La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile
La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile par Alexandra Puygrenier
Mémoire effectué sous la direction de Monsieur Jean-Pierre Rosenczveig
MASTER 2 Recherche
Droit Pénal et de Procédure Pénale
Année universitaire 2007-2008 – Université PARIS X Nanterre
SOMMAIRE
1). — INTRODUCTION :
La place de l’enfermement des mineurs au sein du droit pénal français
2). — SECTION 1 :
La notion d’enfermement et son champ d’application
3). — SECTION 2 :
L’enfermement des mineurs à travers la mise en place et l’évolution d’un droit spécifique aux mineurs
4). — CHAPITRE 1 :
L’enfermement des mineurs : Échec ou modalité de protection de l’enfance ?
5). — SECTION 1 :
L’enfermement des mineurs : une exception avant tout
6). — SECTION 2 :
L’enfermement des mineurs : Échec d’une protection antérieure ?
7). — CHAPITRE 2 :
Faut-il priver de liberté pour éduquer à la liberté ?
8). — SECTION 1 :
L’enfermement des mineurs comme réponse pénale
9). — SECTION 2 :
L’enfermement des mineurs : une solution, parfois critiquable
10). — CONCLUSION
Université PARIS X Nanterre
Par
Alexandra Puygrenier
Mémoire effectué sous la direction de Monsieur Jean-Pierre Rosenczveig
MASTER 2 Recherche Droit Pénal et de Procédure Pénale
Année universitaire 2007-2008
Je tiens à remercier particulièrement mes Professeurs, Madame Fortis et Madame Poncela de
m’avoir permis de bénéficier d’enseignements de qualité
Monsieur Rosenczveig pour son aide si précieuse
Ma famille et mes amis pour leur soutien
INTRODUCTION : La place de l’enfermement des mineurs au sein du droitpénal français SECTION 1 : La notion d’enfermement et son champ d’application SECTION 2 : L’enfermement des mineurs à travers la mise en place et l’évolution d’un droit spécifique aux mineurs CHAPITRE 1 : L’enfermement des mineurs : Échec ou modalité de protection de l’enfance ? SECTION 1 : L’enfermement des mineurs : une exception avant tout SECTION 2 : L’enfermement des mineurs : Échec d’une protection antérieure ?.. CHAPITRE 2 : ‘ Faut-il priver de liberté pour éduquer à la liberté ? ‘ SECTION 1 : L’enfermement des mineurs comme réponse pénale SECTION 2 : L’enfermement des mineurs : une solution, parfois critiquable CONCLUSION |
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Après avoir défini ce que l’on entendait par le terme ‘ enfermement ‘ (Section 1), il est intéressant d’étudier l’évolution
que celui-ci a pu prendre à travers la mise en place d’un droit pénal des mineurs (Section 2).
Section 1 : La notion d’enfermement et son champ d’application
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
L’enfermement est un terme assez vaste et regroupe à lui seul plusieurs notions qu’il est important de définir (I).
Dès lors, il sera intéressant de la replacer dans le temps afin de comprendre pourquoi aujourd’hui, l’idée d’enfermer
un mineur est apparu comme ultime solution à la récidive des jeunes, et par ailleurs de montrer que cette idée,
bien que normalement exception au droit des mineurs, n’est pas nouvelle et connaît des limites (II).
I – L’enfermement : une notion large (La place de l’enfermement dans les réponses
à la délinquance juvénile)
Victor Hugo dans son ouvrage Les misérables avait avancé l’idée que le fait d’ouvrir des écoles avait pour conséquence
de fermer des prisons. Ainsi, il préconisait comme solution à la délinquance, l’éducation et l’instruction en soulignant que
‘ l’homme a un tyran, l’ignorance1 ‘. Cette analyse, bien qu’ayant plus d’un siècle, est encore très actuelle et illustres-en
quelques mots un débat inlassablement repris par les politiques et qui se trouve au cœur de la justice des mineurs.
Aujourd’hui, le traitement de la délinquance juvénile est devenu un enjeu politique majeur.
À l’heure où s’ouvrent des prisons spécialisées pour les mineurs qui se veulent éducatifs, que des centres dits fermés se
mettent en place, le principe qui régit notre droit interne et international n’est-il pas celui de l’exception à l’enfermement
d’un mineur,
1 V. Hugo, Les misérables, Tome 1, Livre premier, Chapitre X L’évêque en présence d’une lumière inconnue,
éditions Rencontre 1966, p : 60.
faisant ainsi primer l’éducation à la répression ? On peut se demander si la punition peut aller de pair avec l’éducation ?
En s’appuyant sur les textes internationaux, l’enfermement doit être considéré comme ‘ toute forme de détention,
d’emprisonnement ou le placement d’une personne dans un établissement public ou privé dont elle n’est pas autorisée
à sortir à son gré, ordonné par une autorité judiciaire, administrative ou autre 2 ‘.
Ainsi, aujourd’hui près d’un million d’enfants seraient privés de liberté à travers le monde.
L’enfermement, dès lors, peut prendre différents aspects :
‘ garde à vue temporaire, emprisonnement dans des centres de détention, mais aussi dans des institutions fermées
qu’elles sont ‘ éducatives ‘, ‘ psychiatriques ‘, ‘ accueillantes ‘ pour des handicapés ou des orphelins, ou encore
des étrangers en situation illégale3 ‘. En France, l’enfermement, en plus de recouvrir la mise en détention dans les
maisons d’arrêts ou encore l’exécution de condamnations à une peine d’emprisonnement concerne aussi les enfants
étrangers maintenus en zone d’attente ou dans les centres de rétention, l’internement dans les hôpitaux psychiatriques
ou encore les placements dans les centres éducatifs fermés.
Ce champ d’étude étant particulièrement vaste, je m’attacherai à l’analyse de la prison (détention provisoire et peine
d’emprisonnement, notamment à travers l’étude des quartiers pour mineurs ainsi que des nouveaux établissements
pénitentiaires spécialisés pour mineurs) et des centres éducatifs fermés, laissant de côté ce qui relève du contentieux
des mineurs étrangers et de l’internement en établissement psychiatrique. En effet, je retiendrai le terme
‘ enfermement ‘ pour les mineurs ayant commis une infraction, et donc se trouvant en conflit avec la loi.
2 Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté adoptée par l’Assemblée générale dans
sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990, article 11 b).
3 JLR, Dossier : enfermement des mineurs, RAJS – JDJ n° 250, décembre 2005, p : 16
II – La notion de privation de liberté et les principes consacrés par
le droit pénal des mineurs (La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance
juvénile)
Après avoir montré quels sont les objectifs d’une privation de liberté (A),
il sera intéressant de voir comment celle-ci peut s’appliquer (B).
A). — Objectif d’une peine privative de liberté
Michel Foucault, dans son ouvrage Surveiller et punir, a écrit : ‘ Cette évidence de la prison dont nous nous détachons
si mal se fonde d’abord sur la forme simple de la ‘ privation de liberté ‘.
Comment la prison ne serait-elle pas la peine par excellence dans une société où la liberté est un bien qui appartient
à tous de la même façon et auquel chacun est attaché par un sentiment ‘ universel et constant ‘ ?
Sa perte a donc le même prix pour tous ; mieux que l’amende, elle est le châtiment ‘ égalitaire ‘.
Clarté en quelque sorte juridique de la prison. De plus, elle permet de quantifier exactement la peine selon la variable du temps.
Il y a une forme-salaire de la prison qui constitue, dans les sociétés industrielles, son ‘ évidence ‘ économique.
Et lui permet d’apparaître comme une réparation. En prélevant le temps du condamné, la prison semble traduire concrètement
l’idée que l’infraction a lésé, au-delà de la victime, la société tout entière4 ‘. En effet, comme le souligne justement Michel Foucault,
la privation de liberté (passant ici par la prison) apparaît comme une mesure de sureté, nécessaire à la victime,
mais surtout à la société dans son maintien de l’ordre public. Il s’agit de l’ultime sanction à appliquer lorsqu’un individu
a été au-delà de ce que la justice peut faire supporter à chacun. Mais, est-ce la meilleure solution pour les mineurs ?
Nous allons y revenir. Il faut d’abord définir ce que l’on entend par ‘ privation de liberté ‘ de façon générale puis ce que
cela sous-entend de façon spécifique pour les mineurs. Atteinte tolérée à la liberté d’aller et de venir, la privation de liberté
peut prendre différentes formes, la principale étant la peine d’emprisonnement.
Ainsi, ‘ L’emprisonnement pénal, dès le début du XIXᵉ siècle, a couvert à la fois la privation de liberté et la transformation
technique des individus. Rappelons, un certain nombre de faits. Dans les Codes de 1808 et 1810, et les mesures qui les ont
immédiatement précédés ou suivis, l’emprisonnement n’est jamais confondu avec la simple privation de liberté. Il est, où il
doit être en tout cas, un mécanisme différencié et finalisé. Différencié puisqu’il ne doit pas avoir la même forme,
selon qu’il s’agit d’un prévenu ou d’un
4 Michel Foucault, Surveiller et punir, Naissance de la prison, collection Tel, éditions Gallimard, 1975, réed. Janvier 2007,
p : 268 – 269.
condamné, d’un correctionnaire ou d’un criminel : maison d’arrêt, maison de correction, maison centrale doivent en principe
correspondre à peu près à ces différences et assurer un châtiment non seulement gradué en intensité, mais diversifié dans
ses buts5 ‘.
Ainsi, à travers ces quelques lignes, il met en évidence les enjeux et les objectifs de la prison, sans distinction entre la peine
d’emprisonnement des majeurs et des mineurs. Bien qu’écrit dans les années 70, cette perception de la prison et de la
peine d’emprisonnement reste actuelle. L’emprisonnement pénal regroupe à la fois la privation de liberté, mais a pour
but d’aller au-delà dans un ‘ souci de transformation technique des individus ‘. Comment cela peut-il être interprété ?
La prison, en plus de priver une personne de sa liberté d’aller et de venir, doit permettre à celle-ci de ressortir ‘ meilleure ‘.
C’est-à-dire de lui faire comprendre la portée de ses actes, mais aussi faire en sorte qu’,elle ne recommence pas et
ne tombe pas à nouveau dans la délinquance. La récidive doit être à tout prix évitée dans un souci de sécurité pour la société.
L’article 132-24 alinéa 2 du Code pénal, rajouté par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la
récidive des infractions pénales précise que ‘ la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés
de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec
la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ‘.
Pour en revenir plus précisément à la notion de peine privative de liberté, l’article 707, alinéa 2 du Code de procédure
pénale dispose que ‘ l’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes,
l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ‘.
Ainsi, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 janvier 1994 (DC n° 93-334) estime que l’exécution des peines
privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle est conçue, non seulement pour protéger la société et
assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle
réinsertion. S’agissant plus particulièrement des ‘ mineurs délinquants ‘, en cas de commission d’une infraction,
les faits vont être pris en compte par le juge tout comme sa personnalité. Rappelons que ‘ l’article 4 de la loi
du 22 juillet 1912 introduit dans la législation de l’enfance la notion d’enquête sociale […] celui-ci dispose que
‘ s’il paraît, au contraire, que l’enfant est auteur d’un fait qualifié crime ou délit, il devra être procédé à une enquête
sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents de l’enfant, sur les conditions
dans lesquelles celui-ci a vécu et a été élevé,
5 Idem, p : 270.
et sur les mesures propres à assurer son amendement… 6 ‘. Ce système, bien que mis en place au début du siècle
dernier, est toujours vrai. Comme nous allons le voir plus tard, il est important d’étudier la situation de ce jeune
au moment où l’acte reproché a été commis. Était-il conscient de son geste ? Le comprenait-il ? Pourquoi en
est-il arrivé là ? Dès lors, la peine doit donc être adaptée à l’exigence du cas, mais aussi à la personnalité des
délinquants (mineurs et majeurs confondus). Ce principe d’individualisation des peines a été reconnu comme
principe à valeur constitutionnelle par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 22 juillet 2005
(DC n °2005-520 (cons. N° 3) et constitue l’un des fondements de la justice pénale des mineurs consacrés
par l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Ainsi, l’article 132-24 du Code pénal,
cette fois dans son alinéa 1, dispose que
‘ dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances
de l’infraction et de la personnalité de son auteur… ‘. Cependant, ce principe connaît des exceptions7.
Mais, que ce soit pour les majeurs ou les mineurs, la privation de liberté consécutive à une infraction,
selon le contexte dans lequel celle-ci est prise peut prendre différentes formes et différents noms.
Elle s’appliquera alors de manière différente suivant que l’infracteur est majeur ou non.
B). — Exécution d’une peine privative de liberté
Les peines de réclusion, de détention et d’emprisonnement s’exécutent en principe en milieu fermé.
Cependant, le principe de réinsertion conduit à permettre à la plupart des condamnés de prendre contact avec
l’extérieur, au titre d’un régime pénitentiaire en milieu ouvert. Ce type de régime est impossible pour
les condamnés dits dangereux faisant l’objet d’une période de sureté ou dont l’incarcération se prolonge
par une surveillance judiciaire8.
En France, il existe deux types d’établissement :
— les maisons d’arrêts qui accueillent en principe, les détentions provisoires (article 714 CPP).
Cependant, du fait en partie d’une surpopulation carcérale importante, elles reçoivent également les condamnés
à des peines de moins d’un an d’emprisonnement
6 H. Gaillac, Les maisons de correction 1830 – 1945, Éditions Cujas, 1991, p : 329.
7 Voir Infra, p : 44 et s.
8 Voir notamment à ce sujet, la nouvelle loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté
et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
ou à des peines supérieures, mais dont il ne reste à accomplir que moins d’un an (article 717 CPP).
— Les établissements pour peines qui n’accueillent que des condamnés définitif, à savoir les maisons
centrales dont le régime de sécurité est renforcé, les centres de détention, orientés vers la réinsertion,
les centres ou les quartiers de semi-liberté préparant les condamnés à la sortie et les centres pour peines
aménagées recevant les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un
Il est aussi possible d’exécuter une peine privative de liberté en milieu ouvert. En effet, depuis la loi n° 2004-204
du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite aussi ‘ loi Perben II ‘,
lorsque la peine prononcée à l’encontre d’une personne non incarcérée est une peine privative de liberté
inférieure ou égale à un an, ou lorsqu’ s’agit d’une personne pour laquelle la détention prononcée est
inférieure ou égale à un an ou en cas de cumul de condamnations, lorsque le total des peines prononcées
ou restant à subir est inférieur ou égal à un an, le ministère public communique au juge de l’application
des peines, un extrait de la décision, accompagné le cas échéant de toute information utile, afin de déterminer
les modalités d’exécution de la peine. Cela peut prendre la forme d’un placement extérieur (qui permet au
condamné d’être employé en dehors d’un établissement pénitentiaire à des travaux contrôlés par l’administration
(article 723 CPP), d’une semi-liberté (dont le but est de faciliter l’exercice d’une activité professionnelle,
l’accès à un enseignement ou à une formation, la participation à la vie de famille ou le suivi d’un traitement médical),
d’un fractionnement et suspension de peine (hors les cas où il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction
(depuis la loi du 12 décembre 2005), le juge de l’application des peines peut suspendre l’incarcération ou ordonner
son exécution par fraction pour éviter l’effet corrupteur ou nuisible du milieu carcéral, mais aussi lorsqu’ existe
un motif grave d’ordre familial, professionnel ou social (article 720-1 CPP en matière correctionnelle),
d’un placement sous surveillance électronique ou enfin d’une libération conditionnelle.
S’agissant des mineurs de treize ans susceptibles de pouvoir subir une peine privative de liberté,
il existe des quartiers de détention qui leur sont réservés au sein des établissements pénitentiaires9,
et depuis 2007, on assiste à l’ouverture d’établissements pénitentiaires
9 Voir infra : Chapitre 2 – Section 1, II – Les quartiers pour mineurs : limite à la réinsertion des jeunes, p : 72.
spécialisés pour mineurs (EPM)10. D’autres types de mesures dites éducatives sont exécutés dans des établissements
de placement relevant du milieu ouvert. Il s’agit des foyers d’action éducative, des centres éducatifs renforcés,
des centres de placement immédiat11 et des centres éducatifs fermés12 (introduits pour ces derniers
aux articles 33 et suivants de l’ordonnance du 2 février 1945)13.
Mais, avant d’entrer dans le vif du sujet et d’étudier de manière approfondie pourquoi aujourd’hui consiste
l’enfermement des mineurs au sens où nous l’entendons, il est indispensable de retracer sommairement
les perspectives historiques des droits ‘ accordés ‘ à ces derniers, en montrant l’évolution des institutions
spécialisées pour les ‘ jeunes délinquants ‘, pour voir dans quel contexte un droit spécifique aux mineurs
s’est construit, droit consacré par l’Ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante, texte de base,
fondateur des grands principes de cette justice pénale et donnant la priorité à une réponse éducative.
Section 2 : L’enfermement des mineurs à travers
la mise en place et l’évolution d’un droit spécifique aux mineurs
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Il est important de voir comment s’est construit ce droit pénal spécial consacré pour les enfants et adolescents,
qui a changé le regard et l’intérêt que la société pouvait avoir à leur égard. Ainsi jusqu’au milieu du XXᵉ siècle,
le traitement des mineurs considérés comme délinquants était principalement une affaire pénale.
Lorsqu’un enfant avait transgressé une norme, en commettant, par exemple, un délit, la première question posée,
était de savoir si ce dernier avait agi ou non avec discernement. Si l’acte avait été commis de façon inconsciente
ou involontaire, la peine du mineur était alors réduite. Cette approche formalisée au lendemain de la Révolution
dans le nouveau Code pénal de 1810 (I) ne disparaitra que dans les années 40 pour être remplacée par celle
‘ d’éducabilité des mineurs ‘ qui régit aujourd’hui notre droit (II)14.
10 Voir infra : Chapitre 2 – Section 2, I – Les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs :
le ‘ pari d’une prison éducative ? p : 80.
11 Voir infra : Chapitre 1 – Section II, II, B) Les différents placements possibles :
‘ Répondre par l’éducatif à la demande de sécurité ‘, p : 60.
12 Voir infra : Chapitre 2 – Section 1, I, A) Les centres éducatifs fermés : un enfermement ‘ juridique ‘, p : 64.
13 X. Pin, Droit pénal général, Cours Dalloz, 2e édition, 2007, p : 350 à 364
14 F. Bailleau, Les jeunes face à la justice pénale, Analyse critique de l’application de l’ordonnance de 1945,
Syros, Alternatives sociales, 1996, p : 20-23.
I — Avant l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante :
Absence d’un droit spécifique aux mineurs, l’enfermement au cœur de l’action
judiciaire (La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Cette étude va débuter avec la construction de l’Hôpital Général en 1656, qui a constitué la première mesure
collective destinée à assister les pauvres ainsi qu’à lutter contre le chômage et la mendicité.
En effet, suite à cela, une ordonnance royale de 1684 a créée au sein de cette institution, une section spéciale
pour les garçons et les filles de moins de 25 ans, en précisant les dimensions pédagogiques de l’internement,
à savoir une formation morale et religieuse d’une part et un travail d’autre part, auquel est attribuée une
fonction essentiellement répressive. Dans un même temps, l’ordonnance de 1670, socle de la justice pénale
de l’ancien régime, estime que l’oisiveté conduit au vagabondage et à la délinquance et considère le mineur
comme une ‘ miniature d’homme criminel ‘ auquel il faut appliquer la même justice. Ainsi, à la veille de la
Révolution, le feu, la roue ou encore la noyade sont des condamnations courantes envers les mineurs15.
En 1721, une nouvelle ordonnance royale a prévu la création d’institutions spéciales chargées de
l’instruction et de l’éducation des mineurs. Ainsi, l’idée d’enfermer les mineurs délinquants, mais
non, forcément criminels dans un établissement à finalité éducative est très ancienne.
Celle-ci qui a pris sa source particulièrement pendant la Révolution française, ne se réalisera réellement que
sous la monarchie de juillet avec les maisons de correction16. Mais, avant cela, l’Hôpital général qui représentait
la forme d’enfermement généralisé en France, va commencer d’être critiqué du fait de nombreux désordres intérieurs.
Suite à la révolution de 1789, les trois ordres vont demander l’abolition de ‘ l’enfermement des pauvres ‘,
mais le code pénal de 1810 renforcera la répression du vagabondage et disposera que
‘ les vagabonds ou gens sans aveu sont ceux qui n’ont ni domicile certain, ni moyens de subsistance et qui n’exercent
habituellement ni métier ni profession17 ‘.
Ainsi, de nombreux mineurs vont se retrouver en prison, car confrontés pour la plupart à de telles situations.
Ce n’est qu’avec le mouvement philanthropique du milieu du XIXème siècle que l’on souhaite sortir enfin les enfants
des prisons et à moindre échelle, les séparer des détenus adultes (ces derniers, jusqu’alors ne l’étant pas).
Cependant, la révolution industrielle a entrainé de profondes transformations sociales qui inquiètent l’opinion
publique : on assiste à 15 Y. Le Pennec, Centre fermé, prison ouverte – Luttes sociales et pratiques éducatives spécialisées,
L’Harmattan Controverses, 2004, p : 11 et s.
16 Voir supra, p : 12 et s.
17 Y. Le Pennec, Centre fermé… op. cit. note 15, p : 17.
une augmentation importante de la délinquance juvénile qui serait liée au développement urbain.
À cette époque, sans distinction particulière, tous les jeunes délinquants vont en prison :
2 073 d’entre eux ont moins de seize ans en 1840 et se retrouvent mélangés à des adultes.
Ce ne fut qu’en 1918, que l’Administration pénitentiaire généralisa les quartiers spéciaux pour mineurs dans plusieurs
grandes prisons. On rêve alors d’un emprisonnement rééducatif d’où le détenu sortirait meilleur qu’à son entrée,
d’un idéal de prison où l’éducation permettrait au jeune de se détourner du crime.
Cette première étape va donc aboutir à l’établissement des maisons d’éducation correctionnelle spéciales pour mineurs.
C’est dans cette optique qu’est inaugurée, par exemple, en 1836, la prison de la Petite Roquette spécialement
conçue pour des enfants, dont une grande partie relève du régime de la correction paternelle18 et des lois réprimant
le vagabondage.
Malgré cette volonté d’aider le jeune à s’en sortir, le régime initial de ce type d’établissement aménageant des espaces
de vie collective dans des classes ou dans des ateliers, évolue vers l’isolement individuel et le règne du silence absolu.
En effet, après à peine plus d’un an de fonctionnement, le préfet de police de l’époque, Benjamin Delessert, décide
d’isoler de jour comme de nuit les mineurs de correction paternelle dans un règlement du 27 février 1838, mesure
étendu à tous les jeunes détenus en 1840. Alors tous isolés les uns des autres afin de les rendre ‘ soumis ‘
et ‘ appliqués ‘ pour reprendre les propos de Monsieur Boulon, directeur de la Petite Roquette, on se rend vite
compte que le régime cellulaire de la prison incite à l’insubordination et à la révolte.
(La Petite Roquette fermera alors en 1865). À la même époque, en 1832, le Comte d’Argout, Ministre des Travaux
Publics et du Commerce de Louis-Philippe, propose de placer les enfants abandonnés chez des cultivateurs
et des artisans pour être élevés et instruits. Il va donc adresser aux préfets, une circulaire sur le ‘ placement
en apprentissage des enfants jugés en vertu de l’article 66 du code pénal19 ‘, texte qui va établir pour la première
fois une distinction nette entre la sanction pénale, qui doit être appliquée aux condamnés et la mesure éducative
qui convient aux enfants acquittés ayant agi sans discernement.
Ainsi, la loi sur l’éducation et le patronage des jeunes détenus du 5 août 1850, sur laquelle va reposer, durant
près de quatre-vingts ans l’organisation des établissements de rééducation pour mineurs consacre, outre la mise
en place de quartiers spéciaux des maisons d’arrêt, deux types d’établissement :
les colonies pénitentiaires et les colonies correctionnelles au régime plus 18 Un enfant, jusqu’à ses vingt-cinq ans,
pouvaient être enfermé dans un tel établissement à la demande de son père.
19 Article 66 du Code pénal de 1810 : ‘ Lorsque l’accusé aura moins de seize ans, s’il est décidé qu’il a agi sans
discernement, il sera acquitté ; mais il sera, selon les circonstances, remis à ses parents ou conduit dans une maison
de correction, pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d’années que le jugement déterminera,
et qui toutefois ne pourra excéder l’époque où il aura accompli sa vingtième année ‘.
sévère, appelées plus largement ‘ colonies agricoles ‘. La plus célèbre d’entre elles fut la colonie de Mettray
en Indre-et-Loire, fondée par le magistrat Frédéric Auguste Demetz, qui ouvrit le 22 janvier 1840.
Elle servit de modèle aux colonies pénitentiaires agricoles privées créées en France à partir de 1839, publiques,
ouvertes à partir de 1860 et dans les États européens en voie d’industrialisation. Le docteur Ferrus, médecin
aliéniste et inspecteur général du service sanitaire des prisons, a dit de cette colonie que ‘
Réunir 500 jeunes délinquants acquittés par la loi comme ayant agi sans discernement et cependant renfermés
d’ordinaire dans des maisons de correction où leur santé se perdait et où se développaient promptement
les premiers germes d’une démoralisation précoce, les laisser en liberté, prisonniers sur parole et livrés à un
travail librement exécuté dans les champs ; leur apprendre à devenir meilleurs en leur apprenant à se rendre utiles ;
diviser les détenus par tribus et par familles ; obtenir par ce fractionnement restreint les avantages de l’action individuelle,
et par la réunion générale l’active émulation d’un grand concours ; faire en quelque sorte surgir la régénération morale
et le perfectionnement physique des détenus de leur condamnation même : tel fut le but de cette fondation importante20 ‘.
Jusqu’en 1976, la loi ne prévoyait pas de distinction entre les enfants d’âge différent.
Ainsi, les colonies pénitentiaires reçurent des enfants de tous âges21. Il faut aussi savoir qu’en plus des enfants jugés
et relevant de l’article 66 du Code pénal, étaient reçus au sein de ces établissements des enfants de l’Assistance
publique, des enfants abandonnés ou encore des enfants indisciplinés envoyés par leurs parents.
Il faudra attendre la Loi du 22 juillet 1912, complétée par un décret du 5 mars 1914 pour que ces enfants de moins
de treize ans ne soient plus confiés à l’administration pénitentiaire, mais remis à l’Assistance publique ou placés
dans des asiles ou internats appropriés. Peu à peu, le système des colonies se dégrada et commença d’être
contesté avec la multiplication des critiques envers l’administration pénitentiaire. Celles-ci visaient à la fois
le caractère insuffisamment agricole des colonies, mais aussi l’exploitation des enfants aux dépens de leur éducation.
Plusieurs d’entre elles, privées ou pénitentiaires, sont fermées par l’État suite à graves révoltes, scandales
ou faillites financières. La colonie de Mettray ferma en 1939 suite à des campagnes de presse contre les bagnes d’enfants.
C’est seulement en 1911 que l’Administration Pénitentiaire est rattachée au Ministère de la Justice et non plus
au Ministère de l’Intérieur. Bien avant cette date, plusieurs types d’action 20 H. Gaillac, Les maisons de correction…
- cit. note 6, p : 83.
21 Les mineurs de 12 ans représentant 36 % de l’effectif des colonies pénitentiaires publiques et privées réunis
en 1880, soit 2 580 enfants sur 7 215 sociale ont amené peu à peu à ce que la justice prenne en compte de façon
efficace, les mineurs que l’on pouvait appeler ‘ délinquants ‘ ou que l’on considérait en danger :
— Il y a eu les sociétés des jeunes détenus libérés s’occupant justement de ces derniers à leur sortie de prison ;
— les sociétés de protections des enfants abandonnés et les sociétés de sauvetage de l’enfance qui prenaient
en chargent les enfants abandonnés, les orphelins, les insoumis, qui leur étaient signalés par les tribunaux,
les œuvres ou les administrations ;
— les comités de défense des enfants traduits en justice :
Henri Rollet, d’abord avocat à la Cour de Paris, puis juge au tribunal de la Seine en 1914 et président de la chambre
spéciale des mineurs, participa en 1890 à la création du premier comité, qui avait pour but d’assurer la défense
des enfants en justice et la protection des enfants victime ou en danger.
Beaucoup d’enfants abandonnés par leurs parents se retrouvaient dans la rue et passaient devant le tribunal pour
des vols ou encore pour avoir mendié.
Il fallait donc ‘ veiller à leur défense pour permettre leur éventuelle relaxe, leur éviter la prison ou la maison de correction,
veiller à ce qu’ils soient confiés à une œuvre. En effet, traduit en justice sous l’inculpation de vagabondage,
s’il était reconnu avoir agi ‘ avec discernement ‘, l’enfant était condamné et incarcéré22. ‘
— le mouvement des patronages ‘ ouverts ‘ (création d’œuvres de placement et d’asile) et des patronages fermés.
Ces pratiques vont être légalisées par la loi du 22 juillet 1912 qui créa une juridiction spécialisée pour les affaires des
mineurs, en posant le principe de la primauté des mesures éducatives sur les peines et qui a introduit la notion
de liberté surveillée23.
Ces institutions, souvent présidées par des magistrats, se démarquent alors du secteur pénitentiaire et leur vocation
éducative va produire une extension du contrôle judiciaire sur une population dont la délinquance cesse d’être le seul
critère pertinent pour justifier d’une intervention.
Antérieurement, il faut souligner que la loi du 19 avril 1898 a modifié les articles 66 et suivants du code pénal vu
précédemment, en visant les crimes commis ‘ par des enfants ‘ ou ‘ sur des enfants ‘. Ainsi, en assimilant les enfants
auteurs d’infractions aux enfants victimes, cette loi combla une lacune majeure du système répressif pour les mineurs.
Avant ce texte, 22 J-P Rosenczveig, Le dispositif français de protection de l’enfance,
Éditons Jeunesse et droit, 2005, p : 1170. 23 La liberté surveillée est applicable à tous les mineurs, même ceux de moins
de treize ans et peut être ordonnée au stade de l’information ou du jugement.
Ce peut être de façon provisoire compris comme une mesure d’observation pour les mineurs de treize à dix-huit ans,
ou comme une mesure définitive ou susceptible d’être révisée.
‘ le juge d’instruction auquel on amenait un jeune délinquant devait auparavant se résigner soit à le laisser sous contrôle
de sa famille, soit à le mettre en détention préventive dans une maison d’arrêt (administration pénitentiaire).
L’article 4 de cette nouvelle loi lui permet en outre de le confier ‘ à un parent, à une personne ou institution charitable…
ou à l’Assistance publique ‘.
De même (article 5 de la loi), le tribunal peut désormais éviter d’envoyer l’enfant dans une colonie pénitentiaire
(publique ou privée) en le confiant à une personne ou institution charitable ou à l’Assistance publique.
Ainsi, apparaissait un nouveau secteur privé, concurrent de celui de l’administration pénitentiaire, directement en relation
avec les magistrats et qui offrait l’avantage considérable de pouvoir intervenir, dès la phase d’instruction des affaires pénales.
C’est de là qu’est sorti le mouvement des patronages
‘ ouverts ‘ et ‘ fermés ‘ qui s’est différencié, dès l’origine, à la fois de l’administration pénitentiaire
et de l’Assistance publique24 ‘.
Ces nouvelles possibilités offertes au juge, même si les partisans de la loi ont infirmé cette idée, sont largement inspirées
par la critique récurrente des institutions correctionnelles qui se développe depuis les années 187025.
Car il faut savoir que les maisons pénitentiaires ‘ renfermaient trois catégories d’enfants :
— certains étaient condamnés à une peine,
— d’autres, bien qu’acquittés, étaient maintenus dans l’établissement faute de pouvoir retourner chez leurs parents,
le juge voulant leur éviter une condamnation pour ‘ vagabondage ‘,
— d’autres enfin, étaient détenus pour correction paternelle.26 ‘
Ainsi, les sociétés de patronage qui en plus de prendre en charge les jeunes après une incarcération ou un envoi en
correction, sont de plus en plus intéressées à l’éducation des mineurs alors pris en charge par la justice.
Au commencement, on parle de patronage ‘ ouvert ‘ qui est un placement familial, rural ou artisanal. Puis très vite,
pour recueillir les jeunes qui ne pouvaient se maintenir dans un environnement ouvert, on créa des patronages
dits ‘ fermés ‘, ayant pour but de placer le mineur dans une maison d’accueil, ou bien un asile, qui ne se distinguèrent
‘ des anciennes colonies pénitentiaire que par leur indépendance vis- à-vis de l’administration et leurs liens avec
les magistrats, qui souvent sont présidents des œuvres27 ‘. Une autre étape importante dans la justice des mineurs
est la loi du 12 avril 1906 qui étendit le bénéfice de la minorité pénale pour la catégorie des ‘ seize – dix-huit ans ‘.
24 H. Gaillac, Les maisons de correction…, op. cit. note 6, p : 244
25 E. Pierre, La loi du 19 avril 1898 et les institutions, Revue d’histoire de l’enfance irrégulière,
Numéro 2, 1999, http://rhei.revues.org/document45.html.
26 J-P Rosenczveig, Le dispositif français de… op. cit. note 22, p : 1171.
27 H. Gaillac, Les maisons de correction…, op. cit. note 6, p : 245.
Malgré ces avancées positives, la première guerre mondiale va interrompre momentanément le développement
des secteurs privés et publics et consécutivement à celle-ci, dans les années 1919 – 1920, on observe une augmentation
massive des pupilles de la Nation, orphelins de guerre, mais aussi de jeunes délinquants et vagabonds.
Dans les années 30, l’Administration Pénitentiaire fit appel à l’Éducation Nationale : des éducateurs vont être chargés
de la rééducation morale, de la formation professionnelle et du maintien de la discipline.
Un décret du 31 décembre 1927 sépare le personnel de l’Éducation Surveillée de celui de l’Administration Pénitentiaire.
Ainsi, le personnel éducateur va être détaché de l’Éducation Nationale et recevra une formation spéciale
à l’École Pénitentiaire de Fresnes. Cette expérience a été instaurée dans la maison d’éducation surveillée
de Saint-Maurice et l’école de réforme de Saint Hilaire. Mais, celle-ci va être dans un premier temps soldée par un échec :
les instituteurs abandonnent les uns après les autres, les jeunes s’évadent ou se révoltent.
De nombreuses réformes vont être mises en place afin d’améliorer la situation, mais seront retardées
par la seconde guerre mondiale, le personnel étant dans l’ensemble mobilisé.
La délinquance juvénile va subir pendant la guerre et l’occupation une forte augmentation.
Elle triplera même de 1938 à 1942, en passant de 13 310 à 34 811 jeunes délinquants28.
‘ La loi du 27 juillet 1942 sur les tribunaux pour enfants et les centres d’observation, autonomise dans la pratique
un droit pénal de l’enfance en supprimant la notion de discernement et d’acquittement.
Elle affirme le principe de la rééducation par opposition au système répressif.
Elle se réserve néanmoins d’y recourir ‘ pour des mineurs que leur perversité ne permet pas d’amender
par des méthodes ordinaires de redressement ‘. Ce texte exprime à nouveau la contradiction mainte fois relevée :
la justice des mineurs ne se fait éducative qu’à la condition du maintien, en son sein et sous son contrôle,
des fonctions les plus répressives29 ‘. Cependant, dans l’esprit, la sanction répressive ne peut être
qu’exceptionnelle, c’est-à-dire en cas de crime seulement pour les moins de seize ans.
On estime que le mineur doit être rééduqué et non pas puni. La loi de 1942 ne sera pas validée
à la libération et va être remplacée par l’ordonnance du 2 février 194530.
28 H. Gaillac, Les maisons de…, op. cit. note 6, p : 361 (voir tableau en note de bas de page).
29 Y. Le Pennec, Centre fermé…, op. cit. note 15, p : 49.
30 Partie (A) largement inspiré de l’ouvrage d’Henri Gaillac, Les maisons de correction,
1830 – 1945, éditions Cujas, 1991.
II). — De 1945 à nos jours : Une responsabilité pénale
des mineurs ‘ graduée ‘
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante créée un véritable droit spécifique
aux mineurs et prévoit des mesures de nature différente pour répondre à la délinquance juvénile :
les mesures éducatives devant primer sur les mesures répressives. Elle va aménager des sanctions particulières
pour les mineurs délinquants tout en organisant la procédure qui leur sera applicable.
Ainsi, le juge doit fonder ses décisions sur l’étude de la personnalité du mineur, entrainant une individualisation
de la prise en charge éducative.
C’est dans un tel contexte que vont apparaître les premières écoles de formation, d’abord dans le secteur privé
et que va être créé le 1ᵉʳ septembre 1945 au sein du Ministère de la Justice, la Direction de l’Éducation Surveillée
ayant pour but de s’occuper de la jeunesse dite
‘ délinquante ‘ et qui va être dégagée de la tutelle de l’Administration Pénitentiaire.
Celle-ci ouvrira son premier centre de formation en 1951. Ainsi, pour en revenir à l’ordonnance de 1945,
son article 2 pose comme principe la primauté de l’éducation sur la répression en énonçant que le Tribunal
pour enfants et la Cour d’Assises des mineurs prononcent des mesures de protection d’assistance, de surveillance
et d’éducation.
Ce texte peut être rapproché de l’article 122-8 du Code pénal modifié par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002
dite loi d’orientation et de programmation pour la justice ou encore loi Perben I qui dispose que
‘ les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont
ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection,
d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils peuvent faire l’objet.
Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l’encontre des mineurs
de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize à dix-huit ans,
en tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ‘.
Cet article se borne donc à rappeler deux principes fondamentaux :
— les mineurs coupables font normalement l’objet de mesures éducatives et seuls ceux de plus de treize ans
peuvent faire l’objet d’une
— il renvoie à l’ordonnance de 1945, en instaurant une responsabilité pénale des mineurs que l’on pourrait
qualifier de graduée.
La responsabilité pénale, qui ne doit pas être confondue avec la majorité pénale, est l’âge à partir duquel on
considère qu’un mineur est pénalement responsable de ses actes, et donc susceptible d’être condamné selon
les modalités définies par l’ordonnance de 1945.
En France, contrairement aux autres pays européens, cet âge n’est pas clairement fixé :
le mineur doit être ‘ doté de discernement ‘. La jurisprudence considère généralement qu’un mineur en est
doté à partir de sept-huit ans.
Cependant, dans cette tranche d’âge, les enfants bénéficient encore d’une irresponsabilité pénale, mais
des mesures éducatives civiles peuvent être prises à leur encontre.
À partir de dix ans, des sanctions éducatives vont être possibles et ce n’est qu’à partir de treize ans, malgré
une responsabilité atténuée, que des peines vont pouvoir être prononcées.
On remarque alors que la France, n’a pas fixé d’âge légal précis au-dessous duquel, aucun mineur ne peut
être déclarés irresponsable pénalement.
C’est la jurisprudence qui a défini une tranche d’âge, mais non la loi. Or l’article 40 3. a) de la Convention
internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE)31 dispose que les états parties doivent
‘ s’efforcer de promouvoir l’adoption de lois, de procédures, la mise en place d’autorités et d’institutions
spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale, et en particulier :
<h4>(…) D’établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n’avoir par la capacité </h4>
d’enfreindre la loi pénale ‘.
C’est pour se mettre en conformité avec ce texte que le Ministre de la Justice, Madame Rachida DATI,
dans une allocution en date du 15 avril 200832 instaurant la Commission chargée de formuler des propositions
pour réformer l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante, a exprimé son souhait de fixer
un âge de responsabilité pénale en estimant que la formule du Code pénal
‘ les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables ‘ était trop vague. Jusqu’à aujourd’hui,
l’ordonnance de 1945 a subi de nombreuses réformes, puisque cette dernière a été revue plus de trente fois.
Nous ne citerons que les plus importantes de façon générale.
Ainsi, la loi du 24 mai 1951 a instauré la Cour d’Assises des mineurs, compétente pour juger des crimes
commis par les mineurs de seize à dix-huit ans.
Elle peut également juger le majeur complice ou coauteur d’un mineur.
Quelques années plus tard, l’ordonnance du 23 décembre 1958 relative à la protection de l’enfance et
de l’adolescence en danger va renforcer la ‘ protection civile des mineurs en danger ‘.
Jusqu’à cette ordonnance, ‘ c’est paradoxalement lorsque le mineur a commis un acte de délinquance
qu’il est le mieux protégé par l’intervention judiciaire. Les moyens d’éducation mis à la disposition
du juge des enfants par l’ordonnance de 1945 sont refusés à de nombreux enfants que les conditions de vie
31 Voir infra pour une étude plus détaillée de la CIDE : Chapitre 1, Section 1, I – A) Les textes internationaux, p : 22 et s.
32 http://www.presse.justice.gouv.fr: cliquez sur ‘ discours ‘ ; puis sur ‘ discours de 2008 en texte et en vidéo ‘ ;
puis, sur le lien relatif à l’Ordonnance du 2 février 1945 en date du 15 avril 2008.
mettent en danger physique ou moral, que leur situation ou leur état prédestine à la délinquance et aux formes
graves de l’inadaptation sociale33 ‘.
En effet, avant l’ordonnance de 1958, il fallait alors attendre qu’un acte de délinquance soit commis pour
qu’un enfant considéré ‘ comme en danger ‘ puisse être pris en charge.
On va alors, par exemple, étendre les dispositions de l’ordonnance de 1945 aux mineurs de vingt-et-un an
‘ dont la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation sont compromises ‘ et ‘ peuvent faire l’objet de mesures
d’assistance éducative34 ‘.
La loi du 9 septembre 2002 revient sur l’interdiction de placer en détention provisoire des mineurs de moins
de seize ans (normalement édictée par la loi n° 87- 1062 du 30 septembre 1987) en modifiant l’article 11
de l’ordonnance de 1945 en prévoyant la possibilité de placer en détention provisoire les mineurs âgés de
treize à seize ans en matière criminelle ou s’ils se sont volontairement soustraits aux obligations d’un contrôle
judiciaire alors qu’ils étaient placés en centre éducatif fermé35. Enfin, la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007
relative à la prévention de la délinquance, élargit la procédure de composition pénale aux mineurs avec
l’article 7-2 de l’ordonnance de 1945. Elle modifiera également l’article 20-2 en énonçant les établissements
dans lesquels un mineur âgé de plus de treize ans pourra effectuer sa peine privative de liberté et
les conditions de celle-ci. La loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive
des majeurs et des mineurs, modifie aussi les droits applicables aux mineurs.
En effet, le principe de l’atténuation de peine pour les mineurs entre seize et dix-huit ans est mis à mal.
Celui-ci réduisant de moitié la peine normalement encourue sera maintenue en cas de première récidive,
mais ne s’appliquerait plus en cas de deuxième récidive pour les crimes ou délits avec violence ou
les agressions sexuelles, sauf décision particulièrement motivée du juge.
On remarque que ce dernier garde encore la possibilité de revenir sur un tel mécanisme.
Mais, il faut aussi savoir qu’il peut retirer l’excuse de minorité, en dehors d’une situation de ‘ double récidive ‘
s’il estime cela opportun suivant les actes commis et la personnalité du mineur.
En effet, il est nécessaire de laisser une telle marge d’appréciation aux juges, le Conseil Constitutionnel
dans sa décision du 29 août 2002 ayant énoncé que l’atténuation de minorité était un principe a valeur
constitutionnelle sur lequel on ne pouvait pas revenir36.
Dès lors, la possibilité de revenir sur
33 http://www.textes.justice.gouv.fr : cliquez sur ‘ Textes fondamentaux ‘ ; puis sur ‘ justice des mineurs ‘
puis cliquez sur ‘ l’Ordonnance du 23 décembre 1958 ‘.
34 Idem.
35 Voir infra : détention provisoire des mineurs détaillée au Chapitre 2, Section 1, I – B) De la détention
provisoire à l’incarcération, p : 67 et s. 36 CC, 29 août 2002, n° 2002-461 DC :
‘ Considérant que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la
nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées
à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures
appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début de l’excuse de minorité
ne serait-elle pas contraire avec la prise en considération de la personnalité du mineur normalement recherchée ?
De plus, il faut aussi préciser que la loi de 2007 précitée permet d’assortir l’emprisonnement prononcé à l’égard
d’un mineur d’un sursis avec mise à l’épreuve37.
Comme cela fut déjà souligné précédemment, parmi les principales évolutions de la justice des mineurs
concernant l’enfermement de ces derniers et sur lesquelles il est important de s’appesantir, se trouvent l
À création avec la loi Perben I de 2002 des EPM ainsi que des centres éducatifs fermés38.
Ainsi, les différentes institutions créées afin d’accueillir un mineur délinquant ou non suivant les époques,
ce sont toujours soldées par un échec. Michel Foucault dans Surveiller et punir, a écrit :
‘ On sait tous les inconvénients de la prison, et qu’elle est dangereuse quand elle n’est pas inutile.
Et pourtant on ne ‘ voit ‘ pas par quoi la remplacer.
Elle est la détestable solution, dont on ne saurait faire l’économie39 ‘,
‘ la prison, dans sa réalité et ses effets visibles, a été dénoncée comme le grand échec de la justice pénale40 ‘.
Non spécifique aux jeunes délinquants, cette affirmation peut être transposée autant à ces derniers qu’aux majeurs,
dans les effets pervers qu’une détention peut entrainer. Dès lors, suite à cette constatation, nous nous
attacherons à démontrer pourquoi l’enfermement des mineurs, malgré l’exception qui l’accompagne
dans son prononcé, peut être aujourd’hui considéré comme une bonne réponse à la récidive de la délinquance
juvénile, pour voir comment finalement, celle-ci ne peut être considérée que comme une solution parmi tant
d’autres et pas toujours nécessairement la meilleure.
Un premier chapitre étudiera l’enfermement des mineurs en tant qu’échec ou modalité de protection de l’enfance,
à travers les différents textes existant, les acteurs intervenant, mais aussi les mesures applicables à la justice
des mineurs, tout en s’interrogeant sur ce que les termes de délinquance juvénile signifient.
Pour qu’un second chapitre développe l’enfermement par rapport à la notion d’éducation :
‘ Faut-il priver de liberté pour éduquer à la liberté ?41 ‘
XXᵉ siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale
des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l’Ordonnance du 2 février 1945
sur l’enfance délinquante ‘.
37 Voir infra : Chapitre 2, Section 1, I – B) 2. La condamnation à une peine d’emprisonnement, p : 71 et s.
38 Voir supra, notes 10 et 12.
39 M. Foucault, Surveiller et punir…, op. cit. note 4, p : 268.
40 Idem.
41 Voir infra, voir note 131.
Que ce soit dans le droit international, ou bien au sein de la législation interne, l’enfermement des mineurs
est strictement encadré afin d’éviter tout abus auprès de cette population qui doit être protégée
plus particulièrement que les adultes. Ainsi, des normes internationales doivent être respectées et intégrées
au sein des législations nationales. Par exemple, la Convention internationale relative aux droits de
l’enfant est une convention fondamentale dont les dispositions ont eu des répercussions importantes
dans la plupart des pays (à l’exception de la Somalie et des États Unies qui ne l’ont pas encore ratifié).
Dès lors, à l’échelle internationale, la détention ou l’emprisonnement d’un mineur doit rester avant t
out une exception (Section 1). Or qui dit exception, dit forcément qu’une possibilité d’enfermement reste possible.
C’est ce que nous développerons dans un premier temps, pour étudier ensuite la notion de ‘ délinquance juvénile ‘,
expression très à la mode au sein de la politique actuelle, qui n’hésite pas à scander haut et fort,
les dérapages et les problèmes liés à la jeunesse (Section 2).
Il est vrai que la délinquance d’aujourd’hui n’est pas la même que celle d’hier.
Alors, plusieurs interrogations émergent : la délinquance des jeunes est-elle réellement en hausse ?
Les actes répréhensibles sont-ils de plus en plus grave ? Et si cela est vérifié, un tel constat, permet-il de justifier
certaines réformes de l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante qui tendent à durcir
un système normalement fondé sur l’éducation et non la répression ? De façon plus générale,
est-ce que cela justifie qu’on ait de plus en plus recours aujourd’hui à l’enfermement s’agissant des mineurs ?
Section 1 : L’enfermement des mineurs : une exception avant tout.
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Le droit à la sureté est le droit de ne pas être détenu arbitrairement. Ainsi, l’article 66 de la Constitution du 4 octobre
1958 dispose que ‘ Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle,
assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ‘. Ainsi, ce n’est pas la détention est prohibée, mais
son caractère arbitraire.
Cet article fait de l’autorité judiciaire, la gardienne de la liberté individuelle.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, repris dans le Préambule de la Constitution à valeur
constitutionnelle et dispose en son article 7 que ‘ Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans
les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites ‘.
Ce droit à la sureté est également consacré, en des termes similaires par l’article 9 du Pacte international du 16 décembre 1
966 relatif aux droits civils et politiques42 et par l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme43.
Ainsi, il est intéressant de voir, de manière plus spécifique aux droits des mineurs, à quel point ce droit revêt
une importance particulière dans toute société démocratique que ce soit d’un point de vue international (I)
qu’interne (II) à travers les textes adoptés, mais aussi l’application qu’en fait la jurisprudence.
I – Les textes internationaux et la position de la Cour européenne
des droits de l’homme
Au sein de la communauté internationale, deux conventions restent primordiales s’agissant du droit applicable aux mineurs.
Il s’agit de la Convention internationale sur les droits de l’enfant (CIDE) (A), et au niveau européen, de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) (B). Nous verrons donc comment ces deux textes régissent
l’enfermement des mineurs et comment ces derniers sont utilisés par la jurisprudence, pour voir leur répercussion
au sein du droit français.
A). — Les textes internationaux (La place de l’enfermement dans les réponses à
la délinquance juvénile)
La CIDE, bien que fondamentale, n’est pas le seul texte protégeant les enfants contre toute détention arbitraire.
Ainsi, après avoir énoncé les différents textes applicables en ce domaine (1), il est d’intéressant d’étudier l’applicabilité
de la Convention des Nations Unies sur le territoire français à travers la jurisprudence du Conseil d’Etat
et de la Cour de Cassation (2).
42 Pacte ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale des Nations Unies
dans sa résolution 2 200 A (XXI) le 16 décembre 1966 à New York. Il est entré en vigueur le 23 mars 1976.
Ratification de la France en 1980.
43 Voir infra, p : 24.
- Les textes fondamentaux applicables
L’article 9 du Pacte international de 196644, cité précédemment, dispose que :
1). — ‘ 1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation
ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs, et conformément
à la procédure prévus par la loi.
2). — Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra
notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui.
3). — Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant
un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires et devra être jugé dans un délai
raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle,
mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience,
à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du Quiconque se trouve privé de sa liberté
par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai
sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
4). — Tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation.
Le terme individu ici, ne distingue pas la personne adulte du mineur.
Le droit à la sureté est donc un droit qui s’applique à tous.
Toutefois, des règles internationales adoptées par l’Organisation des Nations Unies, mais cette fois plus spécifiques
aux mineurs existent. Il s’agit tout d’abord, des règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés
de liberté, adoptées par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990, dont l’article 1
dispose que ‘ La justice des mineurs devrait protéger les droits et la sécurité et promouvoir le bien-être physique
et moral des mineurs. L’incarcération devrait être une mesure de dernier recours ‘.
Ainsi, la privation de liberté d’un mineur doit être une mesure prise en dernier recours, pour un temps minimum
nécessaire et décidée uniquement pour des cas exceptionnels. L’article 2 précisera que la ‘ durée de la détention
doit être définie par les autorités judiciaires, sans que soit écartée la possibilité d’une libération anticipée ‘.
Le but de ces règles est de protéger le mineur privé de liberté pour que sa ‘ détention ‘ soit
44 Voir supra, note 42.
compatible avec les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, évite certains effets néfastes45 susceptibles
d’apparaître et favorise la réinsertion sociale (article 3).
À énoncer aussi, l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus élaboré par les Nations Unis
en 1955 et 1977, qui souligne à l’article 5 alinéa 2 que ‘ La catégorie des jeunes détenus doit comprendre en
tout cas les mineurs qui relèvent des juridictions pour enfants.
En règle générale, ces jeunes délinquants ne devraient pas être condamnés à des peines de prison ‘.
S’agissant à présent de la Convention internationale sur les droits de l’enfant adoptée le 20 novembre 1989
par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à New York, celle-ci doit être considérée
comme un instrument essentiel à appliquer, à valeur contraignante pour les États signataires et l’ayant ratifié.
Ainsi, elle a consacré les libertés de consciences et de religion, d’opinion, d’expression et d’association,
celles-ci ne dépendant plus du ‘ bon vouloir ‘ des parents et étant considérées comme des droits pour
l’enfant46. L’enfermement des mineurs est prévu à l’article 37 qui dispose que
‘ Les États parties veillent à ce que :
1). — Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés
pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans ;
2). — Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L’arrestation, la détention ou
l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort,
et d’être aussi brève que possible ;
3). — Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne
humaine, et d’une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge.
En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on n’estime préférable de ne pas l
e faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant, et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance
et par des visites, sauf circonstances exceptionnelles ;
4). — Les enfants privés de liberté aient le droit d’avoir rapidement accès à l’assistance juridique ou à toute
autre assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal
ou une autre autorité
45 Voir infra : Chapitre 2, Section 2, II – Les limites à l’enfermement des mineurs, p : 86 et s.
46 Jean-Pierre Rosenczveig, Le dispositif français…, op. cit. note 22, p : 121.
compétente, indépendante et impartiale, et à ce qu’une décision rapide soit prise en la matière. ‘
Aujourd’hui, la Somalie et les États-Unis, sont les seuls pays à ne pas avoir ratifié la Convention.
Le second du fait, que trente-neuf États sur cinquante n’ont pas abolis la peine de mort, qui s’applique encore
aux mineurs pour vingt-trois d’entre eux. Or après une lecture de l’article 37, on s’aperçoit qu’une telle
situation est contraire à son alinéa a). La France fut quant à elle le vingt-troisième pays à ratifier la Convention.
Mais, quelle est la portée de ce texte au sein de ses juridictions ?
-
<h4> Portée de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant dans la jurisprudence française </h4>
<h4>(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)</h4>
‘ La théorie d’applicabilité directe aide à déterminer si un particulier peut se prévaloir ou non des stipulations
d’une convention internationale en vigueur (autrement dit une convention ratifiée, publiée et d’application
réciproque selon l’article 55 de la Constitution). Pour qu’un justiciable puisse revendiquer le bénéfice d’une
disposition d’un traité, encore faut-il que la norme soit reconnue d’applicabilité directe (on dit aussi qu’elle
a un caractère auto-exécutoire). En cas contraire, la règle est réputée d’application indirecte :
elle ne s’adresse qu’aux États signataires, le particulier ne pouvant s’y appuyer pour fonder ses prétentions47. ‘
Or, la Convention internationale sur les droits de l’enfant (CIDE), engage les pays l’ayant ratifié comme
nous venons de le voir et a donc une valeur contraignante. Ainsi, il est intéressant de savoir, de façon assez
générale, si les justiciables peuvent s’en prévaloir et si les juges peuvent s’y référer que ce soit devant
les juridictions judiciaires (a) ou administratives (b) ?
-
a) Résistance jusqu’en 2005 de la Cour de Cassation
Au regard du droit international, un arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 2 juin 200048
a énoncé dans un attendu que ‘ la suprématie conférée aux engagements internationaux ne s’applique pas,
dans l’ordre interne, aux dispositions de
47 C. Chabert, Acceptation judiciaire de l’applicabilité directe de la Convention de New York,
JCP 2005 II n° 10115, p : 1577.
48 AP, 2 juin 2000, n° de pourvoi : 99-60274.
valeur constitutionnelle ‘. En l’espèce, Mlle X., avait demandé à ce que soit annulée une décision
de la Commission administrative de Nouméa (lieu dont celle-ci était habitante), qui avait refusé de l’inscrire
sur une liste prévue à l’article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie des
électeurs admis à participer à l’élection du congrès et des assemblées de province. Sa requête ayant été rejetée,
elle forma alors un pourvoi en cassation en se fondant, entre autres sur le fait que le jugement avait refusé
‘ d’exercer un contrôle de conventionnalité de l’article 188 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999
relative à la Nouvelle-Calédonie au regard des articles 2 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques du 16 décembre 1966, 3 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales et F (devenu 6) du traité de l’Union européenne d
u 7 février 1992, l’article 188 étant contraire à ces normes internationales en tant qu’il exige d’un citoyen
de la République française un domicile de dix ans pour participer à l’élection des membres d’une assemblée
d’une collectivité de la République française ‘. Son pourvoi sera alors rejeté, la requérante devant
se fonder sur la loi de 1999.
Plus précisément, s’agissant de la CIDE, plusieurs arrêts de la cour ont rejeté son applicabilité directe en droit interne.
Ce fut la cas notamment de la décision de la première chambre civile de la Cour de cassation, qui dans
un arrêt en date du 15 juillet 1993 avait énoncé ‘ qu’il résulte du texte même de la Convention du 26 janvier
1990 que, conformément à l’article 449 de celle-ci, ses dispositions ne créent d’obligations qu’à la charge des
États-parties, de sorte qu’elles ne peuvent être directement invoquées devant les juridictions50 ‘.
Ainsi, on comprend par là que les États ayant ratifié cette convention se sont engagés à l’appliquer
et à la respecter, mais que ses dispositions ne peuvent pas être invoquées devant les juridictions internes
et donc qu’elle ne serait pas applicable de façon directe.
Or l’article 4 cité par la Cour a pour but de faire en sorte que les États aménagent leur législation afin d’être
en accord avec la Convention… Quoi de plus légitime que d’espérer que celle-ci s’applique directement
auprès des tribunaux en faveur des justiciables ? ‘ On a reproché à la Cour de Cassation d’avoir négligé,
par son approche générale, la complexité de la Convention et l’hétérogénéité de ses dispositions.
Certaines sont, par nature et en l’espèce, suffisamment précises pour être directement applicables.
D’autres effectivement supposent des textes d’application. C’est
49 Article 4 de la CIDE : ‘ Les États parties s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives
et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention.
Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites
des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale. ‘
50 Civ 1ʳᵉ, 15 juillet 1993, n° de pourvoi : 92-05015.
donc bien au cas par cas qu’il convient d’apprécier. Telle est l’attitude traditionnelle qu’observent les juristes
appelés à se prononcer sur le caractère ‘ self-executing ‘ ou non de dispositions internationales51. ‘
Ce n’est qu’en 2005 qu’elle changea d’avis et déclara d’applicabilité directe certains articles
de la Convention internationale devant les juridictions françaises avec deux arrêts rendus par la première
chambre civile de la Cour de Cassation le 18 mai 2005 et le 14 juin 200552.
En l’espèce, il s’agissait de deux affaires opposant des parents américains et français et concernant l
e lieu de résidence de leur enfant. Le revirement de jurisprudence opérée par la Haute juridiction s’est fait
en deux temps.
L’arrêt du 18 mai 2005 a censuré l’arrêt de la Cour d’Appel au visa des articles 3-1 et 12-2 de la Convention
de New York, mais aucune formulation directe ne fut observée s’agissant de l’applicabilité directe de ce texte.
Ce n’est qu’avec l’arrêt du 14 juin 2005 que celle-ci le fait en énonçant :
‘ qu’en vertu de l’article 3-1 de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant, disposition qui est
d’applicabilité directe devant la juridiction française […] ‘53.
Mais, qu’en est-il de l’article 37 de la CIDE qui dispose notamment que la détention d’un enfant doit être
d’une durée aussi brève que possible ?
Selon la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation dans un arrêt en date du 18 juin 199754,
cet article ne crée d’obligations qu’à la charge des États signataires et ne saurait, dès lors, être invoqué
directement par un justiciable devant les juridictions nationales.
On retrouve alors la motivation de la jurisprudence antérieure à 2005 des juridictions civiles vues précédemment.
En l’espèce, un jeune homme de seize ans avait été mis en examen pour assassinat puis placé en détention provisoire.
Prolongée l’année suivante d’un an, le requérant présenta une demande de mise en liberté qui fut rejetée
en 1997, par le juge d’instruction. La chambre d’accusation ayant confirmé cette décision, il forma un pourvoi
en cassation où entre autres, il souleva que l’article 11 de l’ordonnance du 2 février 1945 aux termes duquel
‘la détention provisoire d’un mineur âgé d’au moins seize ans ne peut être prolongée au-delà de deux ans’,
mais qui précise que cette disposition n’est applicable que jusqu’à l’ordonnance de règlement, est contraire
aux engagements internationaux de la France puisqu’elle autorise la détention provisoire pour une période
indéfinie à compter de celle-ci. Devant la Chambre d’accusation, le requérant invoquait un détournement
de procédure.
En effet, le magistrat instructeur aurait réglé
51 J-P Rosenczveig, Le dispositif français…, op. cit. note 22, p : 1200.
52 Cass. 1ʳᵉ Civ, 18 mai 2005, n° 02-20.613, Bourdier c/ Rainville et Cass. 1ʳᵉ 14 juin 2005, n° 04-16.942,
Washington c/ Washington (voir annexes).
53 C. Chabert, Acceptation judiciaire, art. préc. note 47.
prématurément, la procédure alors qu’un supplément d’information s’imposait afin de permettre
la prolongation de sa détention au-delà de deux ans. Ainsi en confirmant l’ordonnance de refus de mise
en liberté du magistrat instructeur et en ne le remettant pas en liberté, la chambre d’accusation avait
méconnu les dispositions de l’article 37 de la Convention de New York et le principe de la supériorité
du traité sur la loi dont il lui incombait d’assurer le respect.
On peut toutefois se demander : si la Cour de Cassation avait à se prononcer sur l’applicabilité directe
de l’article 37 aujourd’hui, opterait-elle pour la même solution ou bien élargirait-elle son revirement
de jurisprudence à d’autres dispositions de la Convention de New York, tel que l’article en question
si elle l’estime indispensables à l’intérêt supérieur de l’enfant ? Au regard de l’importance de cet article,
on pourrait penser que oui, c’est en tout cas ce qu’estimera la doctrine55.
On remarque alors que la jurisprudence de la Cour de Cassation commence d’accepter au cas par cas,
suivant les articles et l’intérêt supérieur de l’enfant en jeu, l’applicabilité directe de certaines
dispositions de la CIDE. Mouvement auquel semble adhérer la jurisprudence administrative à travers
les décisions rendues par le Conseil d’État.
-
b) Le Conseil d’État : un effet direct de la Convention au cas par cas
Le Conseil d’État va examiner article par article, ceux qui peuvent être considérés d’applicabilité directe.
Ainsi dans une décision du 10 mars 1995, il énoncera de manière implicite que les stipulations de l’article
16 de la convention relative aux droits de l’enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 qui dispose que
‘ Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile
ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. L’enfant a droit à la protection
de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ‘, ne créent pas seulement des obligations
entre États, mais peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir.
La doctrine fît de même en reconnaissant plusieurs articles de la Convention comme étant applicables
directement (‘ self-executing ‘). Elle dressa donc une liste dont l’article 37 b) fait partie.
Rappelons que celui-ci énonce que la détention et l’emprisonnement d’un mineur doit
55 Voir infra, cette même page (partie sur le Conseil d’État).
être conforme à la loi et être considérée comme une mesure de dernier ressort et d’un délai bref
(point sur lequel portait l’arrêt de la Chambre Criminelle de 1997).
‘ Tous les États de l’Union Européenne et tous les États-membres du Conseil de l’Europe, ayant ratifié
le texte de New York, la Convention est désormais la loi de référence sur le Vieux continent,
le plus fort instrument juridique commun à ces États sur les droits de l’enfant56. ‘
Alors qu’en est-il de la position de la Cour européenne des droits de l’homme ?
-
B) La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et décisions de
la Cour (La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Bien que la CIDE soit considérée comme le texte de référence en Europe sur les droits de l’enfant,
cela n’a pas empêché la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) de se prononcer sur l’enfermement
des mineurs à la lumière de sa convention ratifiée par la France en 1950.
Cette dernière ne va pas dans sa jurisprudence employer le terme ‘ enfermement ‘, mais utilisera les mots :
‘ privation de liberté ‘. De même, elle a pu s’exprimer sur plusieurs affaires concernant des mineurs,
mais il faut relever que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH)
fait peu référence à cette catégorie d’individus, ces dispositions concernant
‘ toute personne ‘, mineurs y compris. Remarque déjà énoncée s’agissant des textes internationaux.
Ainsi, une décision rendue dans une affaire ne touchant que des adultes, pourra être valable et applicable
à une affaire avec laquelle des mineurs seraient impliqués. L’enfermement est une entrave à la liberté d’aller et
de venir et lorsque celui-ci est contesté, ce sera principalement l’article 5 (droit à la liberté et à la sureté)
de la CESDH qui sera invoqué, souvent accompagné de l’article 3 (Interdiction de la torture et
des traitements inhumains et dégradants) de cette même convention.
Il n’y a dès lors, que le paragraphe 1 d) de l’article 5 qui concerne les mineurs.
Celui-ci dispose que ‘ toute personne a droit à la liberté et à la sureté. Nul ne peut être privé
de sa liberté, sauf dans les cas suivants et suivant les voies légales :
1). — s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;
2). — s’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulière pour insoumission à une ordonnance
rendue, conformément à la loi, par un Tribunal ou en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite
par la loi ;
56 J-P Rosenczveig, Le dispositif français… op. cit. note 22, p : 1194.
3). — s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente,
lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs
raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après
l’accomplissement de celle-ci ; <h4>d) s’il s’agit de la détention régulière d’un mineur, décidée pour
son éducation</h4><h4>surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente ;</h4>
— s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse,
d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond;
— s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulière d’une personne pour l’empêcher de pénétrer
irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours ‘.
Une référence aux mineurs est également faite à l’article 2 du protocole additionnel de la CESDH
qui concerne le droit à l’instruction et à l’article 5 du protocole n°7 sur l’égalité entre époux, qui fait référence
à la relation parents / enfants.
Dans un premier temps, afin de bien exposer la position de la Cour, il est important de définir ce qu’elle entend
par les termes ‘ privation de liberté ‘. Celle-ci couvre toutes les formes d’arrestation et de détention.
Il peut donc s’agir de mesures pénales visant à assurer la répression des infractions, mais aussi, par exemple,
de mesures administratives qui poursuivent des objectifs d’ordre public57.
Ainsi, la Cour prononce que ‘ pour déterminer si un individu se trouve ‘privé de sa liberté’ au sens de l’article 5,
il faut partir de sa situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères comme le genre, la durée,
les effets et les modalités d’exécution de la mesure considérée58’.
Il peut donc s’agir de situations où le mineur a fait l’objet d’une rétention administrative, a été placé en détention
provisoire, a été condamné à une peine d’emprisonnement ferme, a été placé dans un centre éducatif ou
encore a été interné en hôpital psychiatrique. Nous ne nous attacherons qu’aux cas spécifiques où le mineur
s’est vu privé de liberté suite à la commission d’une infraction, à savoir les cas de
57 Nathalie Mathieu, doctorante en droit, directrice d’une structure médico-sociale, La privation de liberté
des mineurs et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, in L’enfant face à l’enfermement –
VIIIe Assises des avocats d’enfants, Liège 7 et 8 décembre 2007, éditions Jeunesse et Droit, p : 100.
58 CEDH, 6 novembre 1980, Guzzardi c/ Italie, req. 7367/76, paragraphe 92 reprenant CEDH, 8 juin 1976,
Engel et autres c/ Pays-Bas, req. 5100/71; 5101/71; 5102/71; 5354/72; 5370/72, paragraphes 58 – 59.
détention provisoire, d’emprisonnement ferme ou encore de placement en centre éducatif fermé.
<h4>S’agissant de la détention provisoire,</h4>
régit à l’article 5, paragraphe 1, alinéa c) de la convention qui énonce
que celle-ci est possible ‘ en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente ‘
lorsqu’il y a au moins une des trois conditions suivantes :
1). — des raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis une infraction ;
2). — des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ;
3). — des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de s’enfuir après l’accomplissement d’une
Celle-ci doit donc rester exceptionnelle et avoir une durée raisonnable.
La cour condamnera souvent sur ce point. En effet, cela ne fut pas le cas, par exemple, dans l’affaire Assenov
et autres contre Bulgarie du 28 octobre 1998. En l’espèce, un mineur âgé de dix-sept ans avait été placé
en détention provisoire pendant plus de deux ans, après avoir été arrêté en juillet 1995, pour vol avec effraction
et vol avec violence ou menace.
Du 27 juillet 1995 au 25 mars 1996, M. Assenov fut détenu au poste de police de Sumen. Plusieurs fois, le requérant
contesta sa détention devant le Tribunal de district de Sumen. Selon la loi bulgare :
‘ Un accusé, même s’il est mineur, peut être placé en détention provisoire par décision d’un magistrat instructeur
ou d’un procureur, étant entendu que les mineurs ne peuvent être ainsi privés de leur liberté que dans
des circonstances exceptionnelles59 ‘. Le requérant devant la CEDH dénonce les conditions de sa détention au poste
de police de Sumen en alléguant en plus de la violation de l’article 5 de la convention, une violation de l’article 3.
Tout en estimant que les conditions de détention n’étaient pas assez sévères pour aller en ce sens, la cour énonça
‘ qu’il convient toutefois de rappeler que le requérant était mineur et qu’en conséquence, d’après le droit bulgare,
il ne pouvait être placé en détention provisoire que dans des circonstances exceptionnelle. Aussi importait-il plus
encore que d’ordinaire que les autorités fissent preuve d’une diligence particulière pour qu’il fût jugé dans un délai raisonnable60 ‘.
Elle observe alors que l’instruction avait duré plusieurs années et que pendant un an, de septembre 1995
à septembre 1996, aucun acte n’avait été accompli en rapport avec cette dernière.
Qu’en plus de cela, les demandes de libération formulées par le requérant n’auraient pas dû suspendre l’instruction.
Elle estima alors que M. Assenov n’a pas
59 CEDH, 28 octobre 1998, Assenov et autres c/ Bulgarie, requête n° 90/1997/874/1086, paragraphe 69.
60 Idem, paragraphe 157.
été ‘ jugé dans un délai raisonnable ‘ comme cela doit être le cas selon l’article 5 § 3 de la CESDH.
Toujours sur la détention d’un mineur, un autre point important à étudier est la responsabilité pénale.
On peut alors citer l’affaire V contre Royaume-Uni du 16 décembre 199961, dans laquelle deux enfants âgés
de dix ans avaient enlevé un bébé dans un centre commercial, l’avaient battu à mort quelques kilomètres
plus loin et avaient fini par l’abandonner sur une voie ferrée. La gravité des faits ainsi que l’âge des auteurs
ont ému l’Angleterre et lancé les débats sur la possibilité d’enfermer des enfants aussi jeunes.
Le procès public devant la Crown Court de Preston, aboutit à la condamnation des deux jeunes à une peine
de détention pour la durée qu’il plaira à sa majesté, puis le juge demanda à ce qu’ils purgent une période
de détention de huit ans en expliquant : ‘ Si les coupables avaient été des adultes, j’aurais fixé à dix-huit ans
la durée de la période de détention nécessaire pour répondre aux impératifs de la répression et de la dissuasion.
Toutefois, ces deux garçons sont issus de foyers et de familles socialement défavorisés, où ils ont été privés d’affection.
Ils ont grandi dans une ambiance d’échec conjugal, dans laquelle ils ont vécu ou subi les effets de l’alcoolisme
et de la violence ou ont eux-mêmes subi des violences. Je suis convaincu que les deux garçons ont vu des films
vidéo avec de fréquentes scènes violentes et aberrantes. A mon sens, la durée de détention nécessaire pour
répondre aux impératifs de la répression et de la dissuasion pour le meurtre, eu égard aux circonstances
effroyables qui l’ont entouré et à l’âge des intéressés au moment où ils l’ont commis, est de huit ans (…)
Huit ans représentent un ‘ très imposant nombre d’années ‘ pour un garçon de dix ou onze ans.
Ce sont encore des enfants. Dans huit ans, ce seront des jeunes hommes62. ‘ Le ‘ Lord chief of justice ‘
recommanda quant à lui une période punitive de dix ans. Finalement, quinze ans furent prononcés
à leur encontre.
Au Royaume-Uni, la responsabilité d’un mineur est fixée à dix ans. Au moment du procès du requérant (V.),
‘ les enfants âgés de dix à quatorze ans étaient présumés ne pas avoir conscience du caractère répréhensible
de leurs actes (doli incapax – présomption relative à l’incapacité de discernement)63 ‘.
Cependant, cette présomption fut supprimée par l’article 34 de la loi du 30 septembre 1998 sur le crime
et les troubles de l’ordre (Crime and desorder Act). Normalement, un adulte commettant un crime est puni,
depuis l’abolition de la peine de mort, à une peine perpétuelle. En cas de crime commis par
61 CEDH, 16 décembre 1999, V. c/ Royaume-Uni, requête n° 24888/94.
62 Idem, paragraphe 20.
63Ibidem, paragraphe 29.
une personne de moins de dix-huit ans, la peine de détention pour la durée qu’il plaira à sa Majesté s’applique
automatiquement conformément à l’article 53§1 d’une loi de 193364 sur les enfants et les adolescents.
À l’époque où le requérant fut condamné, l’enfant ou l’adolescent qui se voyait infliger une peine d’emprisonnement
pour la durée qu’il plaira à Sa Majesté était détenu pour une période indéterminée, dont la durée était laissée
à la totale appréciation du Ministre. Cependant, le 1ᵉʳ octobre 1997, le Royaume-Uni a adopté l’article 28
de la loi de 1997 sur les peines en matière criminelle (Crime (Sentences) Act) afin de se mettre en conformité
avec la jurisprudence de la Cour européenne. Ainsi après expiration de la période punitive, c’est à la commission
de libération conditionnelle et non plus au Ministre, qu’il appartient de décider s’il n’y a pas de risque à soumettre
à une libération conditionnelle une personne condamnée à la détention pour la durée qu’il plaira à Sa Majesté
pour un meurtre qu’elle a commis avant l’âge de dix-huit ans. Le requérant a donc saisi la Commission le 20 mai
1994 en prétendant entre autres, s’agissant de sa détention que : ‘ la peine de détention pour la durée qu’il plaira
à Sa Majesté qui lui a été infligée portait atteinte à son droit à la liberté protégé par l’article 5, et que la fixation
de la période punitive par un ministre du gouvernement, et non par un juge, emportait violation de ses droits
au regard de l’article 6. Enfin, invoquant l’article 5 § 4 de la Convention, il se plaignait de n’avoir pas eu la possibilité
de faire examiner la légalité de son maintien en détention par un organe judiciaire, tel que la commission
de libération conditionnelle65 ‘. Il s’appuiera notamment sur l’article 37 b) de la Convention internationale
relative aux droits de l’enfant, mais aussi sur les articles 16 et 17 § 1 a) et b) des règles de Beijing qui exige
d’imposer aux enfants des peines de détention aussi brèves que possible ainsi que de tenir compte du bien
être de l’enfant dans le prononcé de la peine. Ainsi, la peine de détention pour la durée qui plaira à sa Majesté
va-t-elle à l’encontre des principes énoncés par les textes internationaux ? Le gouvernement ainsi que
la commission estimeront que non, en expliquant ‘ qu’elle a pour but de permettre la prise en compte
des circonstances particulières de la cause du requérant, si bien qu’il ne sera détenu que pour la durée
jugée nécessaire pour satisfaire aux impératifs de rétribution, de réadaptation et de protection du public66 ‘.
La Cour quant à elle, ne verra aucune violation de l’article 5 § 1 a) de la Convention, estimant régulière
la peine infligée. Le requérant va aussi
64 ‘ Lorsque l’auteur d’une infraction est reconnu coupable de meurtre et que le tribunal constate qu’il avait
moins de dix-huit ans au moment des faits, le tribunal ne pourra ni le condamner à l’emprisonnement
à perpétuité ni prononcer contre lui ou faire inscrire sur son casier judiciaire une condamnation à la peine
capitale, mais en lieu et place le tribunal (…) le condamnera à être détenu pour la durée qu’il plaira à
Sa Majesté, et l’intéressé purgera alors sa peine dans le lieu et aux conditions ordonnés par le ministre. ‘
65 Jurisprudence précitée note 61, paragraphe 51.
66 Idem, paragraphe 103.
estimer qu’il y a eu violation de l’article 3 de la CESDH relatif à l’interdiction des traitements inhumains
et dégradants et de la torture du fait de l’accumulation de plusieurs facteurs dont entre autres,
l’âge de la responsabilité pénale fixée à dix ans au Royaume-Uni.
Toutefois, à travers cette jurisprudence, la CEDH estimera qu’il est possible d’incarcérer des enfants âgés
d’à peine dix ans et que cela ne va à l’encontre des textes internationaux. Elle relèvera alors qu’il n’existe
en Europe, aucun assentiment général sur l’âge minimum de la responsabilité pénale. Et quand bien même,
l’âge fixé par l’Angleterre et le Pays de Galles reste bas, elle laisse alors une marge d’appréciation aux
États dans ce domaine. Ainsi, chaque pays reste libre de fixer le seuil qui lui convient. En France, par exemple,
un enfant doit avoir au moins treize ans pour subir une peine. L’article 4 des règles de Beijing adoptées
par l’assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 40/33 du 29 novembre 198567
invite uniquement les États à ne pas fixer trop bas cet âge minimum et l’article 40 3. a)68 de la CIDE
ne fixe pas non plus de seuil limite.
Une autre affaire importante est à mentionner. Il s’agit de l’arrêt de la Cour européenne des droits
de l’Homme du 29 février 1988, Bouamar contre Belgique69 qui a trait à la possibilité de placement
d’un mineur en vertu de l’ancien article 53 de la loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse.
Cet article permettait à un magistrat de la jeunesse, ne trouvant pas d’hébergement à un mineur
qui requérait une mesure de placement, de le placer en prison, pour un délai ne dépassant pas
quinze jours70.
L’arrêt Bouamar est important, car pour la première fois, la CEDH a à se prononcer
<h4>sur le régime de l’éducation surveillée.</h4>
En l’espèce, M. Naïm Bouamar, de nationalité marocaine et résidant à Ougrée-Seraing en Belgique,
fut soupçonné de plusieurs infractions, alors qu’il était encore mineur.
‘ En 1980, le requérant fut, à neuf reprises, placé en maison d’arrêt en vertu de l’article 53 de la loi de 1965,
selon lequel un mineur peut, ‘s’il est matériellement impossible de trouver une personne ou une institution
en mesure de le recueillir sur-le-champ’, ‘être gardé provisoirement dans une maison d’arrêt pour
un terme qui ne peut dépasser quinze jours’71 ‘. Le requérant a donc saisi la Commission n’ayant pas
obtenu satisfaction devant les juridictions internes, en contestant la régularité des mesures de placement
en maison d’arrêt
67 Article 4.1 : ‘ Dans les systèmes juridiques qui reconnaissent la notion de seuil de responsabilité pénale,
celui-ci ne doit pas être fixé trop bas eu égard aux problèmes de maturité affective,
psychologique et intellectuelle. ‘
68 Voir Supra, p : 18.
69 CEDH, 29 février 1988, Bouamar c/ Belgique, requête n° 9106/80.
70 Voir infra : Chapitre 2, Section 2, I – A) A l’origine des prisons pour mineurs : l’exemple de la Belgique, p : 81.
71 Jurisprudence précitée note 69, paragraphe 8.
prises à son encontre au regard du droit belge et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
Il invoqua ainsi la violation de l’article 5 paragraphe 1 d) de ce texte. La Cour européenne, en reprenant l
e droit belge va citer ‘ un arrêt de la Cour de cassation belge du 18 novembre 1982 qui a considéré que
le Tribunal de première instance de Liège n’avait pas méconnu la notion d’éducation surveillée, telle
qu’elle est énoncée à l’article 5, paragraphe 1 de la Convention européenne, en admettant que
‘ le recours à des séjours de mineurs dans des prisons ‘ peut, dans certaines circonstances,
‘ avoir un effet éducatif en convainquant le mineur que la société, après avoir tenté de l’aider,
a décidé de se défendre ‘.72 ‘.
La cour, à l’unanimité, a décidé qu’il y avait eu violation de cet article, en énonçant une lacune dans
le système belge.
En effet, ‘ d’après le Gouvernement, les placements litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’un programme éducatif
entrepris par lesdites juridictions et pendant lequel le comportement de M. Bouamar leur a permis de mieux cerner
sa personnalité. La Cour ne partage pas cette opinion. L’État belge a choisi le système de l’éducation surveillée
pour mener sa politique en matière de délinquance juvénile. Partant, il lui incombait de se doter d’une infrastructure
appropriée, adaptée aux impératifs de sécurité et aux objectifs pédagogiques de la loi de 1965, de manière
à pouvoir remplir les exigences de l’article 5 § 1 d) de la Convention […] Or rien dans le dossier ne montre
qu’il en ait été ainsi.
À l’époque des faits il n’existait en Belgique, du moins dans la région de langue française où vivait le requérant,
aucun établissement fermé capable d’accueillir les mineurs gravement perturbés […]
Le placement d’un jeune homme dans une maison d’arrêt, en régime d’isolement virtuel et sans l’assistance
d’un personnel qualifié, ne saurait être considéré comme tendant à un but éducatif quelconque73 ‘.
Ainsi, toujours selon la Cour, malgré le fait que la détention ne peut pas être considérée comme une
mesure éducative, elle est possible si elle intervient dans le dispositif des mesures à prendre pour l’éducation
d’un mineur.
Rapidement, l’emprisonnement devra déboucher sur ‘ l’application effective d’un régime d’éducation
surveillée dans un milieu spécialisé – ouvert ou fermé – qui dispose de ressources suffisantes correspondant
à sa finalité74 ‘.
Elle va considérer que l’accumulation des mesures de placement en détention les a rendu de moins
en moins régulières au regard de l’article 5, paragraphe 1 d) de la CESDH, tout en laissant entendre
que dès la première mesure, celle-ci n’était pas conforme.
Cette jurisprudence a eu pour impact de modifier la loi belge. L’article 53 de la loi du 8 avril 1965 a été abrogé.
Est-ce pour autant que l’on puisse 72 P. Tavernier, Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme, Journal du droit international (JDI), 1989, p : 796.
73 CEDH, 29 février 1988, Bouamar c/ Belgique, paragraphe 52.
74 L-E. Pettiti, Chronique internationale – Droits de l’Homme, RSC, 1988, p : 578.
considérer que la détention des mineurs en Belgique n’existe plus ? Il ne convient pas de répondre par oui
ou non à cette question. La réponse étant bien plus complexe. On ne parle plus de placer un mineur en prison,
mais il existe toujours des possibilités de le placer dans des centres fermés75.
Ainsi, la ‘ Cour n’exclut pas a priori le recours à la privation de liberté pour les mineurs. Cependant, leur âge,
synonyme de vulnérabilité, doit être pris en compte par les États dans l’ensemble des procédures et dispositifs
et cela, quelle que soit la raison et la nature de la privation de liberté76 ‘.
Le droit international (sous-entendu droit international et européen), protecteur des droits de l’enfant
commencent à prendre de plus en plus de place au sein de la jurisprudence nationale, afin que certains
droits reconnus comme fondamentaux pour l’enfant, soient respectés. Mais, au fur et à mesure des réformes
de l’ordonnance de 1945, un nouveau sentiment apparaît : celui que le droit pénal des mineurs se rapproche
de plus en plus du droit commun et qu’on assiste à un recul de ses principes qui font de lui un droit spécial.
À l’heure où la sécurité est un thème récurrent dans les débats politiques ou encore au sein de l’actualité,
doit-on pour autant faire primer le maintien de l’ordre public au détriment de l’intérêt de l’enfant ?
II – Législation interne :
un difficile équilibre entre une politique sécuritaire et l’intérêt
supérieur de l’enfant (La place de l’enfermement dans les
réponses à la délinquance juvénile)
L’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante a été réformée plus d’une trentaine de fois
et on remarque notamment à travers ces dernières années que ce processus est loin d’être fini.
Ce texte qui fait primer l’éducatif sur le répressif et qui est la source principale et fondamentale en ce qui concerne
la justice des mineurs, a été à de nombreuses reprises, remis en question. Alors que certains auteurs se demandent
si la réforme de l’ordonnance a réellement eu lieu, pendant que d’autres s’interrogent sur sa pertinence,
une part infime d’entre eux considèrent qu’il s’agit d’un texte obsolète, qui devrait être abrogé et remanié dans
un corpus de textes plus clair. Il s’agira donc à travers cette ‘ remise en question ‘, de décrire les buts et les tenants d
e cette ordonnance (A) en retraçant les réformes les plus importantes s’agissant de l’enfermement des mineurs
pour aboutir à notre actuelle
75 Voir infra : Chapitre 2, Section 2, I – A) A l’origine des prisons pour mineurs : l’exemple de la Belgique, p : 80.
76 N. Mathieu, La privation de liberté des mineurs et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme,
in op. cit. note 57, p : 116.
législation (B). ‘ Alors que chaque réforme rapproche le droit pénal des mineurs de celui des majeurs,
que l’accent y est porté sur les conséquences de l’acte commis, plus que sur la personnalité du jeune auteur,
que la sanction se confond à la prévention, peut-on encore parler d’une justice spécialisée privilégiant la voie éducative77 ? ‘
A). — L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante :
vers un droit pénal des mineurs de moins en moins spécifique ?
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Le problème de la délinquance juvénile est analysé de la sorte : on pense que là où il y a délinquance,
c’est qu’il existe un problème dans l’éducation. Cette idée n’est pas nouvelle, Victor Hugo l’ayant déjà formulé
au siècle dernier78, comme bien d’autres avant lui. Ainsi, la politique depuis l’ordonnance de 1945 est
de faire primer l’éducatif sur le répressif, en comblant les carences dans l’éducation du jeune délinquant.
Un mineur qui a commis une infraction, sera d’abord éduqué avant d’être puni. Tout en complétant ce texte,
l’ordonnance de 1958, a même permis de prendre en charge un enfant considéré ‘ en danger ‘, afin de l’aider
du mieux possible et de faire en sorte, que malgré les difficultés qui l’entourent, celui-ci ne ‘ tombe ‘
pas un jour dans la délinquance. Ainsi, l’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit des mesures,
sanctions ou peines prononcées à l’encontre des mineurs et dispose que ‘ Le tribunal pour enfant et
la cour d’assise des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d’assistance, de surveillance
et d’éducation qui sembleront appropriées. Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité
des mineurs l’exigent, soit prononcer une sanction éducative à l’encontre des mineurs de dix à dix-huit ans,
conformément aux dispositions de l’article 15- 1, soit de prononcer une peine à l’encontre des mineurs de treize
à dix-huit ans en tenant compte de l’atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions
des articles 20-2 à 20-9. Le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d’emprisonnement, avec
ou sans sursis, qu’après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ‘.
Comme l’a souligné Monsieur Rosenczveig, vice-président du Tribunal de grande instance de Bobigny
et président du tribunal pour enfants : ‘ On voit bien à la lecture de ce texte essentiel qu’affirmer
que la priorité législative est éducative ne veut pas dire que la loi interdise la répression à l’encontre
des mineurs d’âge comme cela est trop régulièrement affirmé souvent par ignorance. La loi fixe
une orientation de base ; elle n’ignore pas l’intérêt d’une démarche
77 Catherine Sultan, La réforme de l’ordonnance de 1945 a-t-elle eu lieu ?, AJ pénal 2007, p : 215.
78 Voir supra, p : 4.
d’autorité et répressive pour les enfants. C’est bien cette mauvaise analyse – consciente ou non –
qui amène régulièrement des politiques et des commentateurs à souhaiter que cette orientation
soit remise en cause devant l’avènement d’une nouvelle délinquance et de la persistance d’un sentiment d
’impunité79 ‘.
Ainsi, on verra que seuls les moins de treize ans ne peuvent pas faire l’objet d’une peine et encore
moins encourir un enfermement. Il n’est de plus pas opportun d’opposer éducation et sanction.
C’est ce que rappela Madame DATI, Ministre de la Justice dans son allocution du 15 avril 200880
concernant la prochaine réforme de l’Ordonnance de 1945 en énonçant qu’ éduquer passe
en effet, par la sanction. Une sanction évidemment proportionnée à la gravité de l’acte commis.
Une sanction proportionnée à l’âge du mineur et à sa personnalité ‘.
Mais, il est important que celle-ci reste graduée selon les différents critères précités.
En effet, punir peut-être utile, encore faut-il que le jeune comprenne pourquoi.
Sans quoi, la punition manquerait d’intérêt.
C’est d’ailleurs toute la problématique d’un ‘ enfermement ‘.
Dans un premier temps, il s’agit de protéger l’ordre public et la société. Mais il faut aussi éviter
que la personne ayant purgé sa peine ne récidive. Il faut donc qu’elle ait compris pourquoi elle
s’est retrouvée dans une telle situation et l’aider à préparer sa sortie pour une meilleure réinsertion.
C’est dans cette optique que l’ordonnance du 2 février 1945 a connu de nombreuses réformes.
Nous n’allons ici citer que les plus récentes concernant l’enfermement des mineurs.
En 1999, Jean-Pierre Chevènement expliqua qu’il fallait éloigner un certain temps les jeunes délinquants
considérés comme dangereux de leurs quartiers. Apparemment, loin de vouloir une incarcération
provisoire de ces derniers ‘ en affirmant que même dans une prison rénovée, on ne ferait pas grand-
chose pour ces jeunes ; on entendit qu’il demandait des centres éducatifs fermés :
il rappela combien les maisons de correction de jadis furent néfastes. Restait une voie :
des lieux dans lesquels la démarche serait certes éducatives, mais sans pour autant que les adultes
se laissent faire par les jeunes confiés. Pas question d’aller et de venir comme dans des foyers classiques.
Un encadrement solide devait être recherché81 ‘.
Autre étape importante est la réforme intervenue avec la loi n°
2000-516 du 15 juin 2000 renforçant
la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. En effet, le droit pénal des
mineurs va sensiblement se rapprocher de celui des majeurs. Par exemple, le juge des libertés
et de la détention, sans qu’il soit spécialisé pour les mineurs, interviendra
79 J-P Rosenczveig, Le dispositif français…, op. cit. note 22, p : 792.
80 http://www.presse.justice.gouv.fr: cliquez sur ‘ discours ‘ ; puis sur ‘ discours de 2008
en texte et en vidéo ‘ ; puis sur le lien relatif à l’Ordonnance du 2 février 1945 en date du 15 avril 2008.
81 J-P Rosenczveig, Le dispositif français…, op. cit. note 22, p : 777.
autant pour ces derniers que pour les adultes.
Ce ne sera plus au juge d’instruction de se prononcer sur l’incarcération d’un mineur.
Ce changement avait pour objectif de lutter contre la tendance excessive à l’incarcération provisoire.
À l’inverse, certaines dispositions comme celles sur la garde à vue se sont étendues aux mineurs.
En 2002, une politique sécuritaire va accompagner la campagne électorale pour les présidentielles.
La délinquance des mineurs accompagnée d’un sentiment d’insécurité vont rythmés les débats.
La loi Perben I du 9 septembre 2002 va permettre de prononcer des sanctions éducatives pour
les enfants à partir de dix ans, des centres éducatifs fermés vont être crées pour placer entre autres,
les jeunes sous contrôle judiciaire, avec la possibilité d’incarcérer ces derniers en cas de non-respect
des obligations de ce contrôle, la garde à vue des mineurs va aussi être modifiée et enfin,
on va prévoir la création d’établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs.
Dernièrement, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance va à son tour faire
reculer la spécificité du droit pénal des mineurs en instaurant le flagrant délit pour les mineurs
grâce à la procédure de présentation immédiate, contrôle judiciaire étendu pour les mineurs de treize
à seize ans ou encore, retrait quasi automatique de l’excuse atténuante de minorité pour les jeunes
de seize – dix-huit ans en cas de double récidive.
Au vue de ces diverses réformes et dans un souci de prévenir la récidive des jeunes, le droit pénal
des mineurs se durcit, quitte à aller à l’encontre de l’intérêt supérieur de celui-ci.
Or si ce droit est spécial, c’est que des raisons existent qui font qu’un jeune ne peut pas subir les
mêmes peines ou sanctions qu’un adulte.
On a le sentiment aujourd’hui que les politiques concentrent tous leurs efforts à combattre le passage
à l’acte du jeune, une fois que celui-ci a commis un acte répréhensible, mais que peu de moyens
sont mis à disposition pour essayer de combattre ce type de comportement avant que l’enfant
ou l’adolescent ne soit considéré comme un délinquant.
La création des CEF ou encore des EPM tend à prouver un tel mouvement. Et ces différentes réformes
‘ rognant ‘ le droit pénal des mineurs ont été à chaque fois, validée par le Conseil Constitutionnel.
B). — La jurisprudence du Conseil Constitutionnel relative à la privation
de liberté des mineurs (La place de l’enfermement dans les réponses à la
délinquance juvénile)
Le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 11 août 199382 a énoncé qu’il était
‘ loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de procédure pénale, de prévoir des règles de procédure
différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, mais à la condition
que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées, et que soient assurées aux justiciables
des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ‘.
Ainsi, une justice spéciale pour les mineurs a été reconnue comme totalement légitime.
<h4>La loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a prévu la création de centres</h4>
éducatifs fermés et de sept établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs, ces derniers ayant
commencé à ouvrir courant 2007.
Ce texte législatif fît évidemment l’objet d’une saisine du Conseil Constitutionnel dans les conditions
prévues à l’article 61 alinéa 2 de la Constitution 83, qui se prononça dessus dans une décision du 29 août 2002.
Trois points ont été soulevés concernant l’enfermement des mineurs et se trouvant au titre III de la loi déférée,
à savoir ses articles 11 à 32, modifiant l’Ordonnance du 2 février 1945.
Le Conseil Constitutionnel énonce dans un premier temps, avant toute étude des articles soulevés par les auteurs
de la saisine que ‘ la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946
ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours
être évitées au profit des mesures purement éducatives ; qu’en particulier, les dispositions originelles de l’Ordonnance
du 2 février 1945 n’écartait pas la responsabilité pénale des mineurs et n’excluaient pas, en cas de nécessité,
que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue,
ou pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental
<h4>reconnue par les lois de la République en matière de justice des mineurs84. ‘ </h4>
Ainsi, il faut tenir compte non seulement de la responsabilité pénale des mineurs qui est atténuée en raison
de l’âge, mais aussi leur appliquer des mesures adaptées à leur personnalité.
Cependant, rien n’interdit au législateur de prévoir des mesures
82 CC, 11 août 1993, DC 93-326, cons. 11.
83 Article 61 alinéa 2 de la Constitution de 1958 : ‘ (…) les lois peuvent être déférées au Conseil Constitutionnel,
avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée
Nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs. ‘
84 CC, 29 août 2002, Décision n°2002-461 DC, paragraphe 26(voir annexes).
contraignantes, rendant possible au dessus de treize ans, une sanction pénale importante, telle qu’une
mesure purement répressive comme l’incarcération, qui doit dès lors n’être envisagée qu’en dernier ressort.
Ainsi, ‘ le législateur (lorsqu’il fixe les règles relatives au droit pénal des mineurs) doit veiller à concilier
les exigences constitutionnelles énoncées ‘ (respect des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de
l’Homme et du citoyen85 (DDHC), mais aussi de l’article 66 de la Constitution de 195886),
‘ avec la nécessité de rechercher les auteurs d’infractions et de prévenir les atteintes à l’ordre public,
et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessaires à la sauvegarde de droits
de valeur constitutionnelle87. ‘
<h4> — Sur les articles 17 et 18 de loi déférée qui insèrent dans l’Ordonnance de 1945 l’article 10-2 </h4>
relatif au contrôle judiciaire et qui modifient l’article 11 de ce même texte concernant
la détention provisoire des mineurs :
Le nouvel article 10-2 prévoit ainsi qu’en matière correctionnelle, les mineurs de treize à seize ans
ne pourront être placés sous contrôle judiciaire que dans un des ‘centres éducatifs fermés’ définis
par l’article 33 de l’ordonnance. Combiné à l’article 11 précité, la détention provisoire de ces mineurs
sera possible s’ils se soustraient aux obligations de leur contrôle judiciaire, c’est-à-dire s’ils fuguent
du centre ou s’ils ne respectent pas les règles posées au sein de cet établissement.
Selon les auteurs de la saisine, ces dispositions méconnaitraient les articles 8 et 9 de la DDHC
et il y aurait violation des principes constitutionnels propres à la justice des mineurs car elles
permettraient de rétablir la détention provisoire de jeunes de moins de seize ans, possibilité
normalement abrogée avec la loi du 30 décembre 1987.
Cela priverait donc la protection pénale des mineurs d’une garantie sans la remplacer par
une garantie équivalente. Cependant, le Conseil Constitutionnel va déclarer ces moyens
infondés en rappelant que :
— Le contrôle judiciaire des mineurs de treize à seize ans n’est possible que si la peine
encourue est d’au moins cinq ans d’emprisonnement et si l’intéressé a déjà fait l’objet
85 Article 8 : ‘ La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires,
et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit,
et légalement appliquée ‘.
Article 9 : ‘ Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable,
s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer
de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ‘.
86 Voir supra, p : 19.
87 Idem, paragraphe 28.
d’une condamnation ou d’une mesure de placement prononcée par le juge des enfants
ou le Tribunal pour enfants en vertu des articles 8, 10, 15, 16 et 16 bis de l’ordonnance ;
— Le placement sous contrôle judiciaire ne peut être décidé par le juge des enfants,
le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention qu’après un débat contradictoire
au cours duquel ce magistrat entend les observations du mineur, celles de son avocat et,
le cas échéant, celles du responsable du service qui suit le mineur ;
— Le magistrat qui décide du contrôle judiciaire doit motiver son ordonnance, notifier
à l’intéressé, en présence de son avocat et de ses représentants légaux, les obligations
qui lui sont imparties et l’informer des conséquences du non respect des obligations
du contrôle judiciaire ;
— Enfin, les conditions de fond et les règles de procédure prévues par le code de procédure
pénale en matière de contrôle judiciaire (aux articles 137 et suivants) sont en l’espèce, applicables88.
Ainsi, il résulte de ces dispositions que le contrôle judiciaire du mineur âgé de treize à seize ans
ne pourra être prononcé que lorsque le justifieront les circonstances, la gravité de l’infraction,
les nécessités de l’enquête et la personnalité du mineur et suivant une procédure respectant les droits
de la défense et la présomption d’innocence.
‘ En l’espèce, le législateur a entendu permettre de sanctionner la méconnaissance des obligations
de placement, en estimant qu’une telle sanction, jusqu’ici impossible dans le cadre d’un contrôle judiciaire,
confèrera l’autorité nécessaire à la mesure de placement, contribuera à son efficacité éducative
et combattra un sentiment d’impunité favorisant la récidive, c’est-à-dire la rechute sociale
et morale du mineur89. ‘
<h4> ++ S ur l’article 22 de la loi déférée insérant dans l’Ordonnance de 1945 l’article 33 relatif
aux centres </h4><h4>éducatifs fermés (CEF) :
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)</h4>
Selon les requérants, ‘ le nouvel article 33 est entaché d’incompétence négative et viole la liberté individuelle
et la présomption d’innocence telles que garanties par les articles 4 et 9 de la Déclaration de 1789 ‘,
celui-ci s’affranchissant ‘ des règles protectrices en matière de
88 Cahiers du Conseil Constitutionnel n° 13, Décisions et documents du Conseil Constitutionnel –
Jurisprudence, Décision 2002-461 DC – 29 août 2002 ; Loi d’orientation et de programmation
pour la justice sur http://www.conseil-constitutionnel.fr
89 Idem.
justice des mineurs et des garanties constitutionnelles lui étant attachées90 ‘.
Le Conseil Constitutionnel rejette ce moyen en estimant que le caractère ‘ fermé ‘ des centres éducatifs
n’a rien d’ambigu. En effet, le centre est fermé non pas matériellement, mais juridiquement.
De plus, le placement dans un tel lieu est ordonné par une juridiction judiciaire et sa durée sera limitée.
Pour les mineurs condamnés, il constituera une alternative à l’incarcération et un suivi éducatif
et pédagogique adapté à la personnalité de ces derniers sera effectué.
Ainsi, l’article 33 de l’Ordonnance de 1945 n’est pas contraire aux articles précités de la DDHC ni aux
exigences constitutionnelles propres à la justice des mineurs.
Le Conseil Constitutionnel a rendu une autre décision s’agissant le droit pénal des mineurs et touchant
l’enfermement de ces derniers. En effet, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de
<h4>la délinquance modifie notamment avec son article 57, l’article 10-2 de l’Ordonnance de 1945</h4>
(déjà modifié par la loi Perben I) en ce qu’il élargit les conditions dans lesquelles on peut avoir recours
au contrôle judiciaire des mineurs âgés de treize à seize ans en matière correctionnelle et en cas
de violation des obligations de ce dernier, à la détention provisoire. Le contrôle judiciaire est alors
possible non seulement lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans et que le mineur
a déjà fait l’objet de mesures éducatives ou d’une condamnation, mais aussi lorsque la peine
d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à sept ans. Les requérants ayant saisi
le Conseil Constitutionnel ont estimé que cette mesure ne respectait pas le droit spécifique
aux mineurs qui consiste à prendre en compte la personnalité du jeune ainsi que son évolution.
Cependant, comme le souligne le Conseil dans sa décision en date du 3 mars 200791,
l’article 57 n’autorise pas directement la mise en détention provisoire des mineurs
de treize à seize ans, les obligations du contrôle judiciaire étant graduées :
— Obligations de suivre un stage de formation civique, de se plier à l’assiduité scolaire,
de se soumettre jusqu’à sa majorité à une formation professionnelle, interdiction de fréquenter
certains lieux, placement dans un foyer classique
— Puis placement dans un centre éducatif fermé en cas d’irrespect des obligations précédentes.
90 CC, 29 août 2002, jurisprudence précitée, paragraphe 53.
91 CC, 3 mars 2007, décision n°2007-553 DC.
++ Enfin, placement en détention provisoire dans la seule hypothèse où le mineur s’est soustrait
à la précédente mesure92.
Ainsi, le Conseil Constitutionnel a retenu que du fait de la gravité des infractions qui seraient en cause
et du rôle positif d’un contrôle judiciaire dans le ‘ relèvement éducatif et moral ‘
des mineurs délinquants, le législateur pouvait ne subordonner ce contrôle qu’à la seule condition
de la durée de sept ans d’emprisonnement de la peine encourue, sans violer les principes
constitutionnels propres à la justice des mineurs.
<h4> Toujours s’agissant de la loi de 2007, l’article 60 a aussi fait l’objet d’un examen, celui-ci</h4>
concernant la modification du premier alinéa de l’article 20-2 de l’Ordonnance du 2 février 1945 en
ce qu’il permet au Tribunal pour enfants ou à la Cour d’assises des mineurs de supprimer pour
les mineurs âgés de plus de seize ans, l’atténuation de responsabilité pénale comme auparavant
‘ compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ‘, mais aussi depuis cette loi
‘ parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique
de la personne et qu’ils ont été commis en état de récidive légale ‘.
Les requérants estimaient que cette modification violait le principe d’individualisation de la peine,
mais aussi les droits de la défense. Or le Conseil Constitutionnel a estimé le contraire, en rappelant
que les articles 66 et 67 du code pénal en vigueur en 1945, permettaient déjà d’écarter l’atténuation
de responsabilité pénale pour les mineurs de plus de seize ans, en raison des circonstances de l’espèce.
Ainsi, malgré la valeur constitutionnelle donnée à cette règle93, celle-ci n’est pas absolue.
Il ne s’agit que d’une simple faculté pour les juridictions citées. En effet, celles-ci peuvent maintenir
l’atténuation de minorité, y compris dans le cas où les mineurs se trouvent en état de ‘ double récidive ‘.
De plus, la circonstance aggravante de récidive est débattu contradictoirement devant la juridiction
de jugement, il n’y a donc pas violation des droits de la défense.
<h4>Le Conseil Constitutionnel se prononça également sur ce point à propos de la loi du 10 août 2007 </h4>
renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, dans une décision du 9 août 200794.
Cette loi a rendu applicable aux mineurs récidivistes les peines minimales de privation de liberté tout
en diminuant de moitié le quantum de ces peines. Elle a ajouté à la liste des délits dont la récidive permet
d’écarter sans motivation l’atténuation de
92 Cahiers du Conseil Constitutionnel n° 22, décisions et documents du Conseil Constitutionnel –
Jurisprudence, Décision n°2007-553 DC, Loi relative à la prévention de la délinquance
sur http://www.conseil-constitutionnel.fr 93 Voir Supra, note 36.
94 CC, 9 août 2007, décision n° 2007-554 DC
responsabilité, ceux commis avec la circonstance aggravante de violence.
Elle a également permis d’exclure cette atténuation pour les mineurs de plus de seize ans se trouvant
une nouvelle fois en état de récidive légale pour des infractions graves tels que les crimes, délits
de violences volontaires, délits d’agressions sexuelles, etc. sauf si la juridiction en décide autrement,
le Tribunal pour enfant devant alors spécialement motiver sa décision.
Le Conseil Constitutionnel va reprendre l’argumentation qu’il avait déjà énoncé dans sa décision
de 2002 s’agissant de la responsabilité pénale des mineurs.
Ainsi, même conclusion qu’auparavant : le droit pénal des mineurs tend à se rapprocher du droit
pénal des majeurs. La loi de 2007 sur la récidive en est la preuve.
Applicable autant aux mineurs et aux majeurs récidivistes, cela ne va-t-il pas l’encontre du principe
de spécificité du droit des mineurs, ayant valeur constitutionnelle ?
La loi pour ces derniers se durcit de plus en plus et pousse la justice à agir après que le ‘ mal ‘ ait été fait.
De plus ces solutions tendant à la répression ont un coût.
Or c’est de l’argent en moins qui pourrait être investit en amont, à savoir dans la prise en charge du mineur.
Si on en est arrivé à penser qu’enfermer est nécessaire pour éduquer, cela ne vient-il pas d’un échec
des actions ou solutions envisagées antérieurement ?
Section 2 : L’enfermement des mineurs : échec d’une protection antérieure ?
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Comme le souligne assez justement Madame Clément-Barthez, magistrat et conseillère juridique de la défenseuse
des enfants en France, l’enfermement des mineurs est une vieille tentation qui remonte loin dans l’histoire.
Dès lors, la politique de la justice des mineurs a toujours connue une tension entre deux orientations :
— d’une part, une volonté politique de réduction du trouble à l’ordre public pour un maintien effectif de sécurité,
se traduisant par la mise à l’écart de ceux qui perturbent cet ordre public.
Les groupes de populations particulièrement vulnérables, du fait de leur âge, de leur personnalité ou encore
de la possible précarité de leur situation familiale, sont une cible de choix pour mener à bien cette volonté politique,
parmi lesquels on retrouve les mineurs regroupant des enfants ayant des situations différentes :
enfants étrangers, enfants isolés, enfants asociaux, enfants présentant des troubles de la personnalité, etc.
— d’autre part, une ’ volonté sociale de protection de l’enfant se traduisant par l’élaboration
d’orientations collectives ou de projets individualisés, conçu pour le bien de l’enfant ‘ et pour reprendre la Convention
internationale relative aux droits de l’enfant : ‘ dans l’intérêt supérieur ‘ de ce dernier.
<h4>‘ Y a-t-il des enfants dont la mise à l’écart serait indispensable pour protéger la société et d’autres </h4>
qu’il faudrait protéger pour assurer la pérennité de cette même société ?95 ‘
Il faut donc définir dans un premier temps les termes de ‘ mineurs délinquants ‘ ou encore de ‘ délinquance juvénile ‘ (I)
pour étudier dans un second temps, les diverses mesures pouvant être décidées face à un jeune qualifié de délinquant
et par qui celles-ci sont prononcées (II).
I – Délinquance juvénile : définition et évolution
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Dans son ouvrage Les jeunes face à la justice pénale – Analyse critique de l’application de l’ordonnance de 1945, Francis
Bailleau, sociologue, travaillant au centre de recherche scientifique dans le Groupe de recherche et d’analyse du social
et de la sociabilité de l’Institut de recherche sur les sociétés contemporaines, avait fait part d’une analyse, encore
d’actualité aujourd’hui, qui était de dénoncer que la délinquance subissait une transformation.
Déjà appelée, il y a un peu plus de dix ans la ‘ nouvelle délinquance ‘, celle-ci se caractérise par une ‘ augmentation
des actes les plus répréhensibles, une banalisation de la violence, mais également par le rajeunissement des auteurs de délit96 ‘.
C’est pourquoi, il est important d’analyser une telle information à travers des données chiffrées,
premier aspect de cette évolution (A),
pour ensuite aller au-delà, à travers différentes pistes d’étude (B).
95 C. Clément-Barthez, L’enfermement de l’enfant : échec ou modalité de protection de l’enfance ?, in L’enfant face à l’enfermement,
VIIIe Assises des avocats d’enfants, Liège 7 et 8 décembre 2007, Editions Jeunesse et droit, p : 68-69.
96 F. Bailleau, Les jeunes face à la justice pénale…, op. cit. note 14, p : 68.
A). — Une délinquance des jeunes en mutation
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Graphique n°1 : Nombre de mineurs et de majeurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie97
Dans un premier temps, qu’est-ce qu’une personne mise en cause ? Il s’agit d’une personne à l’encontre de laquelle
sont réunis des indices concordants de culpabilité, attestant sa participation à la commission d’une infraction.
Il s’agit d’une catégorie statistique utilisée par les forces de l’ordre pour mesurer l’évolution de la délinquance.
On observe alors, à l’aide de ce graphique, que le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et
de gendarmerie n’a cessé d’augmenter, de façon régulière avec une forte hausse de 1992 à 2001, pour par la suite,
augmenter légèrement tout en se stabilisant98. Ainsi, selon l’annuaire statistique de la justice (édition 2000 et 2007),
le nombre de mineurs mis en cause pour des crimes ou des délits, est passé de 126 233 en 1995 à 193 663 en 2005.
Cela confirme bien une hausse de la délinquance des mineurs. Cependant, les professionnels de la justice ne
comptabilisent pas de la même façon la proportion de mineurs délinquants existant. En effet, les agents des forces
de l’ordre ‘ comptabilisent les mis en cause, quand les magistrats du parquet dénombrent les mineurs poursuivis
et les juges du siège les condamnés. Ceci explique que les policiers et les gendarmes fassent état d’une forte hausse
de la délinquance juvénile, tandis que les juges des enfants (…) relèvent une progression mesurée99 ‘.
Il faut aussi, pour bien comprendre ces données statistiques, voir l’évolution qu’a pu connaître la société avec
97 Graphique et données issues du Séminaire relatif à ‘ l’enfant ‘, groupe n°6 : L’enfant et l’adolescent face
à la justice pénale, Direction des études de l’ENA, promotion 2005 – 2007 ‘ République ‘.
98 Idem, p : 76 pour la définition d’une personne mise en cause et p : 8 pour l’interprétation du graphique.
les politiques qui s’y attachent. Aujourd’hui, on entend régulièrement parler du concept de
‘ tolérance zéro ‘, qui peut se définir comme la ‘ volonté politique de sanctionner systématiquement toute
infraction à la loi, à des fins de dissuasion et pour assurer l’égalité de traitement des victimes.
Cette politique implique le recueil des plaintes par les force de sécurité et la transmission des affaires aux
parquets, ainsi qu’une diminution des classements sans suite décidés par le ministère public pour des raisons
d’opportunité (faible gravité de l’infraction notamment)100 ‘. Une action policière est alors plus systématique :
là où avant, certaines incivilités se réglaient en dehors de toute procédure judiciaire, celles-ci peuvent donner
lieu aujourd’hui à l’intervention du juge. Toujours selon le séminaire sur l’enfant et les adolescents face
à la justice pénale, 70 à 80 % des mineurs concernés renoncent à la délinquance après la première infraction.
À l’inverse, la réponse judiciaire serait sans effet durable sur un noyau seulement d’environ 5 % de jeunes
très ancrés dans la récidive. Selon certains sociologues, ils seraient à l’origine de 60 à 85 % du nombre total d
es faits de délinquance. En s’attardant sur les chiffres des enfants délinquants issus de l’annuaire statistique
de la justice de 2007, on remarque aussi une population ‘ mineure délinquante ‘ de plus en plus jeune.
De plus, en 1999, sur 74 297 mineurs ‘ délinquants ‘ dont le juge des enfants à été saisi, 18 199 avaient
quatorze ans ou moins contre 19 587 en 2005 pour 82 556 mineurs ‘ délinquants ‘.
Certes, la délinquance rajeunit, mais elle continue d’augmenter. La part des plus jeunes reste ainsi
proportionnelle par rapport au nombre total. Sauf en matière d’incarcération.
S’agissant plus précisément des mineurs incarcérés :
<h4>MINEURS INCARCERES au cours de l’année (au 31 décembre)</h4><h4>(La place de l’enfermement
dans les réponses à la délinquance juvénile)</h4>
1994 | 1996 | 1998 | 2000 | 2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 | |
Total | 575 | 628 | 714 | 616 | 826 | 808 | 739 | 623 | 732 | 729 |
Prévenus | 436 | 495 | 553 | 454 | 630 | 592 | 467 | 414 | 489 | 461 |
Condamnés | 139 | 133 | 161 | 162 | 196 | 216 | 272 | 209 | 243 | 268 |
Dont filles | 42 | 30 | 29 | 14 | 20 | 17 | 30 | 29 | 28 | 39 |
Moins de 16 ans | 34 | 72 | 71 | 64 | 96 | 81 | 79 | 49 | 71 | 90 |
Source : Ministère de la justice (Annuaire statistique de la justice 2000/2005/2007)
Entre 2002 et 2004, le nombre d’incarcération dans sa globalité a largement diminué, passant
de 808 mineurs incarcérés en 2002 à 623 en 2004. Bien que plus important en 2006 avec 729
mineurs incarcérés, le nombre est en baisse par rapport aux années précédentes alors que rappelons-le,
nous venons de constater que les actes de délinquance étaient en hausse.
Ainsi, la peur de voir le nombre d’incarcérations de mineurs augmenté avec la construction des EPM,
ou encore avec la possibilité de placer en détention provisoire en cas de non respect d’un contrôle
judiciaire au sein d’un CEF, est-elle réellement justifiée ?
Le nombre de prévenus (largement supérieur au nombre de condamnés) est plutôt stable.
En général, on cherche une alternative à la prison, et ceux ayant été placés en détention provisoire
pour la plupart, ne se voient condamnés qu’à une peine d’emprisonnement extrêmement courte.
En effet, la durée moyenne d’une peine d’emprisonnement pour un mineur est de deux à trois mois.
Cette évolution de la délinquance traduit aussi une évolution du type d’actes délinquants.
Il faut savoir que plus d’un mineur sur deux est mis en cause pour une atteinte aux biens.
Ainsi, alors qu’ils ne représentent que 18 % des personnes incriminées en 2005, les mineurs sont les auteurs
de 42 % des incendies, de 45 % des vols avec violence et de 52 % des dégradations de biens publics.
Ils font ensuite davantage usage de la violence physique, notamment pour les vols de téléphones portables o
u de lecteurs MP3 sur la voie publique101. Autre caractéristique importante à souligner s’agissant
de la délinquance juvénile, 80% des actes commis par les jeunes ont pour cible d’autres jeunes.
Ces derniers sont donc quatre fois plus exposés que les adultes à la violence de leurs congénères102.
Après avoir défini la notion de délinquance juvénile et montré son évolution et son ampleur, il est important
de se questionner sur les origines de ce ‘ phénomène ‘.
En effet, souvent dénoncée dans les quartiers difficiles, cette violence des jeunes a tendance à s’étendre
bien au-delà, ne trouvant plus uniquement ce ‘ critère-solution ‘ comme seule explication plausible.
Ainsi comme le fait remarquer Jean-Marie Petitclerc, éducateur spécialisé, dans son ouvrage Enfermer
ou éduquer ? Les jeunes et la violence, dans les années 1980, 80% des délits commis par les jeunes
s’illustraient par des vols. Il s’agissait donc d’une délinquance qu’on pouvait qualifier ‘ d’appropriation ‘,
certes répréhensible et qu’il fallait bien évidemment punir, mais dont on pouvait trouver un sens,
qui pouvait d’une certaine manière se comprendre. Aujourd’hui, toujours selon cet auteur, la société
est confrontée à une délinquance qu’il considère comme ‘ symbolique ‘, en prenant comme exemple
que brûler une voiture, détruire un abris bus ou encore agresser un agent de la fonction publique
n’a rien de bénéfique pour les jeunes, qui ne trouvent dans ce type d’acte aucun profit. Évidemment, le
101 Ibidem, p : 9.
vol de portable reste un acte beaucoup plus observé que brûler un véhicule ou encore une école.
Mais la délinquance ‘ d’appropriation ‘ d’autrefois, s’accompagne de plus en plus d’actes de violence
inexplicables et difficiles à comprendre. Dès lors, cette évolution de la délinquance est significative :
avec le temps, le jeune qui a de moins en moins de repères ou encore de limites, va de plus en plus
loin dans la violence qu’il peut engendrer. Il est donc important de voir pourquoi, en France,
la délinquance a connu une telle transformation et pourquoi on en est arrivé à penser
que l’enfermement d’un jeune pouvait être une bonne réponse à la récidive de certains.
B). — Pistes explicatives de cette délinquance
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
‘ Je voudrais qu’il n’y ait pas d’âge entre dix et vingt-trois ans, ou alors que la jeunesse passe son temps
à dormir ; entre les deux fait-elle autre chose qu’engrosser les filles, manquer de respect aux vieillards,
voler et se bagarrer103 ? ‘
Selon Jean-Marie Petitclerc, notre société est confrontée à trois crises qui seraient à l’origine de la délinquance juvénile104 :
1). — une crise de l’autorité, qui rendrait difficile la transmission des repères ;
2). — une crise de projection dans l’avenir, qui rend difficile ‘ la mise en projet ‘ ;
3). — une crise de l’apprentissage de la socialisation, qui s’illustre par des difficultés dans le rapport à la
On retrouve alors dans un premier temps un problème qui a pour fondement l’environnement familial.
Un jeune en difficulté est souvent un jeune issu d’une famille en difficulté, sujette à des violences
(conjugales ou envers les enfants), ou encore d’une famille monoparentale105 qui peut se retrouver dépassée
par la situation, le parent en question n’arrivant pas à poser les limites et repères dont le jeune en pleine adolescence a besoin.
Cela ne signifie pas, bien évidemment, qu’une famille ‘ sans problème ‘ particulier ne soit jamais confrontée
à ce type de situation. Des parents ont pu dispenser une excellente éducation, ça ne veut pas dire que leur
enfant ne deviendra jamais délinquant. L’environnement familial n’est qu’un critère, mais non négligeable :
des jeunes considérés comme issus ‘ de bonnes familles ‘ ne sont pas exclus de ce problème, mais représentent
malgré tout une minorité. Ainsi, près de ‘ 90 % des
103 W. Shakespeare, Le conte d’hiver, acte III, scène 3, 1610.
104 J-M Petitclerc, Enfermer ou éduquer ?…, op. cit. note 102, p : 25.
mineurs délinquants étaient auparavant suivis en tant qu’enfants en danger au sens de l’article 375 du Code civil106
qui définit le régime d’assistance éducative107 ‘.
Il peut aussi s’agir d’un problème d’intégration pour des jeunes issus de l’immigration, où plusieurs valeurs
différentes se retrouvent confrontées : culture différente, mode de vie, langue peuvent être des barrières
à la socialisation dont certains jeunes ont besoin.
La grande mode de ces dernières années a aussi été de soulever l’hypothèse des parents’ démissionnaires
‘, sans imaginer que ces derniers puissent se retrouver dépasser par les évènements.
Comme le souligne Jean-Marie Petitclerc, certes les parents démissionnaires existent :
‘ en milieu particulièrement aisé, des parents compensent leur absence par de l’argent de poche généreusement
distribué sans aucune contrepartie (…) quand, en milieu populaire, ils se rendent complices de recel108 ‘,
cela illustre une forme de démission.
Mais au-delà d’une telle explication, il y a aussi les parents qui se retrouvent dans une impasse, ne sachant
plus quoi faire pour tirer leur enfant des ‘ multiples mauvais pas ‘ dans lesquels il aurait pu se mettre.
Ces derniers souffrent la plupart du temps, d’un problème de crédibilité.
Un exemple frappant repris par Monsieur Petitclerc illustre à merveille cette situation, où il vaudrait mieux
voir dans l’échec de l’autorité parentale, un licenciement plutôt qu’une démission de la part des parents :
un père, alors au chômage, interdit à son fils de sortir le soir. Celui-ci lui rétorque alors :
‘ écoute-moi papa, j’ai travaillé à l’école toute la journée, alors j’ai quand même le droit de me détendre.
Ce n’est pas toi qui ne fais rien qui va me l’interdire109 ! ‘
Ainsi, il n’est pas bon de faire une généralité en estimant que tous les parents dont l’enfant est en conflit
avec la loi, sont de mauvais parents. Certains demandent de l’aide parce qu’ils ne savent plus quoi faire.
Mais la démarche moderne a été de rendre peu à peu responsables ces derniers en les condamnant
à payer des amendes ou encore en supprimant les allocations familiales. Parallèlement, un autre
mouvement plus constructeur s’est développé : la volonté de mobiliser les parents.
Ainsi, l’article 375 alinéa 1 du Code civil dispose que ‘ si
106 L’article 375 du Code civil dispose que ‘ Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé
sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel e
t social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice
à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’entre eux, de la personne ou du service à qui l’enfant
a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (…).
Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale
(…) Cependant, lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques,
évaluées comme telle dans l’état actuel des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l’exercice
de leur responsabilité parentale, une mesure d’accueil exercée par un service ou une institution peut être ordonnée
pour une durée supérieure (à deux ans), afin de permettre à l’enfant de bénéficier d’une continuité relationnelle,
affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu’il est adapté à ses besoins immédiats et à venir (…). ‘
107 Séminaire relatif à ‘ l’enfant ‘, groupe n°6 : L’enfant et l’adolescent face à la justice pénale, Direction
des études de l’ENA, promotion 2005 – 2007 ‘ République ‘, p : 10.
108 J-M Petitclerc, Enfermer ou éduquer ?…, op. cit. note 102, p : 29 et s.
109 Idem.
la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son
éducation sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées
par la justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service
à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public.
Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel ‘. Dès lors, le juge peut ordonner ‘ un soutien à l’autorité
parentale en difficulté dans l’intérêt de l’enfant, mais (aussi) dans l’intérêt de la société soucieuse
de s’attaquer aux causes de la délinquance juvénile110 ‘. Mais cette pratique est de plus en plus délaissée.
On s’attaque aux parents, alors qu’il serait plus judicieux de les sensibiliser aux problèmes de leur enfant,
afin que ces derniers se sentent concerner pas les difficultés qu’il peut rencontrer et l’aident à se reconstruire.
En dehors du ‘ cocoon familial ‘, il peut aussi s’agir de jeunes souffrant psychologiquement, et qui avant
tout passage à l’acte, n’ont pas été pris en charge par les services adéquats.
Ainsi, l’enfant ou l’adolescent se retrouve dans un problème de projection dans l’avenir, c’est-à-dire sans
motivation quant à ses projets futurs, mal dans sa peau. Souvent la consommation d’alcool et de stupéfiant
aidant. ‘ Derrière la violence se cache souvent un fond d’insécurité. Les quartiers où règne la plus grande
insécurité sont aussi les quartiers où les jeunes sont le plus insécurisés quant à leur avenir111 ‘.
La violence est souvent le seul moyen d’expression qu’ont pu trouver certains jeunes ou alors un moyen
de s’affirmer en tant qu’individu. Les médias comme par exemple la télévision, internet ou encore
les jeux vidéos, particulièrement accessibles aux jeunes, sont des moyens qui sont parfois porteurs d’une
violence qui peut être facile à reproduire, mais surtout, souvent incomprise par l’auteur-mineur de l’acte délictueux.
L’enfant est influençable, et particulièrement celui qui ne connaît pas de limites ou de repères.
La distinction du bien et du mal, de ce qui est prohibé ou non est parfois difficile.
Un autre facteur, souvent lié, est le problème de l’échec scolaire.
On remarque assez souvent lors d’une incarcération ou d’un placement dans un centre éducatif fermé,
un niveau d’instruction assez faible et un nombre important de jeune ayant des difficultés pour lire ou encore écrire.
Ces derniers sont totalement ou partiellement déscolarisés.
C’est d’ailleurs l’un des enjeux des EPM qui ont pour perspectives de remédier à un tel ‘ handicap ‘.
On peut
110 J-P Rosenczveig, Cours Master 2, sur www.rosenczveig.com, 1ère Partie : Les réponses judiciaires aux jeunes
délinquants, Les grands principes, p : 27.
111 J-M Petitclerc, Enfermer ou éduquer ?…, op. cit. note 102, p : 77-78.
employer un terme aussi fort car les conséquences sont souvent le chômage pour les plus âgés et un vide
dans la vie du jeune qui se retrouve livré à lui-même. Et quand bien même, si celui- ci n’a pas atteint un niveau
de déscolarisation, le niveau scolaire de certains établissements peut laisser à désirer et n’aide en rien à la situation. E
ux aussi se retrouvent dépassés, décrédibilisant parfois l’Education Nationale qui ne cesse de remettre
en cause ces méthodes d’apprentissage et la façon dont elle accompagne le jeune dans sa carrière scolaire.
Ainsi, le ‘ Conseil d’analyse économique, dans son rapport Ségrégation urbaine et intégration sociale (de février 2004),
est clair : ‘ Le développement des activités illicites est lié aux conditions sociales des individus qui s’y abandonnent.
Elles sont le plus souvent le fait de jeunes à l’écart du monde du travail, immobilisés dans leurs cités, sans statut
ni argent. ‘ Les 750 zones urbaines sensibles (ZUS), sont en effet depuis longtemps identifiées avec les aires
de tensions sociales caractérisées par un chômage supérieur à la moyenne nationale
et un niveau élevé
de délinquance (68 infractions constatées pour 1 000 habitants dans les ZUS contre 47,3 en moyenne nationale).
De plus, 39,3 % des 15-24 ans sont sortis du système scolaire sans diplôme et 47,2 % d’entre eux ne poursuivent
pas d’études 112 ‘. En allant encore plus loin, la délinquance juvénile peut prendre une tournure encore plus
importante et n’est pas uniquement constitué de ‘ comportements de crise d’adolescence ‘.
<h4>Dans certains quartiers, on peut retrouver une ‘ organisation de vie mafieuse ‘.</h4>
Les jeunes, en rébellion vis-à-vis de l’autorité parentale, vont ‘ trouver le caïd qui remplacera le père défaillant.
Des occasions leur seront proposées de passer à l’acte. Soit ils entrent directement dans la petite délinquance,
soit ils sont happés par le système mafieux. On va alors leur offrir très rapidement un rôle qu’ils tiendront pour majeur.
Dans le cas du trafic de drogue, les plus petits deviennent des guetteurs avertissant de l’arrivée des policiers.
Et ensuite, en fonction de l’âge et des ‘ compétences ‘, on va trouver des jeunes qui transportent, des rabatteurs,
des intermédiaires, des tenanciers de la petite officine de distribution de drogue, des contremaîtres, avant
de trouver ceux qui sont les honorables correspondants du réseau mafieux113 ‘.
112 Séminaire relatif à ‘ l’enfant ‘, groupe n°6 : L’enfant et l’adolescent face à la justice pénale,
Direction des études de l’ENA, promotion 2005 – 2007 ‘ République ‘, p : 10.
113 J-P Rosencvzeig avec O. Mazerolle, ‘ Baffer ‘ n’est pas juger – La justice des mineurs, p : 185 – 186.
Cependant, expliquer la violence d’un jeune en faisant uniquement référence à des facteurs extérieurs peut
être désastreux d’un point de vue pédagogique.
Le risque alors encouru est de lui ôter toute part de responsabilité personnelle114.
Essayer de comprendre ne signifie pas qu’il faille à tout prix excuser les actes pour lesquels il a été interpellé.
En effet, tous les jeunes confrontés à une situation familiale difficile, à un niveau scolaire plus que médiocre
ne deviennent pas délinquants et fort heureusement. Il ne s’agit que de critères qui peuvent aider
à comprendre pourquoi le jeune en est arrivé là, mais parfois il est difficile de parvenir à une explication rationnelle.
Comprendre les origines de la délinquance peut aider pour prendre en charge le jeune, mais cela ne suffit pas.
Il faut en outre, que l’accompagnement qui suit l’acte réprimé soit suivi d’effet. Le travail le plus difficile
à faire est de sensibiliser le jeune aux conséquences qu’ont eu ou auraient pu avoir ses actes, car souvent il
n’en a qu’une ‘ conception abstraite115 ‘. Il est donc intéressant de voir qui prend ce type de décisions,
qui accompagnent le jeune, mais aussi quelles sont les mesures et sanctions applicables pour lui faire
comprendre qu’il ne faut pas recommencer.
II). — Les différentes mesures de prises en charge d’un mineur :
des mesures éducatives aux peines privatives de liberté
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
La justice des mineurs est spéciale car elle s’applique à des jeunes qu’on considère comme étant encore
en construction.
Ainsi, les acteurs de la justice pénale doivent jongler entre les mesures dites éducatives et les peines pouvant
être prononcées à leur encontre (B).
Mais avant de faire une brève description des différentes solutions envisagées, il est important de voir
qui encadre l’enfant ou l’adolescent en conflit avec la loi (A).
A). — Les acteurs jouant un rôle dans la prise en charge du mineur délinquant
en cas de placement ou d’incarcération provisoire ou non
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Il faut distinguer deux catégories d’acteurs encadrant le mineur :
ceux intervenant dans la prise de décision et dans l’application des mesures éducatives possibles
ou des peines prononcées et relevant de l’autorité judiciaire (1) et ceux qui interviennent ultérieurement au
114 J-M Petitclerc, Enfermer ou éduquer ?…, op. cit. note 102, p : 74.
115 J-P Rosencvzeig avec O. Mazerolle, ‘ Baffer ‘…, op. cit. note 113, sur la perception des actes délinquants
par les jeunes, p : 184.
prononcé de la peine ou de la mesure éducative et qui suivent le jeune dans sa démarche de réinsertion (2).
<h4><h4> 1). — Au cours de la procédure : L’autorité judiciaire face au mineur délinquant </h4></h4>
Conformément à l’article 1er de l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, les mineurs
auxquels est imputée une infraction (crimes ou délits) seront déférés devant des juridictions spécialisées
(et non de droit commun) que sont les tribunaux pour enfants ou les cours d’assises des mineurs.
Ainsi, le juge des enfants pourra soit juger en cabinet (mais ne pourra pas dans ce cas prononcer une peine
et devra se limiter à des mesures éducatives) ou alors au Tribunal pour enfants accompagné de deux assesseurs,
pour les délits commis par les mineurs de dix-huit ans et les crimes pour les moins de seize ans.
La Cour d’assises des mineurs sera alors compétente pour juger des crimes commis par les mineurs âgés
de seize à dix-huit ans. Ainsi, le juge des enfants est autant le juge de l’instruction que le juge de jugement.
La Chambre criminelle de la Cour de Cassation dans un arrêt du 7 avril 1993 a énoncé que :
‘ l’ordonnance du 2 février 1945, en permettant pour les mineurs délinquants, dans un souci éducatif, une dérogation
à la règle de procédure interne selon laquelle un même magistrat ne peut exercer successivement, dans une même
affaire, les fonctions d’instruction et de jugement, ne méconnaît aucune disposition de la Convention européenne d
e sauvegarde des droits de l’Homme ; une telle dérogation entre dans les prévisions de l’article 14 du Pacte international d
e New York, relatif aux droits civils et politiques, comme aussi dans celles des règles de Beijing, approuvées
par les Nations unies le 6 septembre 1985, qui reconnaissent la spécificité du droit pénal des mineurs ‘.
Le juge des enfants est aussi devenu juge de l’application des peines, autant en milieu ‘ ouvert ‘
qu’en milieu ‘ fermé ‘ comme l’énonce l’article 20-9 de l’Ordonnance de 1945116 depuis la loi du 9 mars 2004
dite loi Perben II. Il pourra donc suivre le jeune et avoir une part active dans l’aménagement de sa peine en vue
de sa réinsertion.
<h4>Un juge d’instruction, normalement spécialisé dans les affaires concernant les mineurs, peut aussi intervenir au cours</h4>
de la procédure. En effet, en cas d’affaires complexes nécessitant plusieurs actes de procédure, pour ‘ décharger ‘ l
e juge des enfants, ou encore en cas
116 Article 20-9 de l’Ordonnance du 2 février 1945 : ‘ En cas de condamnation prononcée par une juridiction spécialisée
pour mineurs, le juge des enfants exerce les fonctions dévolues au juge de l’application des peines par le code pénal
et le code de procédure pénale, jusqu’à ce que la personne condamnée ait atteint l’âge de vingt et un ans (…) ‘.
d’affaires ‘ mixtes ‘ concernant des mineurs et des majeurs, pour éviter la mobilisation de plusieurs juges, mais
aussi de façon obligatoire en matière criminelle, ce dernier interviendra à la place du juge des enfants.
Ainsi, à la fin de l’instruction, celui-ci pourra renvoyer au juge des enfants qui jugera alors en cabinet
(pas de peines possibles), renvoyer devant le Tribunal pour enfants (mais en cas d’affaire mixte, les adultes seront
envoyés dans ce cas devant le Tribunal Correctionnel), ou encore saisir la Chambre de l’Instruction
(en cas d’affaire criminelle et de mineurs âgés entre seize et dix-huit ans).
Cependant, autant le juge des enfants que le juge d’instruction ne pourront prononcer un placement en détention provisoire.
En effet, depuis la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence, ces derniers devront, pour que cela soit fait,
<h4>saisir le juge des libertés et de la détention (JLD), qui ne sera alors pas lié par leurs décisions, conformément</h4>
à l’alinéa 1 de l’article 11 de l’Ordonnance de 1945117 modifié depuis par la loi du 9 septembre 2002.
Cette disposition rapproche ainsi le droit pénal des mineurs de celui des majeurs, ce juge étant compétent
dans une telle situation autant pour l’un que pour l’autre et en cas d’affaire concernant un mineur,
il ne sera pas spécialisé. On observera ainsi sa difficulté à incarcérer les mineurs. M. Rosenczveig ira même
jusqu’à dire qu’ils ‘ ont une peur répulsive de l’idée d’incarcérer un mineur ; au point où (…) quasiment par principe
des juges des libertés et de la détention se refusent de recourir à la détention provisoire s’agissant des mineurs118 ‘
et expliquera que beaucoup de JLD refusant cette incarcération, ordonnent des placements en institution comme
alternative : placements qui seront alors vécus par le jeune comme une sanction, alors que les magistrats
et les travailleurs sociaux ont mis des années à combattre une telle idée.
<h4>Enfin, depuis peu, le Procureur de la République, de plus en plus spécialisé va être le moteur de la procédure</h4>
pénale des mineurs et va avoir un rôle de plus en plus important dans les décisions à prendre.
En effet, depuis les années 90, le juge des enfants n’a plus le monopole dans le traitement de la délinquance
des jeunes et environ 60% de la délinquance juvénile est traitée par ce dernier. Il exercera l’action publique
où il aura le choix de classer sans suite ou sous conditions. Par exemple, décider de ne pas poursuivre le mineur,
mais lui demander d’indemniser la victime ou encore en lui imposant de ne plus fréquenter tel quartier, etc.
Si le jeune ne respecte pas ces conditions, le procureur réévaluera la situation qui pourra
117 Article 11 alinéa 1 de l’Ordonnance de 1945 : ‘Les mineurs de treize à dix-huit ans mis en examen
par le juge d’instruction ou le juge des enfants ne peuvent être placés en détention provisoire que par
le juge des libertés et de la détention saisi soit par le juge d’instruction, soit par le juge des enfants,
conformément aux dispositions des articles 137 à 137-4, 144 et 145 du Code de procédure pénale,
que dans les cas prévus par le présent article (…) ‘.
118 J-P Rosenczveig, Cours Master 2, sur www.rosenczveig.com, 1ère partie : Les réponses judiciaires a
ux jeunes délinquants, Les grands principes, p : 8.
alors déboucher sur des poursuites. Autre alternative aux poursuites : la composition pénale depuis 2005,
applicable aux mineurs, lui permet sous l’autorité du juge, de condamner lui- même le jeune
(mais pas de peines possibles, uniquement des mesures éducatives).
Et enfin, celui-ci peut enclencher les poursuites soit devant le juge des enfants soit devant un juge
d’instruction, ou encore depuis la loi du 5 mars 2007 directement devant le Tribunal pour enfants
grâce à la procédure de présentation immédiate119, remplaçant le jugement à délai rapproché devant
ce même Tribunal. Cette procédure a ainsi, introduit au sein du droit applicable aux mineurs
le ‘ flagrant délit ‘. Le Procureur va aussi intervenir au cours de l’enquête de police et veiller par la suite
à l’exécution de la peine. Par exemple, si un jeune a été condamné à quatre mois d’emprisonnement,
il peut décider de ne pas rendre effective cette peine tout en lui expliquant que le jour où il recommence,
il ira directement en prison.
En dehors de l’autorité judiciaire, d’autres acteurs participent activement au bon déroulement
de la justice des mineurs, en jouant un rôle important autant dans la prévention de la délinquance
que dans sa prise en charge.
<h4><h4> 2). — Rôles et missions de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans la prise en charge </h4>
</h4><h4>du mineur délinquant </h4> Ancienne Éducation Surveillée créée en 1945, cette administration
rattachée au Ministère de la justice a pour fonction de mettre au service des tribunaux divers moyens
nécessaires non seulement à la protection des mineurs en danger, mais aussi délinquants.
On ne s’attachera à parler que de ces derniers.
Ainsi, le service éducatif auprès du Tribunal (SEAT) composé d’éducateurs de la PJJ va recueillir des
renseignements sur le jeune, l’accueillir lorsque celui-ci aura à se présenter devant la juridiction pour
mineurs et s’occupera du suivi des jeunes détenus. En dehors du Tribunal, les éducateurs ont un travail
de prévention de la délinquance au niveau départemental, mais aussi d’accompagnement du jeune délinquant.
Il appartient à l’Etat d’assurer la réinsertion dans la vie sociale, des jeunes délinquants ayant fait l’objet
d’une décision de justice, soit directement (secteur public), soit au travers de son secteur associatif habilité.
Dès lors, suivant la décision de justice, la prise en charge des jeunes poursuit un but éducatif et peut
prendre diverses formes : intervention et
119 Article 14-2 de l’Ordonnance de 1945 : ‘ Les mineurs de seize à dix-huit ans qui ont été déférés devant
le procureur de la République peuvent être poursuivis devant le Tribunal pour enfants se la procédure
de présentation immédiate (…) ‘.
suivi dans le cadre familial, placement en institution comme nous allons le voir par la suite, hébergement
en foyer ou en famille d’accueil, etc. Différentes missions sont ainsi confiées à la protection judiciaire
de la jeunesse telles que :
— des mesures d’investigation, que ce soit en matière civile ou pénale, qui permettent au juge des enfants
de cerner au mieux la personnalité du jeune, son parcours ainsi que de connaître son environnement familial.
Par exemple : le recueil de renseignements socio-éducatifs prévu aux articles 8-1, 8-2 et 12 de l’Ordonnance du 2 février
— des mesures éducatives comme par exemple la liberté surveillée prononcée soit durant la phase d’instruction
à titre provisoire, soit par la juridiction de jugement à l’égard des mineurs ayant commis un délit.
Elle permet entre autre, d’engager une action éducative dont la portée pourra être prise en compte par
le magistrat lorsque’elle est prononcée à titre provisoire ou alors d’engager un travail sur le passage à l’acte
qui est à l’origine de la mesure dans son environnement familial et social. Un autre exemple de mesure éducative
dont est en charge la PJJ est la réparation pénale qui s’adresse au mineur auteur d’une infraction pénale auquel
on propose de ‘ réaliser une activité d’aide ou de réparation au bénéfice de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité ‘.
Et enfin, autre exemple important à citer : le placement qui se fera au travers de différents centres d’hébergements
pour apporter aux mineurs ou aux jeunes majeurs ‘ un cadre de vie sécurisant, protecteur et structurant afin de les
aider à construire leur identité ; à s’approprier les règles qui régissent les relations sociales ; à s’inscrire dans un processus d
’insertion sociale, scolaire et professionnel ‘.
— des mesures de probation (ou de contrôle) et les peines :
Il s’agit de fixer aux mineurs des obligations ou interdictions dont le non respect pourrait entrainer une mise
en détention. Ainsi constitue une telle mesure, le contrôle judiciaire prononcé dans le cadre de l’instruction
à l’égard d’une personne mise en examen encourant une peine d’emprisonnement.
Celui-ci peut se traduire par diverses obligations telles que ne pas se rendre dans certains lieux, s’abstenir
de rencontrer certaines personnes, etc. Autres mesures possibles :
le sursis avec mise à l’épreuve, le suivi socio-judiciaire, le travail d’intérêt général (peine consistant en un
travail non rémunéré au profit d’une institution ou d’une association par des mineurs de seize à dix-huit ans
ayant commis un délit punit d’une peine d’emprisonnement) ou encore le stage de citoyenneté
(peine alternative aux poursuites ou à l’emprisonnement, ou alors obligation de mise à l’épreuve par le Tribunal
pour enfants ou la Cour d’assises des mineurs, il va être mis en œuvre par le secteur public de la PJJ)
<h4> — des sanctions éducatives :</h4>
applicables aux mineurs de dix à dix-huit ans. Par exemple, la confiscation d’un objet ayant servi à la commission
de l’infraction, interdiction de paraître pour une durée d’un an maximum dans le ou les lieux où l’infraction a été commise,
<h4> — les aménagements de peine :</h4>
depuis le 1er janvier 2005, selon l’article 20-9 de l’Ordonnance de 1945120, ceux-ci relèvent de la seule compétence
du juge des Cependant, leur mise en œuvre est confiée au secteur public de la PJJ.
Il s’agira par exemple d’une libération conditionnelle, d’un placement extérieur ou encore d’un placement
sous surveillance électronique121.
L’éducateur PJJ va donc avoir plusieurs missions et exercer son activité autant en milieu ouvert qu’en milieu fermé.
Ce dernier point, qui va être vu avec l’étude notamment des CEF et des EPM, n’a pas été sans poser de difficultés.
Mais rappelons tout de même que ‘ La mission de la PJJ est une mission éducative dans un cadre judiciaire.
Elle vise, par un travail avec et pour le mineur, à introduire des possibilités de changement dans la situation
de celui- ci, de manière à favoriser sa réinsertion dans son environnement familial et social.
Elle a vocation à s’exercer en direction de tous les mineurs qui font l’objet d’une décision de justice, quelle qu’elle soit,
là où ils vivent, quel que soit le lieu où ils se trouvent. (…). L’intervention de l’éducateur s’exercera par conséquent
dans un champ délimité par sa mission éducative, sur des objectifs d’action éducative distincts des logiques
de gestion de la détention122 ‘. Avant d’être ‘ enfermer ‘ dans une des ces institutions, le mineur va connaître
des différentes mesures précitées et va pouvoir faire l’objet de placements dans différentes structures
qu’il est donc nécessaire de voir.
120 Voir supra, note 116, p : 55.
121 Informations tirées en partie du site : http://www.justice.gouv.fr ; dans la rubrique Justice des mineurs –
Protection judiciaire de la jeunesse et Mesures confiées à la PJJ par les juridictions.
122 Note du Directeur de la PJJ du 27 janvier 2003 tiré du Cours de Master 2 de M. Rosenczveig
sur www.rosenczveig.com, 1ère partie – Le suivi des mesures pénales et l’application des peines, p : 57.
- <h4>Les différents placements possibles : </h4>
- <h4>‘ Répondre par l’éducatif à la demande de sécurité123 ‘</h4>
-
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Le placement des mineurs délinquants peut prendre différente formes en milieu ouvert et sera mis en œuvre
par la PJJ à travers le secteur public, mais aussi son secteur associatif habilité.
On retrouve alors dans un premier temps, les foyers d’action éducative qui vont accueillir sur une durée
plus ou moins longue des mineurs délinquants (ou bien en danger) ainsi que des jeunes majeurs.
Ce placement aura pour but de ‘ replacer les mineurs dans une vie quotidienne de groupe, d’organiser des
activités notamment durant les temps forts que sont les soirées, les week-ends et les vacances124 ‘
tout en poursuivant leur scolarité ou leur formation. Mais en 1996, suite à un ‘ rapport ‘ sur la violence
des jeunes publié par le syndicat des commissaires de police qui a eu un fort retentissement médiatique,
un nouveau programme va être élaboré afin de ‘ répondre par l’éducatif à la demande de sécurité ‘.
Il s’agit du ‘ Pacte de relance de la ville ‘ comportant un volet spécifique sur la délinquance juvénile.
Ce texte prévoyait entre autre, la création de cinquante nouvelles structures de prise en charge des jeunes
délinquants appelées : Unités à encadrement éducatif renforcé (U.E.E.R).
Ces nouvelles structures sont le fruit d’une double analyse :
— On a reconnu les limites des modèles de prise en charge existant et accepté la mise en place d’un
‘ cadre de surveillance des mineurs plus développé ‘.
— On a voulu affirmé, par la création de cette nouvelle structure, l’importance du travail des éducateurs
et de leurs engagements aux côtés des mineurs ‘ dans un projet d’action commun ‘.
Ainsi, la PJJ et le secteur associatif habilité vont mettre en place des U.E.E.R ayant pour objectif ‘ d’accueillir
des mineurs engagés dans une délinquance installée ou en situation de très forte marginalisation sociale,
avec un passé de rejet des institutions existantes, et de les accompagner dans un processus d’apprentissage i
ntensif de nouvelles règles de vie collective125 ‘. Ainsi, on souhaite créer une rupture avec l’environnement
habituel du mineur, en l’éloignant géographiquement de son lieu de résidence (environnement au sein
duquel s’est construit sa délinquance) et en instaurant des règles de vie radicalement différentes de celles
qu’il a jusqu’alors connu. Tout ce processus ne s’effectuera pas via une privation de liberté
123 Titre pris de l’article : M. Palacio, Vingt ans de vrais et faux débats autour de l’enfermement des mineurs,
in RAJS – JDJ n° 250 – Dossier sur l’enfermement des mineurs, décembre 2005, p : 39.
124 http://www.justice.gouv.fr ; dans la rubrique Justice des mineurs – Protection judiciaire de la jeunesse
et Mesures confiées à la PJJ par les juridictions – mesures éducatives – le placement.
125 M. Palacio, Vingt ans de vrais et faux débats autour de l’enfermement des mineurs, in RAJS –
JDJ n°250, dossier sur l’enfermement des mineurs, décembre 2005, p : 39.
mais tout simplement par des contraintes et règles posées par l’équipe d’éducateurs entourant le jeune. J
acques Toubon, le garde des sceaux de l’époque avait dit s’agissant de ces unités, lors de l’inauguration
de l’une d’entre elles : ’ J’ai voulu également que la Protection judiciaire de la jeunesse soit attentive
au cas des mineurs qui ne trouvent pas, pour de multiples raisons, leur place dans ce dispositif.
Il s’agit là des jeunes qui, de délit en délit, refusent ou fuient tout soutien éducatif et s’enfoncent dans une
délinquance à répétition qui alourdit le climat social des quartiers et les conduit inexorablement à la prison.
Il s’agit également de ces jeunes, qualifiés successivement d’incasables ou de cas limite et qui, multipliant
des échecs personnels douloureux dans leur famille, à l’école ou ailleurs, sombrent dans une marginalisation
destructrice, au bout de laquelle d’ailleurs peut survenir la délinquance.
Pour tous ces jeunes, l’échec éducatif est synonyme de prison, d’hôpital psychiatrique, de suicide, bref,
est synonyme de drame. Il n’y a certes pas et il n’y aura jamais de solution miracle, mais il y a le devoir impérieux
d’essayer et d’inventer sans cesse des réponses nouvelles126 ‘.
Trois ans après ces unités, le thème sur l’insécurité et la délinquance des mineurs repris de nouveau,
avec l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement, de gauche cette fois, qui rebaptisa les U.E.E.R
<h4>en centres éducatifs renforcés (CER). Il mettra en place dans le même temps, les centres de placement immédiat</h4>
(CPI) qui auront pour vocation première l’accueil immédiat, à savoir en urgence, des mineurs
délinquants, pour lesquels une ‘ séparation d’avec leur milieu de vie est estimée indispensable par les juges
des enfants, le temps pour eux de recueillir les éléments d’information sur la situation127 ‘ de ces derniers
et de rendre une décision de justice appropriée. Ainsi, c’est dans les mêmes conditions qu’en 1996,
que ces centres se mettent en place, toujours avec la même idée d’une responsabilité des mineurs
dans la hausse de l’insécurité128. Les CPI fonctionnent alors en continu contrairement aux CER
qui ne fonctionnent que par section. En matière correctionnelle ou criminelle, le placement peut
s’accompagner d’un contrôle judiciaire. Tous les déplacements du jeune doivent être accompagnés
d’un éducateur.
Ainsi, un bilan de la situation du mineur va être mis en place et sera remis au juge en comportant
une proposition de la mesure à prendre à son égard.
En 2002, même scénario : élection présidentielle, nouvelle majorité gouvernementale, à savoir celle
qui était en place en 1996 et de nouveau en ‘ haut de l’affiche ‘ le thème de
126 M. Palacio, Vingt ans de vrais et faux débats…, art. préc. note 125, p : 39-40.
127 Idem.
128 Ibidem.
l’insécurité qui conduira à une nouvelle modification de l’ordonnance de 1945 au sein de laquelle
sera intégrée les centres éducatifs fermés (CEF).
On assiste alors avec les Loi Perben à un durcissement des réponses pénales à la délinquance juvénile.
Et ces textes législatifs ne sont que le début d’une série qui se voudra de plus en plus dure vis-à-vis des mineurs.
En plus de ces CEF, va être prévu la création d’établissements pénitentiaires spécialisés pour les mineurs (EPM).
Ainsi, ‘ la décision du juge, en France, est orientée par les lois récentes de prévention de la délinquance
et sur la récidive des mineurs qui limitent les conditions dans lesquelles il peut prononcer des admonestations,
des sursis avec mise à l’épreuve, des peines d’emprisonnement de courte durée, de telle sorte que
la probabilité que le mineur délinquant soit condamné à des peines d’emprisonnement ferme et de moyenne
ou longue durée, est aujourd’hui plus importante qu’il y a un an et avec moins de paliers intermédiaires129 ‘.
Ainsi, on peut se demander si la mise à l’écart d’un enfant, par l’enfermement n’est pas une illustration,
dans certaines situations à un échec de la protection antérieure ? Toujours comme le souligne Madame
Clément-Barthez, les professionnels qui sont en contact avec les jeunes incarcérés dénoncent un taux
important de troubles psychiques dont souffriraient les adolescents. Elle en conclut que l’enfermement
des jeunes en général est ’ l’aboutissement d’un parcours au cours duquel les mesures adéquates
au plan médical et éducatif n’ont pas été prises en temps voulu par les professionnels130 ‘.
Cela ne signifie pas que ces structures de placement avant l’incarcération ne fonctionnent pas.
Rappelons qu’une majorité des primo délinquants, même sans avoir connu ce type de placement,
ne retombe pas dans la délinquance. Mais le problème est plus délicat s’agissant des mineurs récidivistes.
Madame Clément-Barthez est certainement dure dans ce qu’elle dénonce, mais il s’agit du point de
vue qu’elle a pu se forger grâce à ses années d’expérience en tant que magistrat.
Cependant, elle n’est pas la seule à soulever ce type de questions, ce qui prouve qu’il y aurait certainement
des choses à changer dans la prise en charge du mineur, avant que celui-ci ne soit confronté à l’enfermement
‘ réel ‘. Notamment, éviter une prise en charge souvent trop tardive… Mais quand cette ‘ première étape ‘
ne produit pas les résultats escomptés, les centres éducatifs fermés ou encore la prison peuvent-ils
être malgré tout une bonne solution ? Comme l’a soulevé Jean-Luc Rongé dans un édito à contre
courant pour le journal du droit des jeunes :
‘ Faut-il priver de liberté pour éduquer à la liberté131 ? ‘
129 C. Clément-Barthez, L’enfermement de l’enfant…, op. cit. note 95, p : 72-73.
130 Idem, p : 74.
131 www.droitdesjeunes.com, Edito Jean-Luc Rongé. En novembre 2006, la défense de l’enfant internationale
posait cette question.
Suite à l’annonce de la création des EPM ainsi que des centres éducatifs fermés, beaucoup d’éducateurs
spécialisés ont considéré que ces lieux étaient des endroits où aucune dimension éducative ne pouvait
être envisagée. Or l’objectif de ces institutions est de réussir là où l’entourage du jeune, à savoir,
la famille ou encore l’école, a échoué. Il ne faut donc pas considérer enfermement et éducation
comme deux notions antinomiques, impossibles à concilier.
Le travail de l’enseignant ou encore de l’éducateur peut aussi bien se faire à l’extérieur
qu’à l’intérieur d’une prison.
Simplement, la façon d’appréhender cette démarche sera différente : un jeune privé de liberté ne
réagira pas de la même manière qu’un jeune qui ne l’est pas. Cela semble évident, mais peut poser problème.
La détention est une forme de prise en charge ‘ par défaut ‘ du délinquant et reste le dernier recourt
là où les solutions
‘ ouvertes ‘ ont échoué. Ainsi, ‘ si l’enfermement hante toujours l’action éducative c’est que le corps social,
ses représentants et les institutions qui agissent en leur nom n’ont jamais éclairci leur attente réelle
sur la question ‘ que faire des mineurs délinquants ?133 ‘ Dès lors, peut-on réellement lier éducation
et détention ? Ce type de prise en charge du mineur peut-il avoir pour effet de stopper les actes de délinquance ?
Cette partie va porter plus spécifiquement sur l’enfermement d’un mineur, à travers les diverses structures
fermées pouvant l’accueillir. Il sera ainsi envisagé comme réponse pénale ayant pour objectif d’empêcher l
a récidive des jeunes, grâce notamment à la portée éducative qu’on souhaite lui attribuer.
Dans un premier temps, cette étude portera sur les CEF ainsi que sur les quartiers pour mineurs (Section 1),
pour dans un second temps, montrer l’objectif des EPM et leurs limites (Section 2).
Section 1 : L’enfermement du mineur comme réponse pénale
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
À l’heure où des mesures de plus en plus répressives à l’égard des mineurs sont adoptées, dans un souci
de sécurité de la société, il est bon de savoir si malgré les sanctions qui peuvent être prises à leur encontre,
dont l’enfermement avec le placement en CEF ou
132 Idem.
133 M. Palacio, Vingt ans de vrais et faux débats…, art. préc. note 125., p : 38.
encore en détention, l’intérêt de l’enfant prime toujours ? Selon l’ordonnance de 1945, cet intérêt
s’illustrerait dans la portée éducative de sa prise en charge. Mais peut-on enfermer et éduquer ?
La carence éducative mis en avant dans l’explication de la délinquance du mineur peut-elle être comblée
en prison alors que des mesures éducatives, en amont, n’ont pas évité que le jeune récidive ?
Isoler l’individu de la société permet certes, de protéger l’ordre public, mais qu’en est-il du mineur faisant
l’objet de cette sanction ?
Ainsi, après avoir rappelé les différentes mesures et peines privant le mineur de sa liberté (I),
on observera sa prise en charge au sein des quartiers pour mineurs (II),
établissements réservés à leur incarcération avant la construction d’établissements pénitentiaires spécialisés.
I). — Mesures et peines privatives de liberté applicables aux mineurs
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
La détention provisoire, tout comme la peine d’emprisonnement et les centres éducatifs fermés ont été au cœur
des débats politiques. Abus de la part des magistrats selon le législateur, laxisme de la part de ces derniers selon
les politiques, la détention provisoire est utilisée pour protéger l’ordre public, mais aussi comme mesure d’urgence.
Les chiffres élevés le prouvent134. Contrairement à la peine d’emprisonnement, moins prononcée et donc plus rare.
Ainsi, il est indispensable de revenir sur celles-ci, privant toutes deux le mineur de sa liberté et illustrant ce
qu’on entend par l’enfermement ‘ réel ‘ (B). Mais en dehors des peines prononçables, une mesure éducative
tout aussi importante, faisant suite à la loi Perben I doit retenir notre attention, en ce qu’elle est antérieure
à une incarcération, mais qu’il est important de traiter car elle place le mineur dans un milieu dit ‘ fermé ‘.
Non pas incarcéré au sens d’une prison, les centres éducatifs fermés restent ambigus dans leur compréhension
et leur fonctionnement proche d’un enfermement carcéral (A).
A). — Les centres éducatifs fermés : un enfermement ‘ juridique ‘
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Prévus à l’article 33 de l’ordonnance de 1945 depuis la loi Perben I du 9 septembre 2002, les centres éducatifs
fermés (CEF) accueillent des mineurs délinquants multirécidivistes ou multiréitérants âgés de treize à dix-huit ans,
pour lesquels les différentes solutions éducatives se sont soldées par un échec.
Cet article dispose que ces centres sont ‘ des établissements publics ou des établissements privés (…) dans lesquels
les mineurs sont placés en application d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’un
134 J-P Rosenczveig, Le dispositif français…, op. cit. note 22, p : 883.
placement à l’extérieur ou à la suite d’une libération conditionnelle ‘.
La prise en charge de ces derniers, repose sur un accompagnement constant du mineur à l’intérieur et à l’extérieur
du centre. Suivi sanitaire et psychologique, activités d’enseignement et de formation professionnelle, sport,
rythment le quotidien du jeune, qui doit acquérir des savoirs de base, tels que lire, écrire, ou encore certains
gestes professionnels. Régulièrement pendant les six premiers mois de son placement, le directeur du centre
ainsi que le magistrat ayant décidé du placement, vont faire le point sur l’évolution du mineur135.
Au final, il s’agit encore d’un centre où la formation est présentée comme prioritaire. Mais que signifie
‘ fermé ‘ ? Il s’agirait d’une fermeture ‘ juridique ‘. C’est-à-dire que si un mineur ne respecte pas
les conditions de placement et les obligations fixées par la décision du magistrat, ce jeune pourra être placé en détention.
<h4>Ainsi, comme le souligne M. Palacio, le défi du CEF est double :</h4>
— d’une part, il faut faire en sorte que ‘ l’enfermement ‘ prévu dans cette institution ne déborde pas
sur l’objectif éducatif de
— D’autre part, ‘ pousser au maximum la dimension ‘ contenante ‘ sans tomber dans les modalités carcérales ‘.
Dès lors, un projet pédagogique sera mis en place, ce qui ne différencie pas le CEF des autres structures d’hébergement.
Ce qui le fera est la notion ‘ fermé ‘. Ce mot renvoie à une
‘ contention totale ‘ que normalement les placements en centres ne possèdent pas, cette dimension relevant
du domaine et de la responsabilité de l’institution pénitentiaire en France. Ainsi quelle différence par rapport à la prison ?
Surtout depuis que celle-ci tend à mettre en place un travail éducatif auprès du mineur incarcéré.
Dans ce cas, la notion d’enfermement prendrait une autre forme de celle qu’on entend lui donner habituellement.
Toujours selon M. Palacio, l’enfermement consiste normalement dans un premier temps à priver de liberté.
Ensuite, il s’agit normalement d’une peine (la plus forte) qui sanctionne l’auteur d’un délit ou d’un crime.
Enfin, comme nous venons de le voir, il s’agit d’une peine prononcée par l’autorité judiciaire et mise en œuvre
par l’administration pénitentiaire136.
Or le placement en centre éducatif fermé n’est pas une peine, mais une mesure éducative applicable
aux treize – seize ans, qui ne peuvent normalement, pas faire l’objet d’une peine d’emprisonnement,
sauf en matière criminelle.
Mais c’est là que les choses se compliquent. La détention va être possible lorsque les conditions et obligations
de placement ne vont pas être respectées par le
135 http://www.justice.gouv.fr, cliquez sur ‘ justice des mineurs ‘, puis sur missions confiées à la PJJ.
Allez ensuite dans la catégorie ‘ mesures éducatives ‘.
136 M. Palacio, Vingt ans de vrais et faux débats…, art. préc. note 125, p : 41
mineur. On introduit donc une exception à cette règle. Par exemple, en cas de fugue, on appliquera une
réponse judicaire à un acte qui devrait se régler autrement, puisqu’il s’agit avant tout d’une question éducative. ‘
La fugue est un évènement ordinaire de la vie en institution, elle est vieille comme les internats (…).
En outre, une fugue peut avoir bien des explications, le refus de la prise en charge certes, mais aussi un conflit
avec un membre du personnel, une humiliation ou une violence subie ou ressentie comme telle,
ou encore un problème familial137 ‘.
Il est difficile pour un jeune de comprendre que la porte du centre n’est pas matériellement fermée,
mais qu’il ne peut pas sortir seul. Pour Laurent Mucchielli, sociologue, la finalité de ces centres est l’enfermement
et leur condition est la contrainte et la
‘ disciplinarisation ‘, l’éducatif n’étant qu’une partie du contenu lorsque la soumission est acceptée.
Alors que normalement, la finalité des placements dans les différents centres existant est la socialisation
afin de créer une rupture temporaire avec l’environnement du jeune, en y intégrant un suivi éducatif138.
Ces centres fermés ne cherchent-ils donc pas plus à discipliner le jeune plutôt qu’à l’éduquer ?
Alternative à la prison, ces derniers n’en donnent- ils pas un avant goût ?
Certains auteurs vont jusqu’à dire que nous sommes en train de vivre à travers ces établissements, un retour
aux centres fermés des années 60 – 70. Le juge des enfants, Madame Guiraud, exerçant au Tribunal de Nanterre,
st moins critique sur ces centres. Par principe, elle n’y ait pas opposé, il s’agit d’une mesure de placement
qui fonctionne plus ou moins bien et elle ne voit pas de grandes différences avec le centre éducatif
renforcé dans le mode de prise en charge du mineur. Les seules difficultés sont d’une part, qu’il s’agit
d’un dispositif permettant de réintroduire la possibilité de mettre en détention provisoire des mineurs
de moins de seize ans, auteurs de simples délits, possibilité qui avait été supprimée alors que d’autre part,
le CEF est normalement une alternative à la prison. De plus, elle a souligné que les éducateurs travaillant
au sein de ces centres étaient des éducateurs jeunes. Pour ces derniers, le fait de travailler
dans un environnement ‘ fermé ‘ n’est pas dérangeant. Sentiment non partagé par les éducateurs
ayant plus d’expérience, qui pour la majorité, étaient contre au moment de leur création.
Toutefois, les jeunes éducateurs ‘ fraichement ‘ diplômés sont-ils assez parés pour faire face aux mineurs
<h4>les plus récalcitrants à l’autorité ? Autre problème :</h4>
le nombre restreint de places offertes par ces centres. Finalement, une quarantaine de centres ont ouvert
sur les cent prévus à l’origine. Cela vient principalement du fait de la difficulté rencontrée pour mobiliser
les éducateurs de la PJJ qui ont refusé ‘ de jouer le rôle qu’on envisageait de leur assigner ;
il fallut du temps (…) pour
137 L. Mucchielli, Les centres éducatifs fermés…, art. préc. note 137, p : 43.
138 Idem.
mobiliser les réseaux associatifs proches139 ‘. Pour Jean-Pierre Rosenczweig, un CEF ‘ne résout pas le problème
de la délinquance juvénile, mais cela élargit l’offre d’accueil éducatif mise à la disposition des magistrats140’.
L’intérêt de la société ainsi que celui de la victime d’un acte délictueux sont les préoccupations premières du
droit pénal et ont leur place au sein du procès fait à un enfant.
Toutefois, et comme en dispose l’article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant141, c
e procès doit aussi prendre en considération l’intérêt supérieur de celui- ci, cet intérêt ayant un caractère
‘ primordial ‘. ‘ Dans la réalité cependant, plusieurs raisons, parmi lesquelles le recours fréquent à la privation
de liberté, permettent de douter de la volonté de réellement considérer l’intérêt de l’enfant comme primordial.
Il se peut aussi que l’on prenne en compte l’intérêt de l’enfant que lorsque cet intérêt coïncide avec celui de la société142 ‘.
Ainsi, sous quelles formes, en France, cette privation de liberté prend t-elle forme ?
Peut-on vraiment dire que l’intérêt supérieur de l’enfant est négligé en cas d’enfermement carcéral ?
B). — D e la détention provisoire à l’incarcération
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Dans les années 2002 à 2004, le nombre de mineurs détenus avait sensiblement diminué.
Cependant, la tendance s’est aujourd’hui inversé : au 1er janvier 2007, 712 mineurs étaient incarcérés (environ 2/3
en détention provisoire et 1/3 condamnés à une peine).
Ainsi, c’est environ 3 500 mineurs qui entrent en prison chaque année143. Dans un premier temps, on étudiera d
onc la détention provisoire (1), pour voir dans un second temps, la peine d’emprisonnement (2).
139 J-P Rosenczveig, Cours Master 2 sur www.rosenczveig.com, 1ère partie – Les réponses judiciaires aux jeunes
délinquants, L’instruction, p :37.
140 M. Cousin, Jeunes délinquants. Centres fermés : la solution ?, L’express, 25 septembre 2003 (voir annexes). 141
Article 3.1 CIDE : ‘ Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques
ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt
supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ‘.
142 G. Cappelaere et A. Grandjean, Enfants privés de liberté, droits et réalité, Editions Jeunesse et Droit, Paris-
Liège, 2000, p : 41 repris dans l’article de M. Palacio, Vingt ans de vrais et faux débats autour de l’enfermement
des mineurs, RAJS – JDJ n°250, dossier sur l’enfermement des mineurs, décembre 2005, p : 28.
143 C. Clément-Barthez, L’enfermement de l’enfant…, op. cit. note 95, p : 61.
<h4> 1). — Le recours à la détention provisoire : maintien de l’ordre public et/ou mesure d’urgence
</h4><h4>(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)</h4>
Selon l’article 137 du Code de procédure pénale ‘ la personne mise en examen, présumée innocente, reste libre.
Toutefois, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une
ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes au regard de ces objectifs,
elle peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire ‘.
Il faut ainsi souligner le caractère exceptionnel de cette détention s’agissant des personnes majeures.
En effet, une personne placée en examen doit en principe demeurer libre, son placement en détention
provisoire ne devant intervenir qu’à ‘ titre exceptionnel ‘.
Dès lors, le mineur, qui connaît normalement un droit plus protecteur, peut-il faire l’objet d’une telle détention ?
Nous allons voir que oui, mais sous certaines conditions.
Avant d’étudier l’article 11 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante sur la détention
provisoire des mineurs, il est important de voir l’évolution législative de cette mesure.
En voici les principales réformes144 :
1). — La loi du 17 juillet 1970 avait limité à dix jours la détention provisoire des mineurs de moins de seize
ans ayant commis un délit.
2). — La loi du 30 décembre 1985 avait prévu l’obligation de demander à un service éducatif de formuler
des propositions alternatives dans tous les cas où un placement en détention était demandé à l’égard d’un
3). — La loi du 30 décembre 1987 avait interdit le placement en détention provisoire des mineurs
de moins de seize ans en matière
4). — La loi du 6 juillet 1989 avait limité la durée de la détention provisoire pour les mineurs et supprimé
la possibilité de placer en maison d’arrêt ces derniers en cas d’incident à la liberté surveillée.
5). — La loi du 30 décembre 1996 qui s’appliquait à tous, mineurs et majeurs confondus, devait avoir
pour but de restreindre le recours à la détention provisoire en décidant que pour que celle-ci soit appliquée,
il devait y avoir un trouble à l’ordre public qui devait être caractérisé. Le résultat ne fût toutefois pas
144 Rapport du Sénat : La République en quête de respect (rapport de la commission d’enquête sur
la délinquance des mineurs) déposée le 27 juin 2002.
6). — Et enfin, la loi du 16 juin 2000 sur la présomption d’innocence a confié le placement en détention
provisoire des mineurs (mais aussi des majeurs) au juge des libertés et de la détention145, alors que celui-ci
n’est pas spécialisé dans les affaires les
— L’article 11 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante modifié par la Loi Perben I,
consacre la détention provisoire du mineur en énonçant qu’une telle mesure ne peut avoir lieu qu’à la c
ondition qu’elle soit ‘ indispensable ou qu’il soit impossible de prendre toute autre disposition et à la condition
que les obligations du contrôle judiciaire (…) soient insuffisantes ‘. Dès lors, le juge des libertés et de la détention
est saisi par le juge des enfants ou par le juge d’instruction.
Le régime de la détention provisoire du mineur est donc le suivant :
++ les mineurs de treize ans ne peuvent pas être placés en détention
++ Les mineurs de treize ans révolus et de moins de seize ans peuvent l’être.
En matière criminelle, pour une durée de six mois, pouvant être renouvelée une fois à titre exceptionnel.
En matière délictuelle, s’ils se sont volontairement soustraits aux obligations d’un contrôle judiciaire,
si la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement et que le mineur a déjà fait
l’objet d’une mesure, d’une sanction éducative ou d’une Il pourra dès lors être placé en détention
provisoire pour une durée de quinze jours renouvelable une fois avec la possibilité d’aller jusqu’à
un mois renouvelable une fois si le délit est puni de dix d’emprisonnement.
Ainsi, un placement en détention provisoire est possible en cas de simple ‘ fugue ‘ d’un centre éducatif fermé146.
En cas de renouvellement de cette mesure, il faut un débat contradictoire (Article 145 alinéa 6 du Code
de procédure pénale : ‘ Le juge des libertés et de la détention statue en audience de cabinet, après un débat
contradictoire au cours duquel il entend le Ministère public (…) puis la personne mise en examen et, le cas échéant,
celles de son avocat. (…) si la personne est mineure, le débat a lieu et le juge statue en audience de cabinet (…) ‘),
et une ordonnance motivée de la part du juge.
++ Les mineurs de seize ans révolus ne peuvent être placés en détention provisoire que dans trois cas :
<h4>En matière criminelle, (La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)</h4>
dans les conditions de droit commun des majeurs, sans pouvoir toutefois dépasser
une durée de deux
145 Voir supra, p : 56.
146 Voir supra, p : 64 et s.
<h4>En matière correctionnelle</h4>
si la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement.
En cas de peine encourue inférieure ou égale à sept ans d’emprisonnement, la durée de la détention
provisoire est d’un mois maximum, qui peut être, à titre exceptionnel, prolongée une fois d’un Cependant,
si cette peine est supérieure à sept ans d’emprisonnement, la détention provisoire obéit au droit commun
des majeurs dans la limite d’un an.
— Ils peuvent également être placés en détention provisoire s’ils se sont soustraits aux obligations
d’un contrôle judiciaire, l’intérêt étant alors porté pour les délits punis de moins de trois ans d’emprisonnement.
En effet, l’article 10-2 III 2° de l’Ordonnance du 2 février 1945 modifié par la loi du 5 mars 2007 dispose que :
‘ (…) Si le contrôle judiciaire comporte l’obligation de respecter les conditions d’un placement conformément
au 2° du II (placement dans un centre éducatif de la protection de la jeunesse ou relevant d’un service habilité),
dans un centre éducatif fermé prévu à l’article 33, le non respect de cette obligation pourra entrainer le placement
du mineur en détention provisoire conformément à l’article 11-2. Dans les autres cas, le mineur est informé qu’en
cas de non-respect des obligations lui ayant été imposées, le contrôle judiciaire pourra être modifié pour prévoir
son placement dans un centre éducatif fermé, placement dont le non-respect pourra entraîner sa mise
en détention provisoire ‘147.
Rappelons que dans sa décision n°2002-461 du 29 aout 2002, le Conseil Constitutionnel n’a pas jugé contraire
à la Constitution, le placement en détention provisoire d’un mineur réitérant ou récidivant, ayant manqué aux
obligations d’un contrôle judiciaire en matière correctionnelle, ‘ compte tenu des conditions des garanties qui
entourent la détention provisoire148 ‘ dont l’exécution s’effectuera au sein d’un quartier pour mineurs ou
bien d’un établissement pénitentiaire spécialisé dès leur ouverture. Ainsi, nous verrons que l’incarcération
provisoire d’un mineur doit se faire séparer des adultes et nécessite la présence d’éducateurs spécialisés.
Cependant, on peut y retrouver des mineurs délinquants coupables de délits plus ou moins légers qui
vont être confrontés à des récidivistes, détenus au ‘ terme d’un parcours de mesures éducatives qui se
sont révélées sans efficacité sur leur
147 Partie rédigée à l’aide du livre de J-P. Rosenczveig, Le dispositif français de protection de l’enfance,
Editions Jeunesse et droit, 2005, p : 882 et suivantes.
148 Voir supra, p : 40 et s. comportement149 ‘.
Ainsi, durant leur détention, ils pourront côtoyer des personnes sous écrou ayant commis des faits beaucoup plus graves.
Jean-Luc Rongé soulève alors un point intéressant : si la réitération de comportements non criminels entre
bien dans le champ de la détention provisoire, est-il alors opportun de mêler deux catégories de détenus
qui n’ont en commun que leur âge ? Pour les premiers, la détention provisoire étant le début de leur sanction
avec pour espoir au terme de cette mesure, une réinsertion sociale, alors que pour les autres, il s’agirait
plus d’une mise à l’écart pour protéger l’ordre public150.
De plus, il ne faut pas confondre le temps passé en détention provisoire avec celui de la peine pour laquelle
a été condamné une personne. Il y a donc ceux dit ‘ sous écrou ‘ à savoir condamnés à une peine de prison
et ceux comme nous venons de le voir placés en détention provisoire.
Qu’en est-il alors de la peine d’emprisonnement ?
<h4> 2). — La condamnation à une peine d’emprisonnement</h4><h4>(La place de l’enfermement
dans les réponses à la délinquance juvénile)</h4><h4>(La place de l’enfermement dans les réponses
à la délinquance juvénile)</h4>
Les mineurs peuvent être condamnés à une peine d’emprisonnement, celle-ci étant toutefois de moitié
moindre de celle qu’un majeur encourt.
Dans une telle situation, il s’agit d’une sanction prononcée à la suite d’un jugement.
La peine d’emprisonnement peut être ferme, avec sursis, simple ou avec mise à l’épreuve.
Le sursis simple pourra être révoqué en cas de nouveaux faits commis dans un délai de cinq ans depuis
le prononcé de la peine. Et si celui-ci est assorti d’une mise à l’épreuve, cela signifie qu’il est accompagné
d’une obligation que le mineur devra respecter sous peine d’une révocation conduisant à une incarcération.
Parmi les obligations pouvant être imposées, l’article 20-10 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative
à l’enfance délinquante prévoit depuis la loi Perben II, que le jeune séjourne dans un CEF.
En cas de révocation du sursis, celle-ci peut être totale ou partielle.
Selon l’article 20-8 de cette même ordonnance, en cas de peine d’emprisonnement inférieure à un an,
le mineur en question pourra exécuter sa peine grâce au placement sous surveillance électronique,
lui évitant une réelle incarcération151.
La possibilité pour un mineur d’être incarcéré de façon provisoire ou suite au prononcé d’une peine
est bien réelle. Ainsi dans quelles conditions s’exécute t-elle et comment cet
149 J-L Rongé, Le choix de la prison comme réponse pénale, RAJS – JDJ n°250, dossier sur l’enfermement
des mineurs, décembre 2005, p : 28 – 29.
150 Idem.
151 J-P. Rosenczveig, Le dispositif français…, op. cit. note 22, p : 941 – 942.
enfermement est-il vécu ? Le but recherché par le système politique actuel, et d’ailleurs depuis fort
longtemps, est de dire que la prison est l’ultime recours dans la prise en charge de la délinquance
et que celle-ci ne doit pas, en principe échouer.
Avant la création des EPM, les mineurs étaient placés (normalement152) dans des quartiers pour
mineurs spécialisés au sein d’établissements pénitentiaires pour adultes.
Ces derniers, malgré l’arrivée de structures spécialisés, continuent d’exister.
Alors qu’en est-il de la détention des mineurs au sein de ces bâtiments ?
II). — Les quartiers pour mineurs :
limites à la réinsertion des jeunes (La place de l’enfermement
dans les réponses à la délinquance juvénile)
L’article 11 de l’Ordonnance du 2 février 1945 dispose que : ‘ La détention provisoire est effectuée soit dans
un quartier spécial de la maison d’arrêt, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs ;
les mineurs détenus sont, autant que possible, soumis à l’isolement de nuit (à savoir l’encellulement individuel).
Les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés en détention que dans les seuls établissements
garantissant un isolement complet d’avec les détenus majeurs (…) ‘.
De plus, selon l’article D. 514 du code de procédure pénale dans une section sur les mineurs détenus,
il est précisé qu’au sein de chacun des établissements pénitentiaires recevant des mineurs,
‘ une équipe pluridisciplinaire ‘ doit encadrer le mineur tout au long de sa détention. Ainsi, deux analyses
vont être présentées s’agissant de ces quartiers pour mineurs. La première est celle du quartier pour
mineurs de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine se situant à Nanterre (92) à partir d’un entretien
avec l’ancienne directrice du quartier pour mineurs, aujourd’hui directrice adjointe à l’EPM de Porcheville :
Madame Céline Fassey153 (A), qui donne une image plutôt positive du quartier pour mineurs.
La seconde, plus sombre, est tirée d’une analyse sociologique de Laurent Mucchielli154 s’intitulant
‘ Enquête dans les quartiers pour mineurs des prisons françaises ‘ effectuée à partir de l’ouvrage
d’Edouard Zambeaux155.
152 Je dis bien normalement, parce que cela n’est pas vrai pour tous, notamment pour les filles mineures
mélangées, du fait de leur nombre réduit, aux détenus adultes femmes.
153 Entretien avec Madame Céline Fassey, ancienne directrice du quartiers pour mineurs
de la Maison d’arrêt des Hauts-de-Seine, Directrice adjointe de l’EPM de Porcheville, en date du 27 avril 2007.
154 http://www.ac-versailles.fr/pedagogi/ses/ecjs/sequences/terminale/claris3_f.htm
155 E. Zambeaux, En prison avec des ados. Enquête au cœur de l’‘école du vice’, Paris, Denoël, 2001.
A). — Fonctionnement d’un quartier pour mineurs : l’exemple ‘ positif ‘ de
la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Suite à un entretien avec Madame Céline Fassey, en date du 27 avril 2007, j’ai eu la chance de pouvoir
comprendre le fonctionnement et l’organisation d’une telle structure. En théorie, celle-ci dispose de vingt places.
Cependant, si les effectifs envoyés sont supérieurs, l’administration ne peut s’y opposer, entrainant parfois
le placement de deux mineurs ensemble dans une cellule normalement individuelle.
Or comme vu précédemment, l’article 11 de l’Ordonnance de 1945 prévoit une cellule par mineur,
pour ceux âgés de moins de vingt et un ans, sauf exception faite pour des motifs liés à la personnalité
du mineur ou encore en raison de son état de santé. En effet, une telle situation devient possible,
en dehors de l’hypothèse d’un surpeuplement, lorsqu’un mineur a des tendances suicidaires,
ce qui fait alors peser une lourde charge au jeune placé avec lui.
Chaque cellule est normalement composée de toilettes et d’une télévision, éteinte de 23h30 jusqu’à
11 heures le lendemain matin. En journée, une équipe de surveillants spécialement formés par
l’Ecole Nationale de l„Administration Pénitentiaire (au minimum deux par jour) ainsi que des éducateurs
issus de la Protection Judicaire de la Jeunesse (PJJ) encadrent les jeunes détenus.
Cependant en soirée, ces derniers sont remplacés par des surveillants non spécialisés exerçant le reste
du temps au sein de la maison d’arrêt chez les adultes. Cela peut alors poser des difficultés en cas
d’incident durant la nuit, ces derniers n’étant pas spécialement formés, comme l’a souligné la directrice.
Les éducateurs de la PJJ sont présents continuellement sur le quartier pour mineurs depuis octobre 2005.
Ils sont le lien avec l’extérieur. De plus, environ neuf à douze heures de cours sont dispensés aux mineurs
par des professeurs rattachés à l’Education Nationale (ces derniers s’occupant aussi des majeurs au sein
de la maison d’arrêt). Cela peut paraître peu, mais il s’agit d’une moyenne supérieure à d’autres établissements.
Il faut aussi souligner que la plupart des jeunes à leur arrivée sont déscolarisés, certains depuis déjà deux
ou trois ans, ce qui peut rendre difficile les cours dispensés.
Cependant, les professeurs observent que le niveau est en constante évolution. Ainsi, ceux qui ne sont
pas dans un état de déscolarisation peuvent garder, de manière limitée, un lien avec la structure scolaire.
La directrice a donné l’exemple d’un jeune qui a eu la possibilité de passer certaines épreuves du
baccalauréat malgré sa détention, ce dernier ayant obtenu un permis de sortie pour passer les épreuves
autres que théoriques. Il faut savoir que ’ tout tourne autour du scolaire ‘ et si l’un d’entre eux ne veut
pas aller en cours alors il sera possible de prendre des mesures à son encontre.
Parexemple, lui couper la télévision. Mais en général, les jeunes sont plutôt motivés pour y aller,
cela occupant leur journée.
Différentes personnes interviennent auprès d’eux à travers divers ateliers mis en place comme un professeur
de sport ou encore un professeur de poterie et pendant les vacances, par exemple, ils ont pu participer
à un ‘ atelier cirque ‘.
Un psychologue est aussi à leur disposition. Le mineur le rencontrera le jour de son arrivée et une deuxième fois,
obligatoirement au cours de son séjour. Par la suite, il ne sera plus obligé de le voir.
Une équipe médicale est aussi sur place avec un médecin, des infirmiers, dentistes ou encore un radiologue.
Plusieurs réunions pluridisciplinaires sont organisées réunissant ces professionnels agissant au sein du quartier
pour mineurs. Des réunions de parents sont aussi mises en place chaque mois, pour que les familles des jeunes
incarcérés puissent rencontrer le personnel pénitentiaire et poser toutes les questions qu’ils souhaitent,
notamment sur la situation de leur enfant. Enfin, chaque mois, un juge des enfants vient aux commissions de suivis.
Une journée typique en semaine pourrait se résumer ainsi : Réveil à 7h du matin.
On contrôle alors la présence de chacun dans sa cellule. À 7h30, les mineurs vont prendre leur douche
(celle-ci se situant en dehors de leur cellule). La matinée est ensuite ponctuée par les cours, des promenades
ou le parloir. Vers 11 heures, les mineurs réintègrent leur cellule pour prendre leur repas qui n’est donc pas
pris de façon collective. À 14 heures, les activités reprennent jusqu’à 17h30. Le week-end est alors réservé
aux visites, ponctué par moins d’activités que le reste de la semaine.
Le quartier pour mineurs est organisé suivant cinq groupes (au-delà la situation a tendance à dégénérer)
où toutes les mesures sont prises pour éviter que deux mineurs ne s’entendant pas soient réunis.
À l’arrivée d’un nouveau détenu au sein de la maison d’arrêt, une période d’observation est déclenchée.
Celui-ci est alors isolé du reste des autres mineurs, pour savoir dans quel groupe on pourra l’intégrer.
En général, le choix se fait en fonction de son niveau scolaire.
De façon exceptionnelle (pour éviter toute bagarre ou possibles altercations), les jeunes sont réunis
(en deux groupes uniquement), durant les périodes de fêtes, à savoir pour noël et le nouvel an.
Que se passe t-il en cas de problème déclenché par un des mineurs ?
Madame Fassey a expliqué qu’il n’y avait pas forcément de mesures disciplinaires prises à son encontre
et que si ce n’était pas trop grave, cela pouvait se régler par une simple privation de télévision ou de
console vidéo.
En cas d’incident plus important ou de réitération d’un acte déjà puni, le mineur peut passer devant
une commission de discipline présidée par la directrice du quartier pour mineurs et de deux assesseurs
qui se trouvent être des surveillants non affectés à ce service. Les mineurs de moins de seize ans ne
peuvent pas être placés en quartier disciplinaire ni confinés en cellule, on revient donc aux interdictions
citées précédemment. Normalement, pour prononcer une telle interdiction, il faudrait que le problème
ait un lien avec l’appareil confisqué, mais cette règle est peu suivie. Cela a pour conséquence que ces
jeunes se retrouvent souvent utilisés par les mineurs âgés de plus de seize ans pour effectuer des actes
répréhensibles.
Il faut savoir que la durée de placement en quartier disciplinaire pour ces derniers ne peut excéder quinze jours.
Les cellules dans ce secteur ne sont composées que du strict minimum : un lit, une commode, des toilettes
et tout est scellé. Les mineurs à la maison d’arrêt de Nanterre appellent d’ailleurs cet endroit ‘ le Donjon ‘,
référence peu sympathique illustrant le confort sommaire qui peut y régner. Il faut ajouter que l’interdiction
des visites ne peut pas être prononcée comme sanction pour les mineurs.
Ainsi, cette description du quartier pour mineurs de la Maison d’arrêt de Nanterre donne une image
assez positive grâce, notamment à une grande motivation et solidarité de l’équipe pluridisciplinaire
y travaillant, comme l’a souligné Madame Fassey. Elle a rajouté qu’ils étaient conscients que
tous les établissements n’étaient pas comme celui-ci, certains pouvant connaître d’importantes difficultés.
B). — Enquête sociologique des quartiers pour mineurs des prisons françaises :
un constat plus sombre (La place de l’enfermement dans les réponses
à la délinquance juvénile)
Avec l’autorisation du Ministère de la Justice, Edouard ZAMBEAUX, journaliste indépendant, a séjourné
dans huit prisons françaises (Reims, Lyon, Strasbourg, Lille, Fleury- Mérogis, Bois-d’Arcy, Villepinte et Aix
en Provence) entre le mois d’octobre 2000 et le mois de juillet 2001. La durée de son séjour dans chaque
établissement était d’environ une semaine. Présent durant la journée, il n’a cependant pas eu l’autorisation
de rester la nuit.
Le premier sentiment qui s’impose à lui et qui est vécu par certains détenus, est celui de l’arbitraire,
la loi du plus fort s’imposant. Ceci peut s’illustrer par le racket des nouveaux arrivés et par le phénomène
de ‘ bande ‘ qui se développe. Selon lui, la vie en prison
‘ ressemble à bien des égards à la vie dans certains quartiers pauvres ‘ : des petits groupes
se forment et des ‘ leaders ‘ s’imposent. On peut être étonné d’une telle situation.
En effet, le nombre peu élevé de mineurs incarcérés et la structure assez petite en elle-même devrait faire
en sorte normalement, qu’il soit difficile d’échapper à la surveillance des gardiens.
Ainsi l’ordre et la ‘ paix ‘ devraient régner. Cependant, certains moments de la vie collective échappent
à la surveillance de ces derniers, mais selon Etienne Zambeaux, c’est parce qu’ils le veuillent bien.
Il écrira : ‘ La règle est que les détenus sont en promenade livrés à eux- mêmes sous l’œil plus ou moins
distrait d’un surveillant qui, le cas échéant, donne l’alerte ou de quelques caméras, lorsqu’elles fonctionnent ‘.
Laurent Mucchielli, reprendra ce constat, en ajoutant que c’est à ce moment-là que les comptes se règlent. ‘
Beaucoup d’adolescent tentent d’y échapper en restant enfermés dans leur cellule, au prix d’un isolement
renforcé qui se paye autrement, psychologiquement ‘. L’arbitraire se retrouve aussi dans les relations
entre surveillants et détenus. Certains, soucieux d’exercer au mieux leur fonction sont présents et à
l’écoute des jeunes, alors que d’autres évitent par tout moyen toute situation conflictuelle et stressante
ayant pour conséquence soit une vigilance moindre soit un abus de pouvoir et d’autorité.
Un autre constat ressort de cette enquête et repose sur les activités des mineurs en prison.
Dans la plupart des quartiers pour mineurs, télévision, Playstation rythment les journées des jeunes
et la drogue est plutôt facile à se procurer.
En allant plus loin, le ‘ haschich ‘ est considéré pour certains membres du personnel pénitentiaire comme
facteur de ‘ paix sociale ‘. Le directeur de la maison d’arrêt de Lille a d’ailleurs été un des rares à tirer
le signal d’alarme sur une telle situation. En effet, au moment où cette enquête a été réalisée, 52% des
détenus incarcérés (majeurs et mineurs confondus) dans son établissement étaient toxicomanes.
Il faut alors préciser que certains mineurs qui n’étaient pas condamnés pour trafic de stupéfiant,
finissaient par ressortir avec l’intention d’en faire. Il a observé aussi que l’école n’était pas forcément
valorisée en prison, exception faite pour Strasbourg où les rares élèves ‘ séchant ‘ les cours étaient
privés de promenade ou de sport. À l’inverse, le quartier pour mineurs de Lyon ne comptait que neuf heures
de cours par semaine en incluant sport et dessin. N’est-ce pas contraire à l’objectif des textes législatifs
qui prônent l’éducation notamment à travers l’instruction comme un moyen de réinsertion pour ces jeunes
en difficulté dont la plupart souffrent d’échec scolaire ? Certains directeurs souhaitent pour ces jeunes
une ‘ reprise de contact avec l’école ‘, mais est-ce que cela est possible en moins de cinq heures de cours
par semaine quand on sait qu’une peine d’emprisonnement pour un mineur est souvent de deux à trois
mois maximum ? Le sport, est mis en avant dans les programmes d’activités des mineurs.
Il est vrai qu’une activité sportive collective permet de
nouer le contact avec les autres jeunes et conduit à une certaine socialisation.
Malheureusement, Laurent Mucchielli remarque que seule la salle de musculation est prévue et fréquentée.
Quant au suivi, il déplore le peu de motivation des éducateurs de la PJJ à venir travailler en prison.
La plupart des professionnels estimant que les jeunes sont ‘ trop durs ‘ pour que l’on puisse changer
quoi que ce soit à leur situation. Un réel manque de motivation de la part de ces derniers est ainsi remarqué.
Un gouffre sépare ces deux approches des quartiers pour mineurs français.
Mais en général, il ressort des différentes études menées, que la visée éducative de l’enfermement peine
à trouver une place au sein de ces établissements, ce qui nous amènerait à penser que la Maison d’arrêt
de Nanterre reste une exception quant à sa prise en charge du mineur.
Le groupement national d’enseignement aux personnes incarcérées constatait en 1999 : ‘
En prison comme ailleurs, les mineurs ont l’obligation de scolarité, mais les enseignants sont souvent
débordés dès qu’il a plus de cinq mineurs dans la classe. Ils ne prennent pas la peine de contraindre
ceux qui ne veulent pas venir sous peine de compter des éléments très perturbateurs dans les classes
qui viendraient gêner les rares mineurs motivés. C’est un fait extrêmement grave.
Nous dressons ce constat, sans, toutefois proposer de réponse, car nous sommes aussi désemparés
que les surveillants et les travailleurs sociaux. Nous sommes confrontés à des situations et à des individus
dont nous ne comprenons pas le fonctionnement156 ‘. Dès lors un constat évident se pose :
‘ L’éducation nationale peine à développer les missions spécifiques qui ont été assignées à l’enseignement
en milieu carcéral. La population mineure incarcérée est nettement moins alphabétisée que la moyenne
générale (38% des mineurs détenus échouent au test de lecture) et demeure nettement moins diplômés
(79% des mineurs sont sans diplôme)157 ‘.
Une autre préoccupation inquiétante qui ne touche plus à l’enseignement, mais à la situation personnelle
du mineur incarcéré est soulevée par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH).
Il s’agit de l’absence réelle d’étanchéité entre le quartier pour mineurs et le reste de l’établissement
pénitentiaire dans bon nombre de prisons. Ainsi, la Commission Nationale de Suivi de la Détention
Provisoire indique que ‘ l’existence de quartiers de mineurs ne doit pas dissimuler que nombre de mineurs
incarcérés sont en réalité confrontés aux adultes158 ‘. Cela peut avoir un effet néfaste sur leur détention.
On peut espérer que sur ce point les EPM contribueront à
156 Rapport à l’assemblée nationale de la commission d’enquête sur la situation des prisons françaises
(n°2521 déposé le 28 juin 2000).
157 Idem, p : 15.
158 CNCDH, Etude et propositions sur les mineurs en milieu carcéral, adoptées le 16 décembre 2004, p : 2
rétablir une certaine sécurité et faire respecter les textes qui précisent bien que les mineurs doivent être
séparés des adultes. Avant l’ouverture de ces établissements, ce n’était notamment pas le cas pour
les jeunes mineures détenues qui se retrouvaient placées dans les quartiers des femmes (majeures).
La CNCDH et la commission de suivi de la détention provisoire ont énoncé sur ce point : ‘
On ne manquera pas de dire que leur nombre est considérablement moins élevé et que leur détention
au milieu des majeures pose moins de difficultés que l’insertion de mineurs parmi les majeurs (hommes).
Mais ces explications n’en sont pas. Ou plutôt, elles ne peuvent être que l’alibi de l’impuissance à trouver
une solution satisfaisante. Il n’est guère acceptable que les jeunes détenues ne trouvent pas dans
les établissements pénitentiaires les possibilités offertes aux jeunes hommes, notamment en termes
d’éducation et de réinsertion sociale159 ‘. En effet, il n’est absolument pas normal que le traitement
des filles et des garçons soit différent. Leur prise en charge ainsi que leur chance de réinsertion
ne sont dès lors, pas équivalentes. Un dernier point dont il faut parler est la présence des éducateurs PJJ
dans ce type de structure. Une relation étroite doit s’établir avec le mineur. Présent à l’accueil en détention,
il permet d’entretenir les contacts avec la famille et tente d’assurer les bonnes conditions de sortie du mineur.
Cependant, l’éducation et cet accompagnement à la réinsertion doivent s’insérer tant bien que mal parmi
le déroulement de la vie des mineurs en détention. Le personnel éducatif devra s’organiser en fonction
de ce qui est prévu par l’administration pénitentiaire et non par la ‘ culture éducative ‘ héritée de la PJJ160.
Le neuvième rapport général d’activité du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a consacré toute une partie aux mineurs privés de liberté.
Ainsi, il ressort de ces constatations que ‘ quelle que soit la raison pour laquelle ils ont pu être privés
de liberté, les mineurs sont intrinsèquement plus vulnérables que les adultes.
En conséquence, une vigilance particulière est requise pour protéger de manière adéquate leur bien-être
physique et mental161 (…). De l’avis du CPT, tous les mineurs privés de liberté, prévenus ou condamnés
pour une infraction pénale, devraient être incarcérés dans des centres de détention spécialement conçus
pour des personnes de cet âge, offrant des régimes de détention adaptés à leurs besoins et possédant
un personnel formé au travail avec les jeunes. En outre, la prise en charge des mineurs
159J-L Rongé, Le choix de la prison…, art. préc. note 149, p : 34 (encadré).
160 Idem.
161 http://www.cpt.coe.int/fr/annuel/rap-09.htm, partie sur les ‘ mineurs privés de liberté ‘, paragraphe 20.
détenus exige des efforts particuliers en vue de réduire les risques d’inadaptation sociale à long terme.
Cela demande une approche pluridisciplinaire, faisant appel aux compétences d’une gamme de professionnels
(notamment des enseignants, des formateurs et des psychologues), pour répondre aux besoins individuels
des mineurs au sein d’un environnement éducatif et socialo-thérapeutique sûr. Un centre de détention bien conçu
offrira des conditions de détention favorables et personnalisées aux jeunes privés de liberté162 (…).
Des mineurs privés de liberté devraient se voir proposer un programme complet d’étude, de sport,
de formation professionnelle, de loisirs et d’autres activités motivantes163 ‘.
Ainsi, même si des efforts ont pu être remarqués au sein de certains quartiers pour mineurs,
ces derniers ont été considérés en 2001 par le défenseur des enfants comme de ‘ véritables poudrières ‘,
théâtres de violences importantes. On est encore bien loin, pour la majorité d’entre eux, d’un tel niveau
d’exigence, qui devrait être normal pour la détention d’un mineur.
C’est dans un tel esprit que les EPM ont été créés. En effet, les conditions qui viennent d’être énumérées s
ont celles qui doivent normalement rythmées la vie au sein de ces nouveaux établissements.
Section 2 : L’enfermement des mineurs : une solution, parfois
critiquable (La place de l’enfermement dans les réponses à la
délinquance juvénile)
La solution de l’enfermement a toujours, depuis que la prison existe, été critiquée.
On a toujours voulu donner à cette institution les fonctions de punition et en même temps de réinsertion sociale.
Mais est-ce réellement possible ? Peut-on aller au-delà de l’idée de cette ambigüité mêlant exclusion et insertion ?
C’est ce que nous allons essayer de démontrer en expliquant comment l’idée d’une prison spéciale pour mineurs
est née et a été mise en place (I). Pour ensuite en voir les limites (II).
La prison est une solution, mais peut-on vraiment dire que ce soit la solution…
On en est encore loin. Face à des jeunes plus violents, déstructurés, peu accessibles aux mesures éducatives issues
de l’ordonnance de 1945 mettant en échec des juges pour enfants qui continuent parfois à appliquer des mesures
éducatives, qui s’avèrent souvent en inefficaces164, la prison peut-elle être la solution ?
C’est ce qu’a notamment essayé de mettre en exergue l’étude du Sénat en 2002 :
un dysfonctionnement au sein de la réponse
162 Idem, paragraphe 28 et 29.
163 Ibidem, paragraphe 31.
164 N. Grille, Eduquer, punir, enfermer ou contenir les mineurs délinquants…
<h4>Un débat qui dépasse les frontières de l’hexagone, RAJS – JDJ, dossier sur l’enfermement des mineurs,</h4>
n°250, décembre 2005, p : 23.
pénale face à la délinquance juvénile, surtout face aux attentes des citoyens. Justice lente, laxiste
et peu lisible, voici ses conclusions165. Les EPM peuvent-ils faire la différence ?
-
<h4>Les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs : ‘ le pari d’une prison éducative166 ‘ ?
</h4>
Les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs déjà ouverts ou en voie d’ouverture peuvent
être analysés à la lumière du système belge.
En effet, les centres belges ont été des précurseurs dans la mise en place d’un système mêlant un enfermement
type carcéral à l’éducatif (A).
Après avoir étudié leur fonctionnement, on s’attardera sur les EMP français afin de mettre en avant les perspectives
qu’un tel établissement peut offrir aux jeunes (B).
A). — A l’origine des prisons pour mineurs : l’exemple de la Belgique
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Contrairement au système français, il existe dans d’autres pays européens, des systèmes où l’incarcération du
mineur est tout bonnement proscrite. C’est le cas notamment de la Belgique. S’agissant des sanctions pénales,
elles sont en principe inexistantes en dessous de dix-huit ans, âge de la majorité pénale167.
Le tribunal pour enfants peut néanmoins se dessaisir à titre exceptionnel, dans les cas où le jeune est âgé
de plus de seize ans, lorsqu’il estime ‘ inadéquate une mesure de garde, de préservation, ou d’éducation ‘
ou qu’il juge que le mineur est dangereux. Ainsi, cela fera tomber le jeune dans le droit commun des adultes,
rendant la juridiction pénale ordinaire compétente et un placement en détention possible dans un établissement
pénitentiaire où il sera soumis à un régime spécial. En 2003, les mineurs représentaient 4% du flux total
de la population pénitentiaire en Belgique168.
La Belgique a fait le choix de prendre en charge les mineurs en difficulté dans un milieu fermé, autre que la prison.
Dès lors, ceux ayant commis une infraction sont d’abord considérés comme des mineurs à protéger et à éduquer169.
La mesure d’’ enfermement ‘ qui
165 Idem.
166 Titre repris de l’article de N. Grille, La perspective des établissements spécialisés pour mineurs, le pari d’une
prison éducative ?, AJ Pénal, 2005, p : 62.
167 Nadège Grille, Eduquer, punir, enferme…, art. préc. note 164, p : 21. 168 European sourcebook of crime
and criminal justice Statistics – 2006 http://europeansourcebook.org/esb3_Full.pdf p: 137.
169 Isabelle Delens-Ravier, L’impact de l’enfermement du point de vue des jeunes : approche psychosociale,
in L’enfant face à l’enfermement, VIIIèmes Assises des avocats d’enfants, Liège 7 et 8 décembre 2007,
éditions Jeunesse et droit, p : 25.
pourrait donc être prise à son encontre doit être particulièrement motivée et être la dernière à envisager.
Celle-ci se caractérise par un placement du mineur en institution spécialisée en régime fermé qui trouve
son origine avec le projet pédagogique de l’institution publique de protection de la jeunesse de
Braine-le-Château de 1981. Jacques Tremintin170, suite à sa rencontre avec l’ancien directeur et fondateur
de cet établissement, Fernand Uytterhaeghe, retrace la construction de celui-ci. En 1952, la Belgique fait
face à un scandale après la découverte de dysfonctionnements et de mauvais traitements infligés
régulièrement au sein d’établissements pénitentiaires (notamment l’institution Saint-Hubert située
au cœur des Ardennes). Cette affaire a eu pour conséquence la condamnation des auteurs des sévices
dénoncés, mais aussi la fermeture de l’établissement, marquant l’abandon de la détention des mineurs.
La seule peine d’incarcération alors possible était celle de l’article 53 de la loi du 8 avril 1965 sur la protection
de la jeunesse, aujourd’hui abrogé (suite à l’arrêt Bouamar rendu par la Cour européenne des droits
de l’Homme171), qui permettait à un magistrat de la jeunesse, ne trouvant pas d’hébergement
adéquat pour un mineur qui requiert une mesure de placement, de le placer en prison, pour une d
urée de quinze jours maximum.
Ce n’est que quelques années plus tard, que l’enfermement des mineurs fût remis au goût du jour
avec un fait divers datant 1981 qui mobilisa l’opinion publique. Un adolescent de quatorze ans,
s’opposant à un excès de violence de son père, le tua à coup de fusil. Placé dans un foyer dont il fugua
à plusieurs reprises, il fût finalement remis à sa mère.
L’adolescent commis alors un second meurtre, en tuant le chef d’une bande rivale. Il fut alors de
nouveau placé dans un foyer, dans lequel les éducateurs refusèrent sa prise en charge, le jeune ne
relevant pas apparemment de leurs compétences tout en déposant un préavis de grève.
Le Ministre de la justice prit alors le 3 juillet 1981, la décision de créer une institution éducative fermée.
Ferdinand Uytterhaeghe fût chargé de mener à bien une telle mission dans un court délai.
Cet établissement issue du Projet pédagogique de Braine-le-Chateau, appelé dans un premier
temps ‘ centre de rééducation ‘, était une structure de contention destinée à accueillir deux
groupes de dix mineurs âgés de quatorze à dix-huit ans. Les jeunes placés étaient coupables
de crimes, avaient commis des actes graves et multipliaient les passages à l’acte, fugueurs et
pour lesquels aucune autre solution n’avait fonctionné.
Cette institution est alors fondée sur trois grands principes pédagogiques :
170 Jacques Tremintin, Quand l’incarcération ne peut être évitée : Educatif et enfermement
sont-ils inconciliables ?, in Lien Social, n°730, 18 novembre 2004, p : 8 – 12.
171 Voir supra, voir note 69.
— La nécessité de tisser une relation privilégiée avec le jeune : ‘ rencontrer quelqu’un qui croit en vous :
dans la vie, il n’y a vraiment que cela d’important ‘ affirma Monsieur Uytterhaeghe.
En effet, le placement vécu certainement comme une contrainte, n’empêche pas l’adolescent d’établir
un lien de confiance avec l’éducateur référent qui doit être capable ‘ d’authenticité, de grande disponibilité,
d’empathie et d’affection non tributaire du comportement du jeune172’.
— L’intérêt de ne pas fixer au séjour une échéance prédéterminée. Toujours selon Ferdinand Uytterhaeghe :
‘ Il est impossible de définir à l’avance le délai qu’il faudra pour le faire avancer suffisamment et pour lui permettre
de se réintégrer professionnellement et socialement173 ‘.
— Enfin, la nécessité d’assumer une prise de risque sans laquelle il n’y a pas d’éducation Après dix semaines
passées au sein du centre fermé, si le jeune a fait preuve d’un comportement satisfaisant, il peut sortir en compagnie
de son éducateur référent. Ce que l’on recherche,
c’est que l’adolescent délinquant sorte de l’établissement en ayant acquis les capacités à modifier la conduite
gravement asociale qui l’y a fait entrer174.
Peu à peu cette structure s’est agrandit. Dotée d’une salle de jeux, un réfectoire, une salle de classe, un atelier
et un terrain de sport (salles intérieures et piscine), le tout encerclé par des murs hauts de plus de six mètres
prolongés par une double clôture, les jeunes se voient au cours de leurs journées, proposer une remise à niveau
du niveau scolaire, un atelier polyvalent leur proposant de découvrir trois métiers différents et des activités sportives.
Des éducateurs, mais également des enseignants, des moniteurs d’atelier sont chargés d’évaluer les adolescents,
une appréciation générale étant établie à chaque fin de semaine.
Plusieurs établissements de ce type ont été construits, appelés ‘ Institutions publiques de protection de la jeunesse ‘
(IPPJ), normalement réservés aux mineurs ‘ délinquants ‘ de plus de quatorze ans. Il faut savoir que le régime
applicable en Communauté flamande est sensiblement différent dans la mesure où le placement en institution
spécialisée peut concerner non seulement des mineurs ayant commis des infractions, mais également des mineurs
en situation d’éducation problématique175. Ces institutions visent ‘ la prise de
172 Jacques Tremintin, Quand l’incarcération ne peut être évité …, art. préc. note 170, p : 8-12.
173 Idem.
174 Ibidem.
175 I. Delens-Ravier, L’impact de l’enfermement…, op. cit. note 169, p : 25.
conscience du jeune, la ‘ reprise du développement psychosocial ainsi que la réinsertion et un meilleur
ajustement social ‘176 ‘.
Un autre type d’enfermement est également envisageable, mais qui se distingue plus des EPM.
Suite à l’abrogation de l’article 53 de la loi de 1965, un nouveau centre appelé le ’ centre d’Everberg ‘
a été crée. Il s’agit d’un centre fermé destiné à accueillir provisoirement des garçons délinquants de plus
de quatorze ans dans le cadre d’une mesure urgente de protection sociétale177.
L’objectif de ce centre est d’accompagner et d’orienter le jeune afin qu’il puisse
‘ donner un sens à son placement, à se responsabiliser par rapport à ses actes délictueux, à éprouver
de l’empathie à l’égard des victimes (…) à se projeter positivement dans l’avenir ‘ tout en évaluant
ses capacités scolaires, afin de le réorienter au mieux vers la structure la plus adaptée à sa personnalité et ses besoins.
En Belgique, on ne peut donc pas envoyer les jeunes de moins de seize ans en prison.
Cependant, l’enfermement à travers ces centres est une façon détournée de ‘ remédier ‘ à cette situation.
En effet, même s’il s’agit avant tout d’une mesure éducative, on reste proche d’un enfermement carcéral,
presque pire en ce que la durée de séjour y est indéterminée et les sorties interdites pendant un laps de temps
assez long. Même la structure dans son architecture peut faire penser à une prison avec ses hauts murs et ses clôtures.
On est donc assez proche des EPM. Ainsi, selon Nadège Grille, il existait une troisième voie à inventer entre ‘ la prison
– école du vice ‘ et la déresponsabilisation totale d’un mineur exonéré de toute contrainte.
C’est ce que promettent les établissements pénitentiaires spécialisés : il ne s’agit ni d’un établissement éducatif
fermé, ni d’un quartier pour mineurs. Ces derniers poursuivent plutôt un ‘ objectif de tolérance zéro et de lutte
contre la récidive tout en accordant aux mineurs une attention, une place à part, en donnant à la sanction ultime,
la prison, une dimension éducative forte ‘178 . Voyons après l’ouverture des premiers établissements ce qu’il en est.
176 Idem, p : 27.
177 Ibidem.
178 N. Grille, Eduquer, punir, enfermer…, art. préc. note 164, p : 23.
B). — Les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs :
nouvelle perspective d e l’incarcération des jeunes
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
La loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 dite Loi Perben I, avait
prévu la construction de 420 places réparties dans sept établissements pénitentiaires pour mineurs
situés à proximité des agglomérations où se concentre l’essentiel de la délinquance juvénile :
Paris (à Meaux Chauconin et Porcheville), Lille, Lyon, Marseille, Nantes et Toulouse.
Ces établissements devaient être livrés au cours de l’année 2007, cependant, seuls cinq ont ouverts
aujourd’hui, leur porte.
Leur ouverture s’accompagne de la fermeture de vingt-sept quartiers pour mineurs et d’une modification
progressive de la carte pénitentiaire des établissements ‘ habilités à recevoir des mineurs ‘179.
Un établissement est composé de 60 places, dont les occupants sont répartis en ‘ unités de vie ‘ d’une
dizaine de mineurs environ.
Le nombre de surveillants est moins important qu’au sein des quartiers pour mineurs au profit d’un
entourage à caractère plus ‘ éducatif ‘180.
‘ Ainsi, une journée de détention avec une large amplitude horaire (7h30 – 21h30) doit favoriser un emploi
du temps dense, cadré, avec des groupes de six jeunes. L’objectif est d’arriver à ce que chaque détenu bénéficie
d’une prise en charge hebdomadaire à hauteur de vingt heures d’activités sportives et l’équivalent en activités
socio-culturelles, les samedis/dimanches n’étant pas conçus comme des temps morts.
Une telle organisation éloignera largement les EPM du fonctionnement de beaucoup d’établissements où les
temps d’oisiveté en cellule restent, malgré les efforts, fréquents, en particulier les temps de week-end.
Les moyens et l’esprit qui guident le projet EPM permettent sans doute d’imaginer une prison idéale pour
les mineurs, même si l’accolement des deux termes paraît contre nature181 ‘.
On passerait alors de dix heures de cours en moyenne (en quartiers pour mineurs) à plus de vingt heures,
dont quarante heures en activités de tout genre. Les repas sont pris collectivement au sein des unités de vie,
en présence du personnel pénitentiaire et de la PJJ.
Un jeune de dix-huit ans peut avoir la possibilité, de rester exceptionnellement au sein d’un EPM après
sa majorité, si cela est fait dans l’intérêt de sa prise en charge, après avis de l’équipe pluridisciplinaire
et l’accord du magistrat compétent. Un emploi du temps personnalisé à chaque mineur est établi en
tenant compte de ses besoins et comprenant les heures de cours et d’activités précitées.
179 www.justice.gouv.fr, dossier de presse : Visite de Madame Rachida Dati, (…) Etablissement pénitentiaire
pour mineurs de Lavaur, p : 2.
180 J-L Rongé, Le choix de la prison…, art. préc. note 149, p : 35
181 N. Grille, La perspective des établissements spécialisés pour mineurs, le pari d’une prison éducative ?,
AJ pénal, n°2, février 2005, p : 64.
L’encellulement est individuel (sauf avis médical contraire). L’équipe pluridisciplinaire est composée du
chef d’établissement, d’un personnel de surveillance, d’un représentant de la Protection judiciaire de
la jeunesse et d’un représentant de l’Éducation Nationale.
‘ La pluridisciplinarité trouve également son expression la plus forte dans le binôme composé d’un surveillant
et d’un éducateur, véritables référents, assurant le lien avec l’équipe pédagogique et les parents, et qui sont
affectés dans chaque unité de vie182 ‘.
Chaque structure est composée de soixante-seize personnels pénitentiaires dont soixante-dix personnels
de surveillance, quarante-trois personnels de la PJJ dont trente-six éducateurs, quatre à six enseignants
encadrés par un directeur pédagogique, une équipe médicale, avec selon les ateliers mis en place,
l’intervention de divers animateurs ou intervenants, ponctuels ou réguliers. Le maintien des liens familiaux
est important et reste un enjeu fort de ce projet éducatif.
Les premiers EPM à avoir ouvert leurs portes sont ceux de Lavaur près de Toulouse le 11 juin 2007 et
de Meyzieu dans le Rhône le 13 juin 2007.
Ainsi, grâce à ces structures, on retrouve bien une séparation stricte entre les adultes et le mineurs incarcérés.
<h4> L’exemple de l’EPM de Lavaur : (La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)</h4>
Cet établissement dispose de sept unités d’hébergement avec accès individuel, à savoir cinq unités de garçons,
une réservée aux filles et une, aux nouveaux arrivants. Un terrain et une salle de sport sont à leur disposition,
ainsi qu’un pôle socio-éducatif, un pôle de santé, un pôle parloir et une cour d’honneur.
L’espace central a été crée à l’image d’une place d’un village et les unités d’hébergement disposent d’un lieu
de vie (salle à manger, salle de détente) s’organisant autour d’un patio censé rappelé ‘ la maison familiale ‘.
‘ Les cellules individuelles de 10,5 m² sont dotées d’un lit, un cabinet de toilette, une douche et un WC.
Des cellules sont spécialement aménagées pour accueillir les personnes handicapées ou des jeunes mères
accompagnées de leur enfant183 ‘.
Seuls le mur d’enceinte (sans mirador) ainsi que les équipements de contrôle tels que les caméras ou postes
de surveillance rappellent la prison. Les règles de vie sont articulées autour de l’idée de tolérance zéro :
les horaires mis en place doivent être respectés, tout comme l’hygiène et les locaux, les activités sont obligatoires
(sauf le week-end), les jeunes doivent se déplacer en rang et en silence et le respect aux adultes est dû
(par exemple, les jeunes doivent se lever lorsque’un adulte entre dans une salle de formation ou d’activité).
Les matinées sont réservées
182 www.justice.gouv.fr, dossier de presse précité note 43, p : 4.
183 Idem, p : 5.
aux cours et enseignements techniques (ateliers métiers du bâtiment et restauration) et l’après midi aux
activités sportives et socioculturelles. Ces temps là étant mixtes184.
Cependant, l’impact de ces établissements sur les mineurs qui y sont ou qui vont y être placés est encore
difficile à définir du fait de leur ouverture encore trop récente.
On peut toutefois estimer que théoriquement, le placement en EPM, malgré la privation de liberté qu’il engendre,
peut avoir des répercussions positives dans la prise en charge du mineur délinquant : les conditions de détention
y sont optimales, le projet éducatif est réellement primordial et le fait qu’un bâtiment ou unité au sein de
la structure soit réservé aux filles exclusivement, rend plus convenable la détention des jeunes mineures.
Mais malgré cet aspect plutôt positif des EPM, qui laisse penser prison et éducation sont finalement des
termes pouvant aller de paire, de nombreux doutes et critiques sont déjà avancés quant à leur impact
sur les jeunes détenus.
II). — L es limites à l’enfermement des mineurs
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
De nombreuses critiques sont avancées concernant l’enfermement dans une structure fermée telles que les EPM.
Celles-ci émanent principalement de la doctrine (A), mais aussi de la parole des mineurs qui ont pu en faire
d’un enfermement similaire à celui proposé par ces établissements
(B), nous nous appuierons pour cela sur les témoignages de jeunes enfermés dans les centres belges.
A). — Détention en EPM : les effets pervers
La création de ces nouvelles structures va entraîner la fermeture des quartiers pour mineurs les plus insalubres.
Cependant, une majorité d’entre eux va subsister. Ainsi, un premier problème se pose :
Où le mineur va-t-il être envoyé ? Va-t-on prendre en considération des données géographiques ?
Va-t-on faire la distinction lorsque’il s’agit d’une détention provisoire où l’on privilégiera ainsi le quartier
pour mineur et une condamnation sous écrous qui renverra à un EPM ? Rien n’est moins sur.
En effet, les règles ne sont pas encore réellement posées, comme l’a souligné Mme de MAXIMI185,
juge des enfants auprès du Tribunal pour enfants de Nanterre, qui pensait rester rattacher à la maison d’arrêt de
184 Ibidem, l’exemple de l’EPM de Lavaur est repris par ce dossier.
185 Entretien avec Mme De Maximi, juge des enfants au Tribunal pour enfants de Nanterre, du 2 mai 2007.
Nanterre et qui au vue de la conjoncture actuelle n’en est plus sure. Pierre Bédier, ancien secrétaire d’Etat
aux programmes immobiliers de la justice en 2002 suite à l’annonce de la création de ces établissements,
souhaitait que les ‘ mineurs d’une très grande dangerosité ‘ soient maintenus dans les quartiers
des établissements classiques186. Or ‘ cela pose la question de l’argument inverse : n’est-ce pas les mineurs
les plus déstructurés, les plus
‘ perdus ‘ qui ont le plus besoin d’un encadrement rapproché et une attention soutenue, et qui auraient plutôt
leur place dans ces nouveaux établissements ?187 ‘. Tout comme pour les CEF, à nouveau on pourrait se poser
<h4>la question de l’opportunité de mélanger les délinquants ayant commis un fait particulièrement grave</h4>
et des multirécidivistes poursuivis pour une succession de délits de moindre gravité188.
Cela pourrait rendre la prison ‘ criminogène ‘, comme ce fût le cas au sein de certains quartiers pour mineurs,
où des enfants n’étant pas entrés pour trafic de drogue, ressortaient en en faisant.
De plus, on pourrait craindre l’instauration de conditions de détention à plusieurs vitesses.
‘ Les magistrats pourraient être enclins à diriger les ‘ méchants ‘ vers les endroits les plus désagréables tandis que
les jeunes qui leur paraîtraient pouvoir être ‘ rééduqués ‘ bénéficieraient d’un régime de faveur… à moins qu’à l’avenir
les juges soient dépossédés du choix de contention et que leur rôle se limite à décider s’il faut enfermer ou non189 ‘.
Nadège Grille ira même jusqu’à supposer qu’un système progressif des sanctions va se mettre en place.
Cela pourrait s’illustrer par exemple, par la menace pour un jeune placé en CEF d’être envoyé en EPM, puis
d’un EPM à un quartier pour mineurs pour son mauvais comportement. ‘ Ce principe de la progressivité des
sanctions et de leur immédiateté peut avoir le travers d’une logique comportementaliste, écartant un peu le
traditionnel lien direct entre l’acte (l’individu, son histoire) et la sanction. Autrement dit, dans une optique de
‘ tolérance zéro ‘, c’est plus le comportement du délinquant qui va impacter directement la punition
que la gravité de l’acte lui-même190 ‘.
<h4>Un autre problème à soulever est l’éloignement géographique.</h4>
On a compris à la présentation des EPM que le lien familial devait être respecté et représentait un enjeu
fort du projet éducatif, nécessaire à la bonne réinsertion du mineur à sa sortie.
Or le fait qu’il n’y ait que sept établissements suppose que la plupart des mineurs incarcérés le seront loin de chez
186 J-L Rongé, Le choix de la prison…, art. préc. note 149, p : 36.
187 N. Grille, La perspective des établissements…, art. préc. note 181, p : 66.
188 J-L Rongé, Le choix de la prison… , art. préc. note 149, p : 36.
189 Idem.
190 N. Grille, La perspective des établissements…, art. préc. note 181, p : 64.
eux. L’éloignement familial est donc à redouter. N’est-ce donc pas contraire à la politique voulu au sein
de ces établissements ?
<h4>De plus, par rapport au programme proposé :</h4>
À l’heure actuelle, un étudiant n’a pas une semaine autant chargée. Idem pour les élèves du secondaire
ou des plus petites classes. L’évocation de cet aspect avait fait sourire l’ancienne directrice de la Maison
d’arrêt des Hauts-de-Seine, à présent directrice adjointe de l’EPM de Porcheville, lors de l’entretien réalisé
l’an dernier. En effet, selon elle, l’objectif est honorable et ambitieux et elle espère sincèrement pouvoir
y parvenir, mais reste réaliste et attend de voir ce que cela pourra donner dans la pratique.
De plus, l’administration pénitentiaire se retrouve confronté à un problème, et non des moindre :
celui du recrutement des éducateurs, qui ne souhaitent pas particulièrement travaillés en prison
et qui ne postulent donc pas à ce genre de poste. Ainsi, pour palier à cette difficulté, ce sont les
éducateurs sortis fraîchement de l’école et donc sans grande expérience professionnelle qui seront
envoyés au sein des EPM, mais qui cependant sont motivés.
S’agissant des filles, leur nombre peu élevé en prison pose le problème de l’isolement qu’elle pourrait
ressentir.
Paradoxalement, les activités en commun qu’elles ont avec les autres mineurs garçons font partis
des appréhensions du personnel pénitentiaire.
Les EPM ont aussi un coût : pour leur seule construction 90 millions d’euros. Il faut savoir que dans
le même temps, une dizaine de foyers éducatifs ont fermé à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)
et d’autres fermetures sont en prévision. La construction d’un seul établissement pénitentiaire équivaudrait
selon une étude effectuée par le syndicat national du personnel de l’éducation et du social – PJJ191, à :
— six foyers éducatifs de dix places
— huit services d’insertion professionnelle, soit deux cents cinquante mineurs pris en charge
— dix services de milieu ouvert, soit 1500 jeunes suivis
191 Rapport du syndicat national du personnel de l’éducation et du social- PJJ effectué le 11 mars 2007
pour la semaine d’action contre la mise en place des établissements pénitentiaires pour mineurs.
Certes, les EPM vont permettre de meilleures conditions de détention comprenant un réel système éducatif.
Mais pourquoi alors en parallèle, réduire l’effectif et les moyens des structures de prévention et d’éducation ?
Les premiers EPM malgré une ouverture récente, ont déjà connus de sérieux problèmes :
suicide d’un jeune détenu de seize ans à l’EPM de Meyzieu, deux évasions à celui de Lavaur, dégradation
des locaux au sein de celui de Porcheville (soit deux semaines après que celui-ci ait ouvert).
Malgré une structure moderne et un encadrement idéal, l’enfermement est encore mal vécu par les jeunes.
Les témoignages de ces derniers peuvent permettre de comprendre leurs ressentis et de mettre en avant
les divers problèmes que l’enfermement peut susciter chez eux.
B). — L ’enfermement vécu par les jeunes
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Ce point va être développé grâce aux témoignages de jeunes ayant fait l’objet d’une mesure de placement
en milieu fermé en Belgique. En effet, les centres belges très proches des EPM peuvent nous permettre
de comprendre les difficultés que pourraient éprouver les jeunes dans de telles structures (l’ouverture
des EPM étant trop récente pour qu’une étude ait été faite auprès des jeunes détenus français),
et d’un point de vue général, de jeunes ayant aussi séjourné en prison.
Que ce soit en Belgique ou en France, l’enfermement peu importe la structure accueillante, peut être ressenti
de la même façon. Mesure considérée comme particulièrement sévère et comme véritable sanction,
celle-ci est avant tout vécue comme un moyen de protection de la société et parfois comme une injustice
lorsque par exemple le mineur ne reconnaît pas les faits.
Le temps et l’espace sont gérés par l’établissement.
Ainsi, l’emploi du temps est strictement défini et le jeune ne peut pas y déroger192.
On retrouve ce type d’ingérence dans la vie du jeune au sein des EPM.
Dès lors, selon la durée du placement qui peut être plus ou moins long, l’individu enfermé peut se sentir i
ncapable d’initiative. La prévisibilité des activités donne un aspect du quotidien assez répétitif, pouvant
entrainer un sentiment d’ennui et de lassitude. Les activités peuvent aussi paraître plus ‘ occupationnelles
que formatrices ‘.
L’ennui qu’un enfermement peut entrainer peut être néfaste quant à la préparation du projet éducatif,
projet préparant à la réinsertion. Comment considérer l’enfermement comme un
192 I. Delens-Ravier, L’impact de l’enfermement…, op. cit. note 169, p : 31.
‘ véritable ticket de sortie, nécessitant une projection dans le temps lorsque le quotidien apparaît ‘ tellement ‘
vide et le passé ‘ peu glorieux ‘ ?193 ‘. Si certains jeunes estiment que la prison ou les centres fermés sont
une ‘ dernière chance ‘ de s’en sortir, d’autres mettent en avant leur ‘ vécu de rage ‘ ou ’ le constat
du paradoxe de l’enfermement visant l’insertion sociale ‘. À la sortie, ils se sentent différents,
‘ ne se reconnaissent plus, ne se sentent plus en phase avec leur entourage, leurs amis les trouvent changés.
Ils ont du mal à reprendre leur place, à trouver une place194 ‘. Un effet de stigmatisation peut être à redouter.
Comme tout individu ayant fait un séjour en prison, ces jeunes se retrouveront avec l’étiquette d’anciens
détenus, étape qui peut s’avérer difficile à surmonter lorsque l’on doit construire sa vie professionnelle,
mais aussi familiale. Une certaine angoisse peut dès lors être ressentie.
De plus avec les EPM, malgré une volonté de garder un lien important avec la famille, l’éloignement
géographique peut être à craindre. Imaginons ainsi un jeune qui serait avant son incarcération en conflit a
vec sa famille et qui aurait déjà pu faire l’objet d’un rejet.
Le placement et l’éloignement physique ne ferait-il pas qu’entretenir ce rejet ?
De même, les visites dans des endroits éloignés peuvent impliquer des frais importants ainsi
qu’une organisation difficile à gérer que certaines familles ne peuvent pas supporter.
Ainsi, Isabelle Delens-Ravier conclura que le placement en milieu fermé répond à l’impératif de protection
de la société sans être forcément performant dans ses objectifs éducatifs.
D’après le discours des jeunes dont elle a pu obtenir le témoignage, nous constatons que
‘ bon nombre de jeunes attendent de faire leur temps et, qu’à la sortie, rien n’a vraiment changé pour eux.
Le temps de l’enfermement s’est vécu comme un temps entre parenthèse, pendant lequel ils ont été contraints d
e se comporter correctement, ils ont réussi à s’adapter un tant soit peu à l’institution, mais leurs acquis pour
une réinsertion leur paraissent faibles.
Leurs discours insistent sur le fait que la problématique sous-tendant le processus délinquant n’a pas été
travaillée à partir de leur définition et de leur lecture de la situation, seule la norme a été réaffirmée.
De plus, marqués par les stigmates de l’institution, il leur sera d’autant plus difficile de retrouver une place
dans la cité : la police est particulièrement contrôlant pour les jeunes sortant d’une institution spécialisée
dans l’accueil de mineurs réputés violents, difficiles, les écoles refusent souvent de les inscrire ou de les réinscrire,
les
193 Idem, p : 44.
194 Ibidem, p : 47.
structures d’emploi sont suspicieuses et peu enclines à les engager, les voisins sont méfiants, les familles
ne veulent prendre le risque de les reprendre… 195 ‘.
195 I. Delens-Ravier, ‘ L’enfermement des mineurs du point de vue de mineurs enfermés en communauté
française de Belgique ‘, Revue suisse de criminologie, 1/2003, p : 15.
‘ Pour des jeunes disposant de peu de repères moraux et civiques, qui cumulent souvent depuis leur plus jeune
âge des carences affectives, éducatives et scolaires, la prison constitue souvent un facteur supplémentaire de
déstructuration.
L’incarcération des mineurs dans certains quartiers pénitentiaires violents et criminogènes, dans lesquels
s’instituent des espaces sans contrôle, est de nature à mettre en danger leur santé, leur sécurité et leur moralité –
au sens de l’article 375 du code civil. Ces conditions d’incarcération ne sont conformes ni au droit national
(civil, pénal, administratif), ni aux textes internationaux ratifiés par la France, qui instituent un droit à la protection
et l’éducation des enfants.
Le mépris du droit par ceux-là eux même qui ont pour charge de le faire admettre, comprendre et observer
rend improbable une action éducative nécessairement fondée sur l’apprentissage du respect des lois et
de la dignité des personnes196 ‘. Cette vision a changé depuis 2000, les établissements pour mineurs ayant
amélioré les conditions de détention des jeunes.
Cependant, l’enfermement n’est pas la solution à la délinquance juvénile, mais une solution.
Selon Madame de Maximi197, juge des enfants, il est très regrettable que les justiciables considèrent
la prison comme ultime peine, alors qu’il existe pour les mineurs, des mesures éducatives bien plus efficaces.
Certes, la prison reste un endroit désocialisant qui n’aide pas forcément à la reconstruction et à la réinsertion.
Selon Laurent Mucchielli, l’enfermement ne peut pas être considéré comme une réponse éducative en soi.
Cela serait contraire aux principes psychologiques fondamentaux de la prise en charge éducative et
thérapeutique des adolescents. ‘ Moraliser et contraindre sont des postures qui peuvent être légitimes,
mais qui ne permettent ni d’apprendre ni de soigner dans de bonnes conditions. L’incompréhension de
ce principe est à la base de l’échec éducatif de tous les centres véritablement fermés qui ont existé par le passé198 ‘.
Ceci s’est vérifié dans les quartiers pour mineurs des prisons et pourrait l’être, a fortiori, dans les nouveaux
établissements spécialisés. De plus, l’éducation peut-elle se réduire à l’apprentissage scolaire ou professionnel ?
Mais paradoxalement, on a pu observer qu’au fil des réformes, malgré le durcissement du droit pénal applicable
aux mineurs, la législation française s’efforce de se mettre en conformité avec les textes internationaux,
et bien que l’ordonnance de 1945 soit de nos jours critiquée,
196 www.senat.fr, rapport n°449 de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaire en France, juin 2000, p : 50 (format acrobat).
197 Voir supra, note 185, p : 83.
198 L. Mucchielli, Les centres éducatifs fermés…, art. préc. note 137, p : 44-45.
elle arrive encore à faire primer l’intérêt de l’enfant et la portée éducative dans sa prise en charge.
L’enfermement n’est peut être pas la meilleure solution, mais elle reste cependant le seul recours que
la justice détienne face à certains délinquants récidivistes qui, malgré les mesures éducatives dont
ils ont fait l’objet, n’ont pas réussi à se faire une place dans la société. La prison ne l’aidera peut
être pas, mais la sanction parfois doit trouver une place. Punir ne doit pas être exclu juste parce que
c’est un mineur. Mais punir doit aussi avoir un effet : le jeune doit comprendre que ce qu’il a fait est
mal et qu’il ne faut plus recommencer. On peut critiquer les EPM. Mais si l’enfermement,
à un certain moment est inévitable pour certains, alors leur placement dans ce type d’établissements
ne peut être que bénéfique au vue des conditions de détention qu’ils pouvaient avoir jusque là.
Le problème est peut être à prendre autrement. On s’attaque aux prisons, aux centres fermés,
mais peut être qu’il faut essayer à présent de changer le système de prévention de la délinquance
et de fournir plus de moyens pour aider l’enfant en danger ainsi que les mineurs n’ayant mis q
u’un pas dans la délinquance. L’éducation ne peut pas se faire en prison ? Alors faisons en sorte
qu’elle puisse se faire avant. La solution de rechercher un fautif à tout prix et d’attendre que la justice
pénale interviennent n’est pas la meilleure. La délinquance n’est pas qu’un problème pénal,
c’est aussi un problème économique et sociale devant mobiliser chacun. Par exemple, l’infraction
d’outrage à agent, certes blâmable n’est pas pour autant dramatique. Au lieu de porter plainte,
pourquoi ne pas raccompagner l’enfant au sein de sa famille en demandant des excuses et en
lui faisant comprendre qu’il ne doit pas recommencer. Vision naïve certes.
Bien entendu des actions à petite échelle de la part de chacun ne ferait pas disparaître la délinquance,
mais cela pourrait la réduire tout en rendant la répression moins agressive.
Il ne faut pas se focaliser uniquement sur la prévention, mais ne pas faire l’effet inverse non plus
en ‘ l’oubliant ‘ et trouver un juste équilibre. Alors même si les PME sont critiqués, comme par exemple
par le SNPES-PJJ qui les qualifie de ‘ projet répressif avec un habillage éducatif ‘, laissons-leur
une chance de fonctionner puisque la prison ou un système enfermant le mineur existeront toujours.
L’avenir nous dira si cela peut être bénéfique dans la prise en charge de la délinquance.
Et si l’enfermement n’est pas la solution, mais une solution, il reste certain que celle-ci doit être
trouvée pour que le conflit social qui grandit de plus en plus aujourd’huis s’atténue et espérons-le,
finisse par disparaître.
CODES (La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
1). — Code Civil 2007, Dalloz
2). — Code de procédure pénale 2008, Dalloz
3). — Code Pénal 2008, Dalloz
OUVRAGES
1). — Commission jeunesse du barreau de Liège, L’enfant face à l’enfermement –
VIIIèmes Assises des avocats d’enfants – Liège 7 et 8 décembre 2007, éditions Jeunesse et droit, décembre 2007
2). — BAILLEAU, Les jeunes face à la justice pénale – Analyse critique de l’application de l’ordonnance de 1945,
Alternatives sociales, Syros 1996
3). — GAILLAC, Les maisons de correction.1830-1945, Éditions Cujas, 1991
4). — J-M. PETITCLERC, Enfermer ou Éduquer ? Les jeunes et la violence, Paris, Dunod, 2004
5). — J-P ROSENCZVEIG, Le dispositif français de protection de l’enfance, Éditions Jeunesse et droit, 2005
6). — J-P. ROSENCZVEIG avec O. MAZEROLLE, ‘ Baffer ‘ n’est pas juger – La justice des mineurs, Plon, 2007
7). — FOUCAULT, Surveiller et punir – Naissance de la prison, Éditions Gallimard, 1975, réédition 2007
8). — LE PENNEC, Centre fermé, Prison ouverte – Luttes sociales et pratiques éducatives spécialisées,
L’Harmattan Controverses, 2004
9). — PIN, Droit pénal général, Cours Dalloz, 2e édition, 2007
ARTICLES et REVUES
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
1). — La revue d’action juridique et sociale – Journal du droit des jeunes, Dossier :
enfermement des mineurs, n°250, décembre 2005, p : 17 – 47 :
2). — GRILLE, ‘ Éduquer, punir, enfermer ou contenir les mineurs délinquants… Un débat qui dépasse
les frontières de l’Hexagone ‘, RAJS – JDJ n°250, décembre 2007, p : 19 et s.
3). — INES, ‘ Les CEF, élément d’un dispositif de relégation et de pénalisation de jeunesse en difficulté ‘,
RAJS – JDJ n°250, décembre 2007, p : 24 et s.
4). — J-L. RONGE, ‘ Le choix de la prison comme réponse pénale ‘, RAJS – JDJ n°250, p : 26 et
5). — PALACIO, ‘ Vingt ans de vrais et faux débats autour de l’enfermement des mineurs ‘,
RAJS – JDJ n°250, p : 38 et s.
6). — MUCCHIELLI, ‘ Les centres éducatifs fermés. Quoi de neuf dans le système actuel ? ‘, RAJS – JDJ n°250, p : 43 et s.
Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté adoptées par l’Assemblée générale
dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990, RAJS – JDJ n°250, p : 48 et
7). — Décret n°2004-1364 du 13 décembre 2004 modifiant le code de procédure pénale (troisième partie :
Décrets) et relatif à l’application des peines
AJ Pénal – n°5 Mai 2007, Dossier :
La Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, p : 205 – 217 :
1). — GAUTRON, ‘ La fin de la singularité du modèle français de prévention de la délinquance ‘,
AJ Pénal n° 5, mai 2007, p : 205 et s.
2). — BONFILS, ‘ La réforme de l’ordonnance de 1945 par la loi prévention de la délinquance ‘,
AJ Pénal n°5, mai 2007, p : 209 et s.
3). — SULTAN, ‘ La réforme de l’ordonnance de 1945 a-t-elle eu lieu ? ‘, AJ Pénal n°5, mai 2007, p : 215 et s.
4). — BAILLEAU, La justice pénale des mineurs en France. Ou l’émergence d’un nouveau modèle de gestion
des illégalismes, Déviance et société, 2002/3, Vol. 26, p : 403 à 421 (disponible sur :
http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=DS&ID_NUMPUBLIE=DS_263&ID_ARTICLE=DS_26 3_0403)
5). — CHABERT, Acceptation judiciaire de l’applicabilité directe de la Convention de New York, JCP 2005 II n° 10115.
6). — DELENS-RAVIER, ‘ L’enfermement des mineurs du point de vue de mineurs enfermés en communauté
française de Belgique ‘, Revue suisse de criminologie, 1/2003, p : 15.
7). — DESLOGES, Vivons-nous un retour à l’enfermement des mineurs délinquants ?, AJ Pénal, 2004, p : 27 et s.
8). — GRILLE, La perspective des établissements spécialisés pour mineurs, le pari d’une prison éducative ?,
AJ Pénal, 2005, p : 62 et s.
9). — ERIC, La loi du 19 avril 1898 et les institutions, Revue d’histoire de l’enfance irrégulière,
Numéro 2, 1999, http://rhei.revues.org/document45.html.
10). — L-E. PETTITI, Chronique internationale – Droits de l’Homme, RSC, 1988, p : 577 et
11). — PLANTET, L’enfermement des mineurs, Lien social n°834, 29 mars 2007
12). — LAZERGES, Fallait-il modifier l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 ?, RSC janvier/mars 2003, p : 172 et s.
13). — J-F RENUCCI, Le droit pénal des mineurs entre son passé et son avenir, RSC 2000, 79 et
14). — J-L. RONGE, interview de J-P. ROSENCZVEIG, RAJS – JDJ n°256, juin 2006, p : 24 et s.
15). — TAVERNIER, Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme,
Journal du droit international (JDI), 1989, p : 795 et s.
16). — TREMINTIN (propos recueillis par), Pour une complémentarité entre les associations
et le monde carcéral, Lien social n°650, 23 janvier 2003
17). — TREMINTIN, Quand l’incarcération ne peut être évitée : Educatif et enfermement sont ils inconciliables ?,
Lien social n°730, 18 novembre 2004, p : 8-12
18). — TREMINTIN, Qu’est devenue la délinquance juvénile ?, Lien social n°730, 18 novembre 2004
19). — TREMINTIN, Quelle place pour l’éducatif dans les centres fermes ?, Lien social n°763, 1er septembre 2005
SITE INTERNET (La place de l’enfermement dans les réponses
à la délinquance juvénile)
1). — http://www.conseil-constitutionnel.fr
2). — http://www.cpt.coe.int/fr/
3). — http://www.droitdesjeunes.com
4). — http://www.justice.gouv.fr
5). — http://www.presse.justice.gouv.fr
6). — http://www.textes.justice.gouv.fr
7). — http://www.rosenczveig.com
TEXTES INTERNATIONAUX
1). — Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales du 4 novembre 1950
2). — Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies du 26 janvier 1990
3). – Ensemble des règles minima des Nations unies concernant l’administration de la justice des mineurs (
Règles de Beijing) : Résolution 40/33 du 29 novembre 1985 de l’Assemblée générale des nations unies
CONSTITUTION, DÉCLARATION, ORDONNANCES ET LOIS
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
1). — Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de
2). — Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante
3). — Ordonnance n°58-1301 du 23 décembre 1958 relative à l’enfance et adolescence en danger
4). — Constitution de la République – 4 octobre 1958
5). — Loi n°87-1062 du 30 septembre 1987
6). — loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence
et les droits des victimes (JLD pour les mineurs et les majeurs)
7). — Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice
(portant création de l’article 33 de l’ordonnance de 1945, instituant les centres éducatifs fermés
et prévoyant la construction d’établissements pénitentiaires pour mineurs).
8). — Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
(élargit le recrutement des CEF à la libération conditionnelle).
9). — Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance
10). – Loi n°2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs
JURISPRUDENCE (La place de l’enfermement dans les réponses
à la délinquance juvénile)
1). — CEDH, 29 février 1988, Bouamar c/ Belgique, requête n° 9106/80
2). — CEDH, 28 octobre 1998, Assenov et autres c/ Bulgarie, requête n°90/1997/874/1086
3). — CEDH, 16 décembre 1999, V. c/ Royaume-Uni, requête n° 24888/94
4). — CC, 11 août 1993, DC 93-326
5). – CC, 29 août 2002, n° 2002-461 DC (reproduit en partie)
6). — CC, 3 mars 2007, n°2007-553 DC
7). — CC, 9 août 2007, n° 2007-554 DC
8). — AP, 2 juin 2000, n° de pourvoi : 99-60274.
9). — Crim, 18 juin 1997, n° de pourvoi : 97-82008 (reproduit)
10). — Civ 1ère, 15 juillet 1993, n° de pourvoi : 92-05015
11). — 1ère civ, 18 mai 2005, n° 02-20.613, Bourdier c/ Rainville
12). — 1ère 14 juin 2005, n° 04-16.942, Washington c/ Washington (reproduit)
ARTICLE DE PRESSE
COUSIN, Jeunes délinquants. Centres fermés : la solution ?, L’express, 25 septembre 2003 (reproduit)
AUTRES (La place de l’enfermement dans les réponses à la
délinquance juvénile)
1). — Annuaire statistique de la justice, La documentation française, Édition 2000, p : 211 et s.
2). — Annuaire statistique de la justice, La documentation française, Édition 2005, p : 232 et s.
3). — Annuaire statistique de la justice, édition 2007, sur justice.gouv.fr
4). — European sourcebook of crime and criminal justice Statistics – 2006
sur http://europeansourcebook.org/esb3_Full.pdf
5). — Rapport de M. ALVARO GIL-ROBLES, commissaire aux droits de l’homme, sur le respect effectif
des droits de l’Homme en France (situation des mineurs, p : 72 à 81).
6). — Rapport du syndicat national du personnel de l’éducation et du social- PJJ effectué le 11 mars 2007
pour la semaine d’action contre la mise en place des établissements pénitentiaires pour mineurs sur fsu.fr
7). — Rapport de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs du 27 juin 2002 du Sénat, senat.fr
8). — Rapport à l’assemblée nationale de la commission d’enquête sur la situation des prisons françaises
(n° 2521 déposé le 28 juin 2000)
9). — CNCDH, Etude et propositions sur les mineurs en milieu carcéral, adoptées le 16 décembre 2004
10). — Etude du sociologue Laurent Mucchielli effectuée à partir de l’ouvrage Enquête dans les quartiers
<h4> pour mineurs des prisons françaises, menée et écrit par le journaliste E. ZAMBEAUX</h4>
http://www.acversailles.fr/pedagogi/ses/ecjs/sequences/terminale/claris3_f.htm
11). — Séminaire relatif à ‘ l’enfant ‘, groupe n°6 : L’enfant et l’adolescent face à la justice pénale,
Direction des études de l’ENA, promotion 2005 – 2007 ‘ République ‘.
12). — Entretien avec Mme Céline FASSEY, ancienne directrice du quartier pour mineurs à la maison
d’arrêt de Nanterre, directrice adjointe de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville, 27 Avril
13). — Entretien avec Mme De Maximi, juge des enfants au Tribunal pour enfants de Nanterre, 2 mai
14). — Entretien avec Mme Guiraud, juge des enfants au Tribunal pour enfants de Nanterre, 15 mai 2008.
ANNEXE 1 : CC, 29 août 2002, n° 2002-461 DC (en partie)
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
SUR LE TITRE III PORTANT RÉFORME DU DROIT PÉNAL DES MINEURS :
25). — Considérant que le titre III de la loi déférée comprend les articles 11 à 32 ; que ces articles modifient
l’ordonnance susvisée du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ;
<h4> En ce qui concerne les principes constitutionnels applicables aux dispositions du titre III :</h4>
26). — Considérant que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme
la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées
à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées,
ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ;
que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale
des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l’ordonnance du 2 février 1945
sur l’enfance délinquante ; que toutefois, la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur
de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes
ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ;
qu’en particulier, les dispositions originelles de l’ordonnance du 2 février 1945 n’écartaient pas
la responsabilité pénale des mineurs et n’excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées
à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus
de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la
République en matière de justice des mineurs ;
27). — Considérant, par ailleurs, qu’il résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 que doivent être respectés,
à l’égard des mineurs comme des majeurs, le principe de la présomption d’innocence, celui de la nécessité
et de la proportionnalité des peines et celui des droits de la défense ; que doit être respectée également
la règle énoncée à l’article 66 de la Constitution, selon laquelle ‘ Nul ne peut être arbitrairement détenu. –
L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions
prévues par la loi ‘ ;
28). — Considérant, enfin, que, lorsqu’il fixe les règles relatives au droit pénal des mineurs, le législateur doit
veiller à concilier les exigences constitutionnelles énoncées ci-dessus avec la nécessité de rechercher les auteurs
d’infractions et de prévenir les atteintes à l’ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens,
qui sont nécessaires à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle ;
29). — Considérant que c’est à la lumière de tout ce qui précède que doivent être examinés les moyens
présentés par les deux saisines ;
<h4>. En ce qui concerne les articles 11, 12 et 13 :</h4>
30). — Considérant que l’article 11 de la loi déférée, qui modifie l’article 122-8 du code pénal, prévoit
le principe de ‘ sanctions éducatives ‘ à l’égard des mineurs de plus de dix ans, compte tenu de l’atténuation de responsabilité
dont ils bénéficient en raison de leur âge ; que l’article 12 ajoute la mention des sanctions éducatives à l’article 2
de l’ordonnance du 2 février 1945 susvisée ; que l’article 13 insère dans la même ordonnance un article 15-1 dressant
la liste de ces sanctions éducatives ; que cette liste comprend : 1° la confiscation de l’objet ayant servi à commettre
l’infraction ou qui en est le produit, 2° l’interdiction de paraître, pendant une durée qui ne saurait excéder un an,
dans le ou les lieux dans lesquels l’infraction a été commise, à l’exception des lieux où le mineur réside habituellement,
3° l’interdiction, pour une durée qui ne saurait excéder un an, de rencontrer ou de recevoir la victime de l’infraction
ou d’entrer en relation avec elle, 4° l’interdiction, pendant une durée qui ne saurait excéder un an, de rencontrer ou
de recevoir le ou les coauteurs ou complices éventuels ou d’entrer en relation avec eux, 5° des mesures d’aide
ou de réparation, 6° l’obligation de suivre un stage de formation civique d’une durée qui ne peut excéder un mois,
ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultant de la loi ;
31). — Considérant que les deux saisines reprochent à ces dispositions de méconnaître un principe fondamental
reconnu par les lois de la République qui exclurait la responsabilité pénale des enfants et consacrerait
‘ le primat de l’éducatif sur le répressif ‘ ;
32). — Considérant que les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs ne s’opposent pas à ce que
leur soient infligées des sanctions telles que celles énumérées ci-dessus, lesquelles ont toutes, au demeurant,
une finalité éducative ; qu’en particulier, en application du principe de proportionnalité des peines, ces sanctions
prendront naturellement en compte les obligations familiales et scolaires des intéressés ;
<h4>. En ce qui concerne l’article 16 :</h4>
33). — Considérant que cet article modifie sur trois points le I de l’article 4 de l’ordonnance de 1945 relatif à la
retenue des mineurs de dix à treize ans ; qu’il abaisse de sept à cinq ans la durée de la peine d’emprisonnement
encourue à partir de laquelle la retenue est possible pour les nécessités de l’enquête ; qu’il porte de dix à douze
heures la durée maximale de la retenue ; qu’enfin, il substitue à la condition relative aux ‘ indices graves et
concordants laissant présumer que le mineur a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit
‘ une condition identique, mais mentionnant des ‘ indices graves ou concordants ‘ ;
33). — Considérant que, selon les auteurs des saisines, ces modifications méconnaissent, par leur rigueur,
les principes énoncés par les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ;
34). — Considérant que, si le législateur peut prévoir une procédure appropriée permettant de retenir les enfants
âgés de dix à treize ans pour les nécessités d’une enquête, il ne peut être recouru à une telle mesure que dans
des cas exceptionnels et s’agissant d’infractions graves ; que la mise en œuvre de cette procédure, qui doit
être subordonnée à la décision et soumise au contrôle d’un magistrat spécialisé dans la protection de l’enfance,
nécessite des garanties particulières ;
35). — Considérant que l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945, dans sa rédaction issue de l’article 16
de la loi déférée, interdit le placement en garde à vue du mineur de treize ans et organise, à titre exceptionnel,
une procédure de retenue pour le mineur de dix à treize ans ; que la mise en œuvre de cette procédure est liée
à la gravité des infractions commises ; que ce texte subordonne cette mise en œuvre à l’accord préalable
et au contrôle d’un magistrat spécialisé dans la protection de l’enfance ;
36). — Considérant, en outre, qu’en prévoyant une durée maximale de rétention de douze heures, qui ne peut
qu’exceptionnellement être prolongée pour la même durée, et des garanties relatives à son déroulement,
notamment l’assistance d’un avocat dès le début de la retenue, cet article n’a pas méconnu les exigences
ci-dessus rappelées ;
37). – Considérant, par suite, que n’est pas contraire à la Constitution l’article 16 de la loi déférée,
qui n’apporte aux dispositions antérieures que des modifications relevant du pouvoir d’appréciation du législateur ;
<h4>. En ce qui concerne les articles 17 et 18 :</h4>
38). — Considérant que l’article 17 de la loi déférée insère dans l’ordonnance du 2 février 1945 un article 10-2
relatif au contrôle judiciaire des mineurs ; que le III du nouvel article 10-2 prévoit qu’en matière correctionnelle
les mineurs de treize à seize ans ne pourront être placés sous contrôle judiciaire que dans un ‘ centre éducatif fermé ‘
défini par l’article 33 nouveau de cette ordonnance ; qu’en vertu de l’article 11 de la même ordonnance,
tel que modifié par l’article 18 de la loi déférée, la détention provisoire de ces mineurs sera possible s’ils
se soustraient aux obligations du contrôle judiciaire, par exemple en cas de fugue ;
39). — Considérant que, selon les deux saisines, ces dispositions méconnaîtraient les articles 8 et 9 de
la Déclaration de 1789, violeraient les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs et,
rétablissant la possibilité de placer en détention provisoire des mineurs âgés de moins de seize ans qui avait
été abrogée par la loi n° 87-1062 du 30 décembre 1987, priveraient la protection pénale des mineurs
d’une garantie sans la remplacer par une garantie équivalente ;
40). — Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des dispositions contestées que le contrôle judiciaire
des mineurs de treize à seize ans n’est possible que si la peine encourue est d’au moins cinq ans
d’emprisonnement et si l’intéressé a déjà fait l’objet d’une condamnation ou d’une mesure de placement ;
que le placement sous contrôle judiciaire ne peut être décidé qu’après débat contradictoire au cours duquel
le juge entend les observations du mineur, celles de son avocat et, le cas échéant, celles du responsable
du service qui suit le mineur ; que les
41). — conditions de fond et les règles de procédure prévues par le code de procédure pénale en matière
de contrôle judiciaire sont en outre applicables ; que le magistrat qui décide le contrôle judiciaire doit motiver
son ordonnance, notifier à l’intéressé en présence de son avocat et de ses représentants légaux les obligations
qui lui sont imparties et l’informer des conséquences du non respect des obligations du contrôle judiciaire ;
qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le contrôle judiciaire du mineur âgé de treize à seize ans
ne sera prononcé que lorsque le justifieront les circonstances, la gravité de l’infraction, les nécessités
de l’enquête et la personnalité du mineur ;
42). — Considérant, en second lieu, qu’il est loisible au législateur de modifier ou d’abroger les dispositions
antérieures sous réserve de ne pas priver de garanties des exigences de valeur constitutionnelle ;
que les dispositions antérieures à la loi déférée prévoyaient déjà en matière criminelle la possibilité
de placer en détention provisoire les mineurs de treize à seize ans ; qu’en rétablissant à leur égard
une possibilité de détention provisoire en matière correctionnelle s’ils méconnaissent les obligations
du contrôle judiciaire, les dispositions critiquées n’ont privé de garantie aucune exigence de valeur
constitutionnelle, compte tenu des conditions de procédure et de fond auxquelles reste subordonnée
la détention provisoire ;
43). — Considérant qu’il y a lieu de relever à cet égard que la détention provisoire n’est possible
que si la mesure est indispensable ou s’il est impossible d’en prendre une autre ; que les règles posées
par les articles 137 à 137-4, 144 et 145 du code de procédure pénale doivent être respectées ; que la détention
doit être effectuée soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé, soit dans un établissement garantissant
la séparation entre détenus mineurs et majeurs ; que les dispositions contestées prévoient de plus la présence
d’éducateurs dans des conditions à fixer par décret en Conseil d’État et un accompagnement éducatif au fin
de détention ; qu’enfin, la durée de détention est limitée, selon la peine encourue, à quinze jours ou un mois,
renouvelable une fois ;
44). — Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les articles 17 et 18 ne sont contraires
à aucune exigence constitutionnelle ;
<h4>. En ce qui concerne l’article 19 :</h4>
45). — Considérant que cet article insère dans l’ordonnance du 2 février 1945 un article 14-2 instituant
une procédure de ‘ jugement à délai rapproché ‘ ;
46). — Considérant que les saisines reprochent à cette procédure de méconnaître les principes constitutionnels
propres à la justice des mineurs, ainsi que les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ;
47). — Considérant que les dispositions contestées ne prévoient le jugement à délai rapproché que si le mineur
encourt une peine d’emprisonnement au moins égale à trois ans en cas de flagrance et à cinq ans dans les autres cas ;
que la procédure ne peut être engagée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et si une
enquête de personnalité a été réalisée à l’occasion d’une procédure antérieure d’un an au plus ; que le procureur
de la République doit notifier au mineur les faits qui lui sont reprochés en présence d’un avocat ;
que, dès sa désignation, l’avocat peut consulter le dossier et communiquer librement avec le mineur ; que,
l’audience de jugement doit se tenir dans un délai compris entre dix jours et un mois ; que,
s’il considère que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal pour enfants ne peut renvoyer l’audience à plus d’un mois ;
que, si le tribunal estime des investigations nécessaires compte tenu de la gravité et de la complexité de l’affaire,
il renvoie le dossier au procureur ; que, pour les mineurs de plus de seize ans, la détention provisoire précédant
l’audience ne peut se prolonger au-delà d’un mois à compter de la première comparution devant le tribunal ;
que les mineurs de treize à seize ans, pour leur part, ne peuvent faire l’objet, avant l’audience, que d’une mesure
de contrôle judiciaire ; qu’en outre, le jugement à délai rapproché répond à la situation particulière des mineurs
en raison de l’évolution rapide de leur personnalité ;
48). — Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’article 19 de la loi déférée ne méconnaît
ni les droits de la défense, ni la présomption d’innocence, ni le principe de nécessité des peines, ni l’article 66
de la Constitution, ni les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs ;
<h4>. En ce qui concerne l’article 20 :</h4>
49). — Considérant que l’article 20 de la loi déférée ajoute à l’article 21 de l’ordonnance du 2 février 1945
un alinéa ainsi rédigé : ‘ Pour les contraventions de police des quatre premières classes relevant de l’article
706-72 du code de procédure pénale, le juge de proximité exerce les attributions du tribunal de police
dans les conditions prévues au présent article ‘ ;
50). — Considérant que, selon les requérants, en confiant à un magistrat non professionnel le jugement
d’infractions commises par les mineurs, cet article méconnaît les principes constitutionnels propres
à la justice des mineurs ;
51). — Considérant que le jugement des contraventions des quatre premières classes commises par
des mineurs relevait, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 2 février 1945, du tribunal de police ;
que, pour les contraventions prévues par le décret mentionné au nouvel article 706-72 du code de procédure
pénale, le juge de proximité se substituera au tribunal de police en appliquant les mêmes règles de procédure
et de fond ; qu’en particulier, conformément aux dispositions inchangées sur ce point de l’article 21 de
l’ordonnance du 2 février 1945, les mineurs de treize ans ne seront passibles que d’une admonestation ;
que, de même, la publicité des débats sera soumise aux restrictions prévues par l’article 14 de la même
ordonnance ; que, par suite, les dispositions critiquées ne portent pas atteinte aux principes
constitutionnels propres à la justice des mineurs ;
<h4>. En ce qui concerne l’article 22 :</h4>
52). — Considérant que l’article 22 de la loi déférée insère dans l’ordonnance du 2 février 1945 un article
33 relatif aux ‘ centres éducatifs fermés ‘ ;
53). — Considérant que, selon les requérants, le nouvel article 33 ‘ est entaché d’incompétence négative
et viole la liberté individuelle et la présomption d’innocence telles que garanties par les articles 4 et 9 de
la Déclaration de 1789 ‘ ; qu’ils lui reprochent en outre de ‘ s’affranchir des règles protectrices en matière
de justice des mineurs et des garanties constitutionnelles lui étant attachées ‘ ;
54). — Considérant, en premier lieu, que l’article 33 précise les conditions du placement dans un centre
éducatif fermé ; qu’il définit ces centres comme ‘ des établissements publics ou des établissements privés
habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat ‘, dans lesquels ‘ les mineurs sont placés
en application d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve ‘ et font l’objet ‘ de mesures
de surveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté
à leur personnalité ‘ ; qu’enfin, ainsi qu’il ressort de l’ensemble des dispositions nouvelles et que
le confirment les travaux parlementaires, la dénomination de ‘ centres fermés ‘ traduit seulement
le fait que la violation des obligations auxquelles est astreint le mineur, et notamment sa sortie
non autorisée du centre, est susceptible de conduire à son incarcération par révocation du contrôle
judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve ;
55). , — Considérant qu’il résulte de ce qui précède que doit être rejeté le moyen tiré de ce que
le législateur n’aurait pas épuisé sa compétence ;
56). — Considérant, en second lieu, que le placement dans un centre éducatif fermé sera ordonné
par l’autorité judiciaire ; que sa durée sera limitée à six mois renouvelable une fois pour le contrôle
judiciaire, et à la durée de la peine d’emprisonnement pour le sursis avec mise à l’épreuve ;
que, pour les mineurs condamnés, il constitue une alternative à l’incarcération ; qu’un suivi éducatif
et pédagogique renforcé, adapté à la personnalité du mineur, y est prévu ;
57). — Considérant que, dans ces conditions, l’article contesté n’est contraire ni aux articles 4, 8 et 9
de la Déclaration de 1789, ni aux principes constitutionnels propres à la justice des mineurs ;
<h4>. En ce qui concerne l’article 23 :</h4>
58). — Considérant que les saisines font grief à cet article de ‘ punir ‘ par la suspension des allocations
familiales les parents du mineur placé dans un centre éducatif fermé ; que l’article 33-1, inséré dans
l’ordonnance du 2 février 1945 par l’article 23 de la loi déférée, violerait dès lors, selon les requérants,
le principe constitutionnel selon lequel ‘ nul n’est punissable que de son propre fait ‘ ;
59). — Considérant que l’article 23 n’institue pas une sanction à l’égard des parents du mineur placé
dans un centre éducatif fermé ; qu’ainsi qu’il ressort en effet des articles L. 513-1 et 521-2 du code de
la sécurité sociale, les allocations familiales sont servies aux seules personnes ayant la charge effective
de l’enfant, afin de concourir à la couverture des besoins matériels et moraux de cet enfant ;
qu’au demeurant, en vertu de l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale et de l’article 40
de l’ordonnance du 2 février 1945, la part des allocations familiales due pour un enfant placé
en vertu des articles 15, 16, 16 bis et 28 de l’ordonnance du 2 février 1945 est versée au service
d’accueil, sauf demande du juge des enfants lorsque la famille ‘ participe à la prise en charge
morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer ‘ ;
que le nouvel article 33-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 se borne à appliquer cette règle
au cas particulier du placement dans un centre éducatif fermé ;
60). — Considérant que la disposition critiquée ne méconnaît pas le principe d’égalité devant
la loi en matière de prestations familiales ; qu’en effet, les allocations suspendues concerneront
la seule part représentée, dans les allocations familiales, par l’enfant placé ; que la durée de
la suspension n’excédera pas celle du placement ; qu’enfin, le juge pourra maintenir le versement
des allocations familiales à la famille dans les cas ci-dessus énoncés ;
61). — Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 23 n’est contraire à aucune
exigence constitutionnelle
ANNEXE 2 : Crim, 18 juin 1997
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Rejet du pourvoi formé par X…, contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Versailles,
en date du 14 mars 1997, qui, dans l’information suivie contre lui du chef d’assassinats, a confirmé
l’ordonnance du juge d’instruction rejetant sa demande de mise en liberté.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu que X…, né le 1er avril 1978, a été mis en examen pour assassinats et placé en détention provisoire
le 28 février 1995 ; que cette détention a été prolongée, à compter du 28 février 1996, pour une nouvelle
période d’un an, non renouvelable, par ordonnance du 15 février 1996 ; que l’intéressé a présenté
une demande de mise en liberté, rejetée par le juge d’instruction le 25 février 1997 ;
Que, par l’arrêt attaqué, la chambre d’accusation a confirmé cette décision, après qu’eut été rendue,
le 26 février 1997, l’ordonnance de transmission de pièces ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 12 de l’ordonnance n° 45-174 du 2
février 1945, 181, alinéa 2, et 201, alinéa 2, du Code de procédure pénale, 66 de la Constitution du 4
octobre 1958, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, ensemble violation des droits de la défense :
” en ce que la chambre d’accusation a confirmé l’ordonnance de refus de mise en liberté du magistrat
instructeur en date du 25 février 1997 et a ordonné le maintien en détention provisoire de X…, né le 1er avril 1978 ;
” alors que nul ne peut être arbitrairement détenu ; que, si en application de l’article 181, alinéa 2, du Code
de procédure pénale, à compter de l’ordonnance de transmission de pièces intervenue avant l’expiration
du titre initial de détention ou de sa prolongation conforme à l’article 145-2 du Code de procédure pénale,
la détention provisoire se trouve maintenue de plein droit jusqu’à ce qu’il ait été statué par la chambre d’accusation,
c’est à la condition que ce titre ne soit pas inexistant ; que la mise en liberté du mis en examen s’impose
dans ce dernier cas à la chambre d’accusation :
qu’aux termes de l’article 12 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, le service
de l’éducation surveillée compétent doit obligatoirement être consulté avant décision de placement en
détention provisoire d’un mineur et avant décision de prolongation de cette détention ; que l’accomplissement
de cette formalité essentielle aux intérêts du mineur ne résulte d’aucun des éléments de la procédure soumise
à la Cour de Cassation, que ce soit avant la décision de placement en détention provisoire du 28 février 1995
et pas davantage lors de la prolongation de la détention pour un an non renouvelable par ordonnance du 25
février 1996 à compter du 28 février 1996 ; que, par conséquent, l’ordonnance de transmission de pièces
intervenue avant le 28 février 1996 était insusceptible de maintenir la détention provisoire jusqu’à ce qu’il
ait été statué par la chambre d’accusation et que, dès lors, en ne constatant pas d’office l’inexistence
du titre de détention du demandeur alors qu’elle était valablement saisie de la procédure à son encontre,
la chambre d’accusation a méconnu les textes susvisés “ ;
Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que le service éducatif près le tribunal de Versailles a été
consulté dans les conditions prescrites par l’article 12, alinéa 2, de l’ordonnance du 2 février 1945, relative
à l’enfance délinquante, tant lors du placement en détention de X…, mineur de 16 ans, que lors
de la prolongation de cette mesure ;
Que, dès lors, le moyen, qui manque en fait, ne peut qu’être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 144, 145 et 593 du Code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
” en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance de refus de mise en liberté de X… ;
” alors que toute décision d’une juridiction statuant sur la détention provisoire doit être spécialement
motivée d’après les éléments de l’espèce par référence aux dispositions de l’article 144 du Code de
procédure pénale ; que, dans son mémoire régulièrement déposé, le demandeur faisait valoir “qu’il
offre toute garantie de représentation. Celle-ci résulte d’un certificat d’hébergement établi par Y…,
traductrice et amie de Mme Z…” et qu’en se bornant à énoncer “que X… ne possède en France aucune
attache susceptible de garantir suffisamment sa représentation en justice” sans même faire état de
l’argument péremptoire précité invoqué dans le mémoire du demandeur, la chambre d’accusation
n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure de vérifier s’il avait été ou non répondu au mémoire
de X… en sorte que la cassation est encourue “ ;
Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par X…, de nationalité russe, la juridiction
d’instruction du second degré retient, notamment, que ce dernier, auquel sont reprochés les assassinats
de son père et de cinq de ses proches, ne possède en France aucune attache susceptible de garantir
suffisamment sa représentation en justice ;
Qu’en l’état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine, la chambre d’accusation, qui n’avait
pas à répondre mieux qu’elle l’a fait au mémoire dont elle était saisie, a justifié sa décision au regard
des dispositions visées au moyen, lequel ne peut, dès lors, être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 55 et 66 de la Constitution du 4 octobre
1958, 37 de la Convention des droits de l’enfant du 26 janvier 1990, 5 et 6 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motif, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
” en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance de refus de mise en liberté de X…, né le 1er avril 1978,
mis en détention provisoire par ordonnance du 26 février 1995, ladite détention ayant été prolongée pour
un an non renouvelable par ordonnance du 25 février 1996 à compter du 28 février 1996 et l’ordonnance
de transmission de pièces ayant été rendue le 26 février 1996 par le juge d’instruction ;
” alors que, d’une part, l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que les traités ou accords
internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés ont une autorité supérieure à celle des lois ;
qu’aux termes de l’article 37 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfance,
régulièrement ratifiée par la France, “la détention d’un enfant doit être d’une durée aussi brève que possible”
et que la règle de droit interne édictée par l’article 11 de l’ordonnance du 2 février 1945 aux termes de laquelle
“la détention provisoire d’un mineur âgé d’au moins 16 ans ne peut être prolongée au-delà de deux ans”,
mais qui précise que cette disposition n’est applicable que jusqu’à l’ordonnance de règlement est contraire
aux engagements internationaux de la France puisqu’elle autorise la détention provisoire pour une période
indéfinie à compter de cette ordonnance ; que, dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre
d’accusation, X… invoquait un détournement de procédure ayant consisté, pour le magistrat instructeur
à régler prématurément la procédure alors qu’un supplément d’information s’imposait à l’évidence afin
de permettre la prolongation de la détention de X… au-delà de deux ans et que, dès lors, en confirmant
l’ordonnance de refus de mise en liberté du magistrat instructeur et en ne remettant pas X… en liberté,
la chambre d’accusation a méconnu les dispositions impératives de l’article 37 de la Convention de
New York et le principe de la supériorité du traité sur la loi dont il lui incombait d’assurer le respect ;
” alors que, d’autre part, en ne répondant pas, fût-ce pour l’écarter, à cette articulation essentielle
du mémoire de la personne mise en examen, la chambre d’accusation a derechef exposé sa décision
à la censure “ ;
Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure qu’à la suite de l’ordonnance de transmission de
pièces du juge d’instruction, la chambre d’accusation a ordonné un supplément d’information ;
Qu’en cet état, la chambre d’accusation ayant statué dans le délai imparti par l’article 214, alinéa 3,
du Code de procédure pénale, le mandat de dépôt initial a pu, par application de l’article 181, alinéa 2,
de ce Code, conserver sa force exécutoire au-delà du délai maximum de la détention provisoire prescrit
par l’article 11 de l’ordonnance du 2 février 1945, relative à l’enfance délinquante, qui ne s’applique
que jusqu’à l’ordonnance de transmission de pièces ;
Attendu que le demandeur n’est pas recevable à présenter une exception prise d’une prétendue
incompatibilité des dispositions précitées avec l’article 37 de la Convention relative aux droits
de l’enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, dès lors que ce texte, qui ne crée d’obligations
qu’à la charge des Etats, ne saurait être invoqué directement devant les juridictions nationales ;
Que le moyen ne peut, dès lors, être admis ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
ANNEXE 3 : Civ 1ère, 14 juin 2005
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Sur le moyen unique, pris en ses six branches :
Attendu, selon l’arrêt infirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 13 mai 2004), que Mme Sophie X…,
de nationalité française, et M. David Y…, de nationalité américaine, se sont mariés aux Etats-Unis
le 10 mai 2000, une fille, Charlotte, étant née de cette union le 14 août 2000 aux Etats-Unis ;
que la famille vivait aux Etats-Unis lorsque’en mars 2003, Mme X… est venue en France avec l’enfant
pour des vacances, puis a informé son époux, le 31 mars 2003, de son intention de ne pas regagner
les Etats-Unis ; que M. Y… a saisi l’autorité centrale américaine d’une demande tendant à l’application
de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international
d’enfants, afin que soit ordonné le retour immédiat de l’enfant aux Etats-Unis, lieu de sa résidence
habituelle ; que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan
a fait assigner Mme X… cette fin ;
Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir ordonné le retour immédiat
de l’enfant aux Etats-Unis, en violation, selon le moyen :
1/. — de l’article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, le risque grave prévu
par ce texte pouvant
résulter du seul nouveau changement dans les conditions actuelles de vie de l’enfant ;
2/. — de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales,
selon lequel l’enfant a droit au respect de sa vie privée et familiale, ce qui imposait au juge
de prendre en considération la rupture avec son milieu d’intégration en France ;
3/. — de l’article 3, 1, de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits
de l’enfant, selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale,
cette prise en considération imposant, en l’espèce, de tenir compte de la rupture de l’enfant
avec son nouveau milieu d’intégration ;
4/. — des principes généraux du droit international qui consacrent cette même exigence ;
5/. — des principes constitutionnels à la lumière desquels les conventions internationales
doivent être interprétées, imposant que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération
primordiale dans toute prise de décision le concernant ;
et 6/. — sans répondre aux conclusions faisant valoir le risque grave résultant d’un projet
d’établissement du père à
Saint-Domingue ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980,
qu’il ne peut être fait exception au retour immédiat de l’enfant que s’il existe un risque de danger
grave ou de création d’une situation intolérable ;
qu’en vertu de l’article 3, 1, de la Convention de New-York relative aux droits de l’enfant,
disposition qui est d’application directe devant la juridiction française, ces circonstances doivent
être appréciées en considération primordiale de l’intérêt
supérieur de l’enfant ;
Attendu que, sans avoir à répondre à un simple argument, la cour d’appel a souverainement relevé,
après l’évocation des conditions de vie de l’enfant auprès de sa mère, qu’aucune attestation ne
mettait en évidence une attitude dangereuse du père à l’égard de sa fille, que la preuve était établie
qu’il n’était ni alcoolique, ni drogué, que l’état psychologique de l’enfant était satisfaisant, et que
son père lui offrait, aux Etats-Unis, des conditions de vie favorables, avec l’assistance d’une personne
diplômée d’une école d’infirmière ; qu’il résulte de ces énonciations que l’intérêt supérieur de l’enfant
a été pris en considération par la cour d’appel, qui en a déduit, sans encourir les griefs du moyen,
qu’il convenait d’ordonner le retour immédiat de l’enfant, en application de la Convention de La Haye ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme X…, épouse Y…, aux dépens ;
ANNEXE 4 : M. COUSIN, Jeunes délinquants. Centres fermés : la solution ?, L’express, 25 septembre 2003
Jeunes délinquants
(La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
Centres fermés : la solution?
par Marie Cousin, mis à jour le 23/09/2003 – publié le 25/09/2003
On recense six centres éducatifs dits ‘fermés’. Ils posent pour l’instant plus de questions qu’ils
ne résolvent de problèmes
Marco, 16 ans, descend tranquillement de la voiture garée à l’ombre de la grande bâtisse blanche,
le ‘château’, comme la surnomment les huit jeunes délinquants multirécidivistes placés par le juge
des enfants. Il vient d’accompagner au supermarché l’un des éducateurs pour les courses de la journée.
Un privilège obtenu si l’on fait preuve d’une conduite exemplaire au centre éducatif fermé (CEF)
de Sainte-Eulalie (Gironde) – à 20 kilomètres de Bordeaux. Les centres éducatifs fermés, ce devait être
la mesure phare du gouvernement, le maillon manquant face à la délinquance.
Ce fut la grande affaire de Jacques Chirac, après avoir été également au programme du candidat Jospin.
Le ministre de la Justice avait promis d’en ouvrir un par département d’ici à 2005.
Un an après leur création par la loi du 9 septembre 2002, on en recense six, dont deux viennent juste d’ouvrir.
Question de moyens, mais pas seulement. En réalité, depuis des mois, une interrogation mine les milieux
éducatifs et judiciaires: est-ce la bonne solution? Le CEF: une alternative à la prison ou aux structures
éducatives? Ici, un cours au centre de Sainte-Eulalie. Les CEF sont censés accueillir des mineurs
multirécidivistes placés par le juge
‘en application d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve’.
En cas de fugue ou de manquement grave au règlement, le mineur peut être incarcéré. Le CEF,
‘c’est la dernière chance avant la prison’, martèle-t- on à ces jeunes. Mais toute l’ambiguïté est là :
est-ce une alternative à la prison ou aux structures éducatives? Est- ce une solution préventive,
pour éviter la contagion carcérale, ou répressive, pour rassurer symboliquement un électorat inquiet?
Question subsidiaire : si ces centres s’avèrent dits ‘fermés’, pourquoi y a-t-on déploré huit fugues pour
moins d’une trentaine de mineurs en tout?
Le premier centre a ouvert au printemps et, très vite, les ennuis ont commencé : mise en examen
du directeur d’une association pour viol sur l’une de ses salariées, révolte d’un village contre la création
d’un CEF, feuilleton estival des fugues, sans oublier les manifestations répétées d’opposition du syndicat
majoritaire des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. C’est d’ailleurs la PJJ qui a pris
en charge, bon gré mal gré, les deux nouveaux centres ouverts en septembre : les quatre précédents
s’avèrent gérés par des associations.
Honorer une promesse électorale (La place de l’enfermement dans les réponses à la délinquance juvénile)
‘Ces centres constituent un bond de trente ans en arrière! s’indigne Claude Beuzelin, secrétaire générale
du syndicat. Il est impossible d’éduquer dans ces conditions. Les centres fermés des années 1960 l’ont montré.’
Le CEF, une résurgence des maisons de correction? ‘Rien à voir! tempête Bernard Vossier, directeur
de l’association chargée du CEF de Saint-Denis-le-Thiboult (Seine-Maritime). La maison de correction,
c’était 70 gamins et de la coercition physique. Le CEF, c’est 8 jeunes et 27 encadrants. Bien sûr,
on doit pouvoir les maîtriser, et notre équipe a suivi un stage de formation à l’école de police pour gérer
ces situations.
Mais l’important, c’est l’éducatif. S’il s’agit juste de les enfermer, la prison le fait mieux que nous.’
Le centre de Saint-Denis-le-Thiboult, avec son verger, ses chambres individuelles et sa petite salle de
classe mansardée, ne ressemble pas, en effet, à une prison, malgré la double grille à l’entrée et les
détecteurs aux fenêtres. Comme à Sainte-Eulalie, où Karim, 14 ans, a été placé le 3 juillet, après six
mois en détention: ‘Il n’y a que ceux qui ne sont jamais allés en prison qui disent que c’est pareil’,
souffle-t-il. Ici, on peut fuguer. Faut-il
verrouiller davantage? ‘Ces centres se trouvent juridiquement fermés par une sanction qui s’avère l’incarcération
en cas de manquement au règlement’, explique Mokrane Aït-Ali, directeur de l’association gérante.
La chancellerie mise plutôt sur une augmentation du personnel, un renforcement de la surveillance
et sur un ‘module d’entrée’, qui permet au jeune d’être pris en charge de manière individuelle
par deux éducateurs pendant quelques jours avant son arrivée au centre.
En fait, le premier problème rencontré par les CEF semble bien être une question de sémantique.
‘Le gouvernement a créé des centres éducatifs qui se sont appelés ‘fermés’ pour honorer la promesse
électorale de Jacques Chirac, observe Jean-Pierre Rosen-czweig, président du tribunal pour enfants
de Bobigny. L’opinion, croyant qu’il s’agissait d’une sorte de prison pour mineurs, s’est sentie trahie
au moment des fugues, présentées comme des évasions.’ À la chancellerie, on reconnaît qu’il fallait
aller vite. D’où l’appel au secteur associatif pour élaborer le cahier des charges plutôt qu’à la PJJ,
lourde machine bureaucratique.
Reste à savoir si, au-delà de l’annonce politique, les CEF sont une réponse pertinente au problème
de la prise en charge des mineurs multirécidivistes. ‘Il est trop tôt pour dresser un bilan, répond
Mokrane Aït-Ali. Mais, si ces gamins n’étaient pas dans le centre, ils seraient dehors ou en prison,
et, dans les deux cas, ils sont mieux ici.’ Pour Jean-Pierre Rosenczweig, ‘cela ne résout pas
le problème de la délinquance juvénile, mais cela élargit l’offre d’accueil éducatif mise à
la disposition des magistrats’.
En l’occurrence, l’offre reste encore symbolique: d’ici à décembre, une quarantaine de jeunes,
au maximum, y auront été reçus. Or on estime à près de 800 le nombre de mineurs incarcérés
chaque année. Les places en CEF sont chères. Dans le secteur privé, une journée coûte environ
550 euros par jeune. ‘Les budgets ne sont pas extensibles, s’inquiète Robert Bidart, juge des
enfants à Pau et vice-président de l’Association française des magistrats de la jeunesse.
Il ne faudrait pas que les moyens accordés aux CEF rognent sur les budgets du milieu ouvert,
c’est-à-dire sur la politique de prévention.’ Une certitude: le gouvernement poursuit une politique
axée sur la répression. Outre les CEF, l’ouverture d’ ‘établissements pénitentiaires spécialisés
pour mineurs’ (EPSM), autrement dit des ‘prisons-écoles’, s’avère programmée.
Sur ce sujet, la polémique sémantique n’aura pas lieu.
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Il s’agit de,
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Malgré cela,
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Pour conclure,
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Prenons le cas de,
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Qui plus est,
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SOMMAIRE ……………………………………………………………………………..INTRODUCTION : La place de l’enfermement des mineurs au sein du droit pénal français …………………………………………………………………………………… SECTION 1 : La notion d’enfermement et son champ d’application ……………….. I – L’enfermement : une notion large …………………………………………………. II – La notion de privation de liberté et les principes consacrés par le droit pénal des mineurs ……………………………………………………………………………… A) Objectif d’une peine privative de liberté………………………………………….. B) Exécution d’une peine privative de liberté …………………………………………. SECTION 2 : L’enfermement des mineurs à travers la mise en place et l’évolution d’un droit spécifique aux mineurs ……………………………………………………… I – Avant l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante Absence d’un droit spécifique aux mineurs, l’enfermement au cœur de l’action judiciaire ………………………………………………………………………………… II – De 1945 à nos jours : une responsabilité pénale des mineurs ‘ graduée ‘ ……… CHAPITRE 1 : L’enfermement des mineurs : Echec ou modalité de protection del’enfance ? ……………………………………………………………………………….. SECTION 1 : L’enfermement des mineurs : une exception avant tout ……………… I – Les textes internationaux et la position de la Cour Européenne des droits de l’Homme …………………………………………………………………………………. A) Les textes internationaux …………………………………………………………. 1. Les textes fondamentaux applicables …………………………………………….. 2. Portée de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant dans la jurisprudence française ……………………………………………………………. a) Résistance jusqu’en 2005 de la Cour de Cassation ………………………………… b) Le Conseil d’Etat : un effet direct de la Convention au cas par cas …………… |
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B) La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et décisions
de la Cour ……………………………………………………………………………. II – Législation interne : un difficile équilibre entre une politique sécuritaire et l’intérêt supérieur de l’enfant ………………………………………………………….. A) L’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante : vers un droit pénal des mineurs de moins en moins spécifique ? ………………………………………… B) La jurisprudence du Conseil Constitutionnel relative à la privation de liberté des mineurs ………………………………………………………………………………………………… SECTION 2 : L’enfermement des mineurs : Echec d’une protection antérieure ? …I – Délinquance juvénile : définition et évolution ……………………………………… A) Une délinquance des jeunes en mutation ………………………………………… B) Pistes explicatives de cette délinquance ………………………………………………. II – Les différentes mesures de prise en charge d’un mineur : des mesures éducatives aux peines privatives de liberté ……………………………………………. A) Les acteurs jouant un rôle dans la prise en charge du mineur délinquant en cas de placement ou d’incarcération provisoire ou non ……………………………………… 1. Au cours de la procédure : l’autorité judiciaire face aux mineur délinquant………. 2. Rôles et missions de la Protection judiciaire de la jeunesse dans la prise en charge du mineur délinquant ……………………………………………………… B) Les différents placements possibles : ‘ Répondre par l’éducatif à la demande de sécurité ‘ ……………………………………………………………………………… CHAPITRE 2 : ‘ Faut-il priver de liberté pour éduquer à la liberté ? ‘ ……………SECTION 1 : L’enfermement du mineur comme réponse pénale …………………… I – Mesures et peines privatives de liberté applicables aux mineurs ………………… A) Les centres éducatifs fermés : un enfermement ‘ juridique ‘ ……………………… B) De la détention provisoire à l’incarcération ……………………………………… 1. Le recours à la détention provisoire : maintien de l’ordre public et/ ou mesure d’urgence ……………………………………………………………………………… 2. La condamnation à une peine d’emprisonnement …………………………………. |
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II – Les quartiers pour mineurs : limite à la réinsertion des jeunes …………………A) Fonctionnement d’un quartier pour mineurs : l’exemple ‘ positif ‘ de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine ……………………………………………………….. B) Enquête sociologique des quartiers pour mineurs des prisons françaises : un constat plus sombre ………………………………………………………………. SECTION 2 : L’enfermement des mineurs : une solution, parfois critiquable …….. I – Les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs : ‘ Le pari d’une prison éducative ? ‘ …………………………………………………………………….. A) À l’origine des prisons pour mineurs : l’exemple de la Belgique ………………… B) Les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs : nouvelles perspectives de l’incarcération des jeunes ……………………………………….. II – Les limites à l’enfermement des mineurs ………………………………………… A) Détention en EPM : les effets pervers ……………………………………………. B) L’enfermement vécu par les jeunes ………………………………………………. CONCLUSION …………………………………………………………………………. BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………………… ANNEXES ……………………………………………………………………………….. TABLE DES MATIERE ……………………………………………………………….. |
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