C’est ce nouveau cas de divorce qui justifie que la durée des mesures provisoires ait été augmentée de six à trente mois, et qui concrétise véritablement dans le nouveau droit du divorce le divorce pour cause objective à raison de la cessation de communauté de vie depuis deux ans.
Par altération définitive du lien conjugal, la loi envisage deux cas bien distincts.
est venue préciser la notion de séparation mentionnée à l’article 238 du Code civil. Ainsi, la cessation de la vie commune se caractérise par l’existence d’une séparation entre les époux, « qu’elle résulte de leur volonté commune ou de l’initiative d’un seul d’entre eux ». L’origine de la séparation, qu’elle soit simplement de fait ou organisée judiciairement est indifférente, ce qui justifie selon les auteurs de la circulaire, la suppression dans la loi des termes de « séparation de fait » remplacés par ceux, plus neutres de « cessation de la vie commune ».
La circulaire renvoie également à la jurisprudence relative au divorce pour rupture de la vie commune en exigeant la preuve d’une rupture matérielle (absence de cohabitation) mais aussi psychologique (la volonté de rupture) dans le but d’exclure certaines situations d’éloignement liés à des motifs « purement objectifs », comme un éloignement pour raisons professionnelles.
qui, selon le texte doivent prendre en compte les « circonstances de l’espèce, l’attitude des époux, ou de celui qui a pris l’initiative de la rupture ».
La condition de délai de la cessation de la communauté de vie s’apprécie à la date de délivrance de l’assignation. Si l’époux demandeur peut justifier qu’il vit séparé de fait depuis deux ans, alors il peut rédiger et faire délivrer l’assignation en divorce sur ce fondement. L’autre époux ne pourra alors pas s’opposer à ce que le prononcé du divorce intervienne obligatoirement sur le fondement de l’article 237 du Code civil, et ce d’autant que la clause d’exceptionnelle dureté n’existe plus dans le nouveau dispositif. C’est en cela que le divorce pour altération définitive du lien conjugal constitue un véritable divorce pour cause objective.
« si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute (alinéa 1). S’il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal » (alinéa 2). La condition de délai de deux ans ne devient plus alors nécessaire.
Les parties seront alors amenées à conclure au stade de la mise en état sur les mesures provisoires, que le juge tranchera dans le jugement de divorce.
C’est au demandeur qu’il incombe d’administrer la preuve de la séparation, et dans un divorce éminemment contentieux un des premiers arguments de l’adversaire sera d’en contester le décompte.
Cependant, même si le demandeur ne rapporte pas la preuve de la durée de la séparation, l’acceptation par le conjoint de la demande en divorce équivaut à une reconnaissance implicite de l’existence de ce délai (CA Bordeaux, 7 mars 1994).
Il a encore été jugé sous l’empire des textes anciens que le rejet d’une première demande en divorce, à raison de la durée insuffisante de la séparation, n’empêche pas l’époux d’en introduire une seconde lorsque cette séparation a atteint la durée légale (Civ. 2e, 12 oct. 1988).
la période antérieure au jugement de séparation de corps puisqu’elle a admis d’amalgamer des périodes de séparation de fait et des séparations légales (CA Paris, 16 févr. 1979), ce que le texte nouveau n’interdit pas.
Enfin, le juge ne peut soulever d’office le moyen tiré du défaut d’expiration du délai, sauf lorsque le défendeur ne comparaît pas.Point de départ
Le délai court à compter du jour où les époux ont commencé à vivre séparés. Il s’agit généralement du moment de l’abandon du domicile conjugal, mais le point de départ est souvent difficile à fixer avec précision. Le délai ne peut pas commencer à courir tant que le mari continue à passer ses vacances en famille même si, dans le même temps, il a une liaison régulière (TGI Paris, 18 janv. 1977).
La durée de la séparation antérieure à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle doit être prise en considération.
La période de calcul concernée doit être continue. Une suspension du délai ne serait donc pas envisageable, la réconciliation obligeant à comptabiliser une nouvelle période. Mais si le délai ne peut être suspendu, il peut être interrompu. Tel est le cas lorsque les époux se réconcilient en reprenant effectivement une vie commune. En revanche, le délai continue à courir lorsque les époux demeurent en bons termes tant qu’il ne s’agit pas de réels sentiments d’affection. Il appartient aux juges compte tenu de la durée et des circonstances de la reprise de la communauté, d’apprécier si le délai doit être interrompu. Ils seront très prudents face aux allégations des parties, sachant que le défendeur est à l’affût du moindre rapprochement quand il ne l’a pas lui-même provoqué et que des rencontres sont souvent nécessaires soit pour des questions patrimoniales soit pour l’éducation des enfants.
tant matérielle qu’affective. Admettre le contraire reviendrait à empêcher celui qui veut refaire sa vie de garder des liens avec ses enfants et découragerait d’emblée toute tentative de réconciliation.
La preuve de la séparation et de sa durée peut être rapportée par tous moyens. En pratique, elle suscite une difficulté pour la séparation de fait, la séparation judiciaire résultant par hypothèse d’une décision. On retrouve les modes de preuve classiques, tels qu’un bail, une quittance ou bien un changement d’adresse.
Le texte n’exige pas expressément que les époux vivent séparément mais on vérifiera leur absence de cohabitation, circonstance aisément appréciable le plus souvent (par exemple en faisant référence à une décision de justice antérieure fixant la contribution aux charges du mariage due par le mari).
Il faut prouver de manière non équivoque la volonté de rompre les relations.
La situation en cas de séparation à l’amiable pourrait toutefois poser des difficultés dans la mesure où, si les deux partenaires ont choisi de ne plus vivre ensemble, ils n’auraient peut-être pas imaginé toutes les conséquences de leur décision, notamment la facilité avec laquelle l’un d’entre eux peut imposer à l’autre le divorce une fois le délai de deux ans révolu.
La jurisprudence de la Cour de cassation, rendue sur le fondement de l’article 237 ancien, ne prenait pas parti, déplaçant la question de la volonté vers celle de la réalité des faits. Il n’y avait séparation que lorsqu’il y avait disparition de toute communauté de vie tant affective que matérielle, quelque en soit la cause, volontaire ou non. Elle n’imposait pas une intention de rompre. Le texte nouveau précise que l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie, laquelle se trouve prouvée par une séparation de plus de deux ans.
Il s’agira donc comme auparavant de vérifier in concreto si les époux ont maintenu un contact affectif. Cependant, la Cour de cassation a jugé que le fait de vivre en concubinage avec une tierce personne peut tout de même s’accommoder du maintien de la communauté affective (Civ 2e, 2 oct. 1980).
Avec la disparition du divorce pour altération des facultés mentales qui constituait une variété du divorce pour rupture de la vie commune (ancien article 238 du Code civil), on peut s’interroger sur l’impact de la maladie du conjoint sur la notion d’altération définitive du lien conjugal. La maladie mentale ou l’altération des facultés personnelles d’un conjoint est sans réelle incidence sur la cause du divorce qui ne doit pas être confondue avec la cause de la séparation. En faisant reposer la preuve de l’altération du lien conjugal sur la seule séparation, la loi tend à privilégier la situation objective créée par la séparation des époux. Le conjoint abandonné et malade pourra toutefois répliquer par une demande reconventionnelle en divorce pour faute et une demande de dommages et intérêts compte tenu des circonstances de la rupture (article 1382 du Code civil) ou des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait du divorce (article 266 du Code civil).
Les juges admettent qu’une séparation légale, conséquence d’un jugement de séparation de corps obtenu par requête conjointe pouvait servir de fondement à une demande de divorce pour rupture de la vie commune : cette solution pourrait être applicable au divorce pour altération définitive du lien conjugal (Civ. 2e, 11 déc. 1991).