout individu doit être traité de la même manière devant la loi. Ce principe étant très important, le Conseil constitutionnel l’a par ailleurs jugé consacré à valeur constitutionnelle. Ainsi, “tous les justiciables, quelle que soit leur nationalité ou leur condition, doivent être traités de manière identique par les juridictions françaises”.

L’un des aspects les plus importants est la capacité pour la justice prédictive d’éliminer les biais inconscients qui peuvent survenir lors de la prise de décision dans le système juridique. En effet, il arrive que des affaires totalement identiques soient rendues de deux manières totalement différentes par deux juges, ou encore que les tribunaux de certaines villes soient plus sévères que dans d’autres. Il y a donc là un problème d’égalité de traitement vis-à -vis des justiciables, qui ne doivent espérer que de tomber sur le juge qui rendra la décision la plus favorable à leur égard. Cette ambivalence n’est pas anodine et doit en tout état de cause être prise en considération.

C’est dans ces cas précis que les intelligences artificielles peuvent rendre des décisions plus justes et objectives. Ces dernières sont des machines simplement basées sur des algorithmes, et donc dénuées de tout sentiment et émotions qui peuvent venir altérer leur jugement. La justice prédictive, peut ainsi participer non seulement à gagner en prévisibilité pour l’issue de litiges, mais aussi contribuer à une meilleure égalité de traitement au profit des justiciables. Ces technologies vont ainsi favoriser une harmonisation des décisions de justice ce qui aura pour effet de réduire les inégalités pouvant se faire ressentir dans certains contentieux. Dans certains cas, un juge virtuel serait alors plus fiable qu’un humain, et un “moteur d’intelligence artificielle serait donc capable de rendre la justice de façon plus sereine qu’un humain”.

Il viendrait donc préserver tous les citoyens contre les effets secondaires indésirables du droit, les biais inconscients des juges et ruptures d’égalité entre les justiciables en font évidemment partie.

(La justice prédictive : un progrès ?)

De plus, bien que les magistrats aient un devoir de neutralité et d’impartialité figurant comme une des obligations déontologiques les plus importantes dans le code de déontologie, les algorithmes s’avèrent être bien plus efficaces sur ce point-là que les humains, encore une fois pour cause de ne pas avoir d’émotions. Ces derniers subissent moins d’influences subjectives puisqu’ils se concentrent uniquement sur les données pertinentes de l’affaire. Ils ne vont pas avoir différentes interprétations possibles comme un humain pourrait le faire, mais simplement se baser sur les analyses statistiques objectives et en minimisant le plus possible les écarts d’une affaire à une autre.

Ainsi, les risques d’inégalités entre les justiciables apparaissent moins fréquents avec les algorithmes prédictifs, et ainsi comme une solution évidente pour réduire, même à petite échelle, les irrégularités qui entourent le système judiciaire actuel.

II- Les limites et défis de la justice prédictive

(La justice prédictive : un progrès ?)

La question de fiabilité et d’efficacité des décisions rendues

(La justice prédictive : un progrès ?)

L’une des principales préoccupations de ce système est le problème d’adaptation et d’individualisation de la peine. L’individualisation des peines est un fondement essentiel du système juridique qui vise à garantir que les sanctions imposées aux délinquants tiennent compte de leurs circonstances individuelles, de la gravité des infractions et de l’objectif de la peine. Ce principe reconnaît que chaque personne est unique et que les peines doivent être adaptées à chaque cas spécifique, plutôt que d’être appliquées de manière uniforme et rigide.
L’individualisation de la peine permet de garantir une certaine équité au sein du système judiciaire en évitant une application mécanique et automatique de sanctions standardisées qui ne tiendraient pas compte des spécificités individuelles de chacun.
La dimension humaine pour juger une personne est donc très importante, voire primordiale. Seul un juge pourra faire de subjectivité à l’égard de certaines affaires, et le cas par cas est essentiel afin de rendre une décision plus juste et adaptée. C’est là qu’est toute l’ambivalence du travail d’un magistrat.

L’un des exemples les plus probants est la question des affaires pénales.

(La justice prédictive : un progrès ?)

Le système s’avère être efficace pour des affaires plus simples ou n’y a en effet pas cette question de personnalisation de la peine qui rentre en compte (pour les infractions au code de la route comme précédemment citées par exemple). Toutefois, des affaires plus délicates telles que des crimes, il faudra une expertise plus détaillée des circonstances extérieures. Un système se basant uniquement sur une base de données statistiques et de probabilités ne peut pas s’avérer pleinement efficace et fiable. Ces affaires se révèlent bien plus nuancées et complexes pour simplement confier cela à des algorithmes prédéterminés.

De surcroît, ce système est basé sur un ensemble des décisions rendues dans le passé, la question de la pertinence de l’issue qu’elle va donner à un litige en fonction de ces données est ainsi reconsidérée. Pour être pleinement efficace, il a été estimé que les données devaient être vraiment nombreuses pour juger le système efficace. De fait, le résultat ne peut pas être considéré comme pertinent dès lors que le système se base sur un petit échantillon de décisions, et ces algorithmes prédictifs peuvent ainsi livrer des résultats discutables. Les résultats proposés par les algorithmes doivent de ce fait toujours être relativisés et reconsidérés. Leur emploi doit être basé sur une simple assistance et non pas sur un remplacement de la fonction du professionnel. Une expertise du professionnel sera toujours nécessaire afin de nuancer ou d’apporter son propre examen face à l’affaire en l’espèce. En effet, seuls ce qu’on appelle la “cognition humaine” peut faire face à certaines situations particulières rencontrées dans le métier, chose que les intelligences artificielles ne sont pas capables de surmonter. Les algorithmes sont réduits à leur phase d’apprentissage et aux données par lesquelles ils ont été nourris. Ce corpus de données peut s’avérer avoir été créé sur un nombre de critères trop larges pour espérer voir une solution pertinente face au contentieux en l’espèce.

La justice prédictive nécessite en tout état de cause une certaine régulation pour pleinement en tirer un avantage concret. Les dangers concernant l’individualisation de la peine et des informations contenues dans la base de données requiert d’être contrôlé perfectionner pour permettre à ces algorithmes prédictifs d’être pleinement efficaces et au service du système judiciaire actuel.
Un traitement accéléré, simplifié ne garantit donc pas forcément un traitement mieux adapté. Les algorithmes doivent de ce fait seulement servir de repère, ils fournissent une solution référentielle qu’il faut adapter en fonction des modalités propres à chaque affaire car, deux affaires quoique similaires ne sont pas irrémédiablement identiques.

Également, peuvent exister des biais algorithmiques qui sont considérés comme l’un des plus gros risques de la justice prédictive. Un biais algorithmique est défini comme une anomalie présente dans la sortie des algorithmes. Les biais sont des distorsions dans la collecte, l’analyse ou l’interprétation des données qui peuvent entraîner des résultats inéquitables, injustes ou inexacts.
Tout d’abord, des biais peuvent ressortir lors de la construction de ces technologies. Il y a des biais de sélection, puisque lors de leur élaboration, il est possible de sélectionner certaines variables tout en en excluant d’autres. Cette sélection peut introduire des biais en omettant des facteurs importants qui pourraient influencer les résultats. Par ailleurs, ces technologies sont elles-mêmes réalisées par des organismes privés. En tout état de cause, on ne peut pas considérer que leur construction ait été complètement objective. Ces organismes ont eux-mêmes des préjugés, ou idées subjectives faisant que celles-ci sont forcément transmises lors de l’élaboration des algorithmes. Les élaborateurs de l’algorithme sont eux-mêmes humains, et comme toute personne, influencés par les autres et ont leurs propres opinions sur certains points. Cela peut ainsi amener les développeurs des systèmes à orienter les modèles selon leur vision des choses.

Ensuite, et les biais les plus évidents sont ceux résidant dans les données. Les algorithmes prédictifs sont alimentés par des données historiques, qui peuvent de ce fait refléter des préjugés et inégalités existant dans le système judiciaire. Si les données historiques contiennent des biais liés par exemple à la race, au genre, à l’origine ethnique ou à d’autres facteurs, les modèles prédictifs peuvent reproduire ces biais, et ainsi créer des discriminations.. Il peut ainsi en découler des biais dits « sociaux » qui seront établis sur les comportements humains reproduits dans la vie quotidienne.

Les décisions basées sur des modèles biaisés peuvent ainsi perpétuer l’injustice et les inégalités persistantes dans le système judiciaire actuel.

La crainte de la cristallisation du droit

(La justice prédictive : un progrès ?)

Comme vu précédemment, les algorithmes prédictifs utilisent les décisions rendues dans le passé. Le risque de cette pratique est ce qu’on appelle « l’uniformisation » et la « cristallisation » du droit. Cette notion fait référence à ce que le droit devienne de plus en plus stable, prévisible et établi au fur et à mesure que les tribunaux prennent des décisions. Le droit ne se renouvellerait pas, ou très peu, et les décisions rendues seraient totalement uniformisées sans perspectives d’évolution. Le droit est pourtant une matière qui nécessite d’être en constante évolution, pour s’adapter aux besoins de la société.

Le problème des algorithmes prédictifs est effectivement qu’ils n’ont pas la capacité de se renouveler, et ainsi de procéder à des revirements jurisprudentiels ou autre fluctuation pour mieux s’accorder à la société actuelle. Ceux-ci ont seulement le pouvoir de se baser sur des décisions passées pour en prendre tous les aspects et rendre une décision similaire en fonction de toutes les données qu’ils auront collectées. Cet effet de reprendre sans cesse les décisions passées assoit un peu plus l’uniformisation de ces décisions. En effet, si le juge n’exerce plus sa propre appréciation et se basait seulement sur l’algorithme en reconduisant systématiquement la réponse donnée par le système prédictif, la solution rendue deviendrait automatique.

La justice prédictive semblerait donc enfermée dans le passé, et aurait donc une approche rétrospective, incompatible avec le système judiciaire qui se veut évolutif. Les résultats issus des algorithmes seraient de ce fait annonciateurs d’une uniformisation du droit à l’avenir. Le droit deviendrait « figé » du fait du conformisme aux décisions antérieures, et serait ainsi seulement basée sur L’expérience passée et non sur un raisonnement juridique.

C’est ainsi cet effet performatif de la justice prédictive qui va pousser les juges à reproduire mécaniquement les issues de litiges rendues par les algorithmes. Le juge va alors faire abstraction de son raisonnement personnel dans l’exercice de ses fonctions et va alors simplement reporter les décisions rendues en grand nombre par les algorithmes, et de ce fait perdre sa qualité de technicien du droit. La justice prédictive, contrairement à ce qu’elle était destinée, aura tendance à figer le présent plutôt que de prédire l’avenir.

(La justice prédictive : un progrès ?)

La cristallisation du droit est de ce fait une des plus grandes craintes pour le système judiciaire. La standardisation des décisions, la négligence de la singularité de chaque affaire, la réduction du rôle de la jurisprudence et le manque de flexibilité des algorithmes prédictifs auront nécessairement pour conséquence une justice qui n’arrivera plus à s’adapter aux besoins sociétaux. Celle-ci deviendrait ainsi totalement désuète et plus d’aucune utilité vis-à-vis de ses justiciables.

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