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Cabinet ACI > Domaines de compétence  > Droit pénal  > Une mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité

Une mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité

Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité :

Section 2 – Une mise en œuvre instrumentalisée des présomptions de culpabilité 

  Bien que les juridictions nationales et européennes aient validé la pratique des

présomptions de culpabilité, elles encadrent leur mise en œuvre dans des

conditions strictes (I).

Cependant, il semblerait que parfois ce mécanisme-au lieu de simplement renverser

la charge de la preuve-aboutisse finalement à instrumentaliser cette dernière dans

sens plus que défavorable au prévenu (II).

I).  —  L’encadrement jurisprudentiel des présomptions

de culpabilité, réserve à leur validité

(Mise en œuvre encadrée des présomptions

de culpabilité)

    Là encore il convient de voir distinctement comment les juridictions  européennes (/A)

et nationales (/B)

conditionnent les présomptions de culpabilité afin que celles-ci restent respectueuses 

du principe de présomption d’innocence.

     A).  —  Les limites posées par la Cour européenne des droits

de l’Homme (Mise en œuvre encadrée des présomptions

de culpabilité)

             La jurisprudence de la Cour européenne pose la condition suivante à

l’admissibilité des présomptions de culpabilité :

Il commande aux États de les enserrer dans des limites raisonnables prenant en

compte la gravité de l’enjeu et en préservant les droits de la défense[83].

Deux critères peuvent être dégagés :

la gravité de l’enjeu

et le respect des droits de la défense.

          1).  —  Concernant la gravité de l’enjeu,

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

il semblerait que les présomptions de culpabilité sont admises dans des matières

où l’importance de la preuve de l’élément moral est moindre.

En effet, la matière douanière ou contraventionnelle sont caractérisées par la

puissance de leur matérialité, de leur objectivité.

A contrario, il est possible d’avancer qu’une disposition présumant l’animus necandi,

élément constitutif d’un meurtre, ne prendrait pas en compte la gravité de l’enjeu[84].

          2).  —  Concernant, le respect des droits de la défense,

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

la Cour estime à juste raison qu’une présomption de culpabilité est légitime

lorsqu’elle permet à l’accusé ou au prévenu de rapporter la preuve contraire.

Autrement dit, la présomption doit être réfragable[85].

             A titre d’exemple, dans l’arrêt Salabiaku contre France, la Cour commence par

un examen abstrait de l’état du droit :

elle relève que les dispositions contestées du Code des douanes pris à la lettre poserait

une présomption irréfragable de culpabilité.

Elle ajoute qu’une évolution jurisprudentielle a cependant “tempéré le caractère

irréfragable attribué jadis par certains auteurs à la présomption qu’édicte l’article 392 par. 1”.

Enfin, elle procède à un examen in concreto de la disposition au cas d’espèce pour

conclure que l’application de cette dernière remplie les conditions de validité.

     B).  —  Les limites posées par les juridictions internes

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité) 

             Le Conseil constitutionnel estime que les présomptions de culpabilité

ne sont pas contraires à la Constitution

“dès lors qu’elles ne revêtent pas de caractère irréfragable,

qu’est assuré le respect des droits de la défense

et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité[86]”.

Contrairement à la Cour européenne, le Conseil constitutionnel n’établit pas

explicitement, la gravité de l’enjeu comme critère.

Néanmoins, il fait référence au domaine d’application des présomptions de

culpabilité en citant notamment la “matière contraventionnelle”.

Il n’y a donc pas de véritable divergence avec ce qu’affirme la juridiction européenne.

             Autre similitude, le Conseil constitutionnel

érige comme critère le respect des droits de la défense 

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

qui également implique que le prévenu ou l’accusé ai été en mesure de se défendre

de façon contradictoire et d’apporter tous les éléments susceptibles de prouver

son innocence.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel différencie entre le caractère réfragable

de la présomption et le respect des droits de la défense pour en faire deux

critères distincts.

Cela semble s’expliquer par l’importance qu’il attache à ce que les présomptions

de culpabilité-bien qu’elles puissent opérer un renversement de la charge de

la preuve doivent toujours pouvoir être renversées par le prévenu ou l’accusé.

A défaut, toute présomption de culpabilité irréfragable sera déclarée contraire

à la présomption d’innocence[87].

             Enfin, c’est sur l’exigence des faits devant

induire “raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité[88]

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

” que la jurisprudence du Conseil constitutionnel se distingue de celle de la

Cour européenne.

Ce critère reflète la volonté de ne pas instituer de présomption de culpabilité

automatique ou abstraite, mais de toujours conserver une approche concrète,

voire casuistique.

En effet, les faits doivent venir corroborer les présomptions.

De façon paradoxale, on pourrait presque dire que pour légitimer des

présomptions de culpabilité, le Conseil constitutionnel incite les tribunaux à utiliser

des présomptions de fait.

             Quant à la Cour de cassation, celle-ci s’aligne davantage sur la jurisprudence

de la Cour européenne que sur celle du Conseil constitutionnel.

Effectivement, elle érige comme critère le caractère réfragable des présomptions de

culpabilité et le respect des droits de la défense[89].

Elle ne fait pas référence à la nécessité d’avoir des faits qui induisent

« raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité« .

             Quoi qu’il en soit, les juridictions n’admettent les présomptions de culpabilité

qu’à condition que celles-ci soient encadrées strictement.

Néanmoins, elles ont aussi parfois tendance à les instrumentaliser en dépit de la situation

défavorable que cela créé pour le prévenu.

II).  —  L’instrumentalisation des présomptions de

culpabilité

(Mise en œuvre encadrée des présomptions

de culpabilité)

Une mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité

             Par instrumentalisation, il s’agit ici d’étudier les hypothèses où les juridictions

emploient l’expression de présomption de culpabilité alors qu’il s’agirait davantage

de présomptions de responsabilité (/A)

voire de présomption d’imputabilité (/B).

     A).  —  Confusion entre présomption de culpabilité et présomption

de responsabilité

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

             Prima facie, la culpabilité et la responsabilité sont deux choses distinctes :

la première se résume en la constatation des éléments constitutifs de l’infraction,

la seconde quant à elle désigne l’obligation de répondre de ses actes devant les tribunaux.

Pourtant, il se peut que cette distinction ne soit pas toujours évidente à effectuer.

En ce sens, la Cour européenne avait relevé concernant le délit douanier d’importation

de marchandises prohibées que :

« Le glissement ainsi opéré de l’idée de responsabilité pénale à la notion de culpabilité illustre

le caractère très relatif de pareille distinction » (§28).

En effet, les juges du fond avaient déclaré le prévenu coupable du délit,

alors qu’en réalité la disposition concernée ne traite pas de culpabilité, mais

de responsabilité.

             Cette confusion entre présomption de culpabilité et présomption

de responsabilité est d’autant plus flagrante lorsqu’elle est réalisée par

les juridictions elles-mêmes.

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

Par exemple, en matière contraventionnelle, le Conseil constitutionnel considère

que l‘article L.121-3 du Code de la Route institue une présomption de culpabilité[90].

Mais, concrètement, puisqu’aucun élément moral n’est exigé pour les contraventions,

il ne s’agirait pas d’une présomption de culpabilité, mais simplement une présomption

de responsabilité ;

indifférente à ce qu’une faute intentionnelle ou non intentionnelle ai été commise.

C’est, en effet, ce qu’affirme la Cour de cassation considérant que le Code de la route

« n’a institué à l’égard des propriétaires de véhicules, relativement à la contravention

d’excès de vitesse, aucune présomption légale de culpabilité, mais seulement une

responsabilité pécuniaire à moins qu’ils n’établissent qu’ils ne sont pas les auteurs

véritables de l’infraction« [91].

             Un autre exemple de confusion entre

culpabilité et responsabilité concerne la responsabilité

des parents du fait de leurs enfants.

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

La loi du 14 mars 2011, appelée loi LOPPSI[92] avait dans son article 43§ IIIᵉ créé une

hypothèse de présomption de culpabilité.

En effet, le I° et le II de cet article donnaient la possibilité au préfet ou au tribunal

pour enfants d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs de treize ans de façon

générale ou individuelle.

Seulement, le III punissait d’une amende prévue pour les contraventions de troisième

classe le fait pour les parents « de ne pas s’être assurés du respect de la mesure ».

Ainsi si un mineur n’avait pas respecté l’obligation générale ou individuelle de

couvre-feu, les parents de ce dernier pouvaient se voir infliger une contravention

pour avoir manqué à leur obligation de surveillance.

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

             Le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition non conforme à la

Constitution et notamment au principe de présomption d’innocence aux motifs :

« qu’en permettant de punir le représentant légal à raison d’une infraction commise

par le mineur, il [l’article précité] a pour effet d’instituer, à l’encontre du représentant

légal, une présomption irréfragable de culpabilité« [93].

Autrement dit les parents sont présumés coupable de ne pas avoir veillé à l’obligation

incombant à leur enfant. 

Cependant, l’attendu fait référence à une présomption irréfragable de culpabilité,

mais en réalité, le terme présomption de responsabilité aurait pu aussi parfaitement

convenir.

     B).  —  Confusion entre présomption de culpabilité et

présomption d’imputabilité

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

Là encore les termes culpabilité et imputabilité recouvrent des non

différentes.

En effet, l’imputabilité est le fondement moral de la responsabilité pénale.

Elle est établie sur le discernement des individus et leur libre arbitre.

Il s’agit en réalité d’attribuer la faute commise à un individu.

Dès lors, la culpabilité, en tant qu’élément moral de l’infraction vise le rapport

entre le sujet et sa conduite ; l’imputabilité  en revanche, est un état qui désigne

qualification du sujet lui-même.

Malgré cette distinction, les juridictions ont parfois tendance à assimiler l’une à l’autre.

             A ce titre, la Cour de cassation avait été saisie d’une question prioritaire de

constitutionnalité sur la conformité de sa jurisprudence relative au délit d’injure

avec la présomption d’innocence.

En l’espèce, un représentant du mouvement raëlien qui entendait pratiquer le clonage

s’était fait injurier dans une émission de télévision. Les personnes poursuivies pour

injure ont été condamnées par la chambre criminelle de la Cour de cassation qui

avait de la même façon qu’avec le délit de diffamation présumée l’intention

coupable dans les propos[94].

Finalement, la Cour de cassation

a refusé de renvoyer cette question aux motifs que :

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

« les questions ne présentent pas, à l’évidence, un caractère sérieux, dès lors que la disposition

légale critiquée définit les éléments matériels du délit d’injure en des termes suffisamment

clairs et précis pour exclure l’arbitraire,

et que la présomption d’imputabilité de l’élément moral de l’infraction à l’auteur

des propos incriminés, inhérente à la disposition en cause, est dépourvue de tout caractère

irréfragable, ne fait pas obstacle à l’exercice des droits de la défense, et ne contrevient pas

au principe du procès équitable« [95].

Dès lors, la Cour de cassation vise une présomption d’imputabilité alors qu’en réalité,

ce n’est pas l’attribution de la faute à une personne qui est présumée, mais tout

simplement l’élément moral de l’infraction.

Il y a donc eu confusion entre

présomption de culpabilité et présomption d’imputabilité.

(Mise en œuvre encadrée des présomptions de culpabilité)

Il est possible d’expliquer cela en arguant du fait que dans la formulation,

présumer l’imputabilité parait moins choquant,

moins irrespectueux de la présomption d’innocence que présumer la culpabilité.

             Enfin, le Conseil constitutionnel a aussi parfois tendance à assimiler c’est

deux termes.

Il a, en effet, estimé que les sanctions administratives pesant sur le titulaire d’un

accès internet pour défaut de surveillance, conformément à la loi HADOPI

instituaient « une présomption de culpabilité à l’encontre du titulaire de l’accès

à internet, pouvant conduire à prononcer contre lui des sanctions privatives ou

restrictives de droit».

Il estime ainsi qu’est présumée la culpabilité alors qu’en réalité cette présomption

envisage plutôt l’imputabilité[96].

             Par conséquent, la jurisprudence a parfois tendance à assimiler culpabilité,

responsabilité, voire, imputabilité alors qu’il s’agit de trois choses distinctes.

III).  —  Contacter un avocat

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de culpabilité)

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